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Villeneuve-la-Garenne, l’explosion d’une « cocotte-minute »

Villeneuve-la-Garenne, l’explosion d’une « cocotte-minute »

photo de fênêtres d'un immeuble (Villeneuve-la-Garenne)

Depuis l’incident du samedi 21 avril à Villeneuve-la-Garenne dans les Hauts-de-Seine (92), impliquant un véhicule de police et un motard ayant été grièvement blessé à la jambe, des violences ont éclaté dans plusieurs villes alentours mais aussi ailleurs en France.

Un sentiment d’injustice

La scène a été filmée, relayée et partagée sur tous les réseaux sociaux. On y voit un homme, allongé au sol à côté de policiers qui lui font un garrot. Il hurle, il a une fracture ouverte à la jambe. Selon les policiers, c’est un accident. Selon les habitants de Villeneuve-la-Garenne qu’on entend crier dans la vidéo, c’est une « bavure policière » pour laquelle les policiers vont devoir payer. Le soir même, des violences éclatent : tirs de feux d’artifice, pétards, voitures et poubelles brûlées… La colère retentit partout dans la ville et n’a cessé depuis de se propager en Île-de-France, mais aussi à Roubaix, Tourcoing ou Limoges. Selon le parquet de Nanterre, l’IGPN s’est saisie de l’enquête.

Selon Salim, 40 ans, qui habite depuis toujours à Villeneuve-la-Garenne, « si le ministère avait le soir même suspendu de leurs fonctions les policiers jusqu’à ce que l’enquête aboutisse, un certain nombre de jeunes n’auraient pas suivi les meneurs ». Il poursuit : « Les sentiments d’injustice, de stigmatisation, de discrimination sont profonds dans les quartiers et pour beaucoup, la seule réponse, c’est la rébellion contre ce qu’ils considèrent comme une injustice. »

Une accumulation de violences policières

Mohamed, âgé de 20 ans et résidant également à Villeneuve-la-Garenne, a ce même sentiment d’injustice. « Les violences ont éclaté pour montrer que la police n’a pas tous les droits », justifie-t-il. « Elle est là pour faire respecter les règles et pas pour nous mettre en danger. » Ce sentiment de ne pas être protégé par la police, et la haine qui en découle, semblaient déjà bien ancrés dans les banlieues depuis longtemps, et s’accentuaient depuis quelques années. « Ce n’est pas le premier cas à Villeneuve-la-Garenne », ajoute Mohamed. « Il y a deux ans, un policier avait ouvert le feu sur un jeune. » Il s’agissait de Boubacar, 19 ans, touché à deux reprises par un policier qui avait tiré une dizaine de fois sur sa voiture prenant la fuite.

Depuis le confinement, les dénonciations de bavures policières se sont multipliées. Parmi les nombreuses vidéos qui circulent, il y a notamment le cas de Sofiane, 21 ans, qui a été menotté, frappé violemment et tiré sous le porche d’un immeuble avant d’être roué de coups par la Brigade Anti-Criminalité (BAC). Ce jeune homme résidant dans la cité des Ulis (Essonne) aurait seulement oublié son attestation.

L’effet du confinement ?

L’incident de Villeneuve-la-Garenne apparaît comme étant la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, invité sur BFMTV, accuse « l’effet du confinement ». « Ce sont des petits groupes qui pensent que ce serait ludique d’attaquer les forces de police, de brûler des poubelles. Ce n’est pas ludique, c’est dangereux à commencer pour eux-mêmes. » Salim pense aussi que le confinement a aggravé ces tensions : « C’était une cocotte-minute depuis quelques jours. On sent les quartiers à vif parce que la vie dans un bon nombre de quartiers se fait hors des murs. On vit dehors et on se côtoie dehors. »

Enfin, Salim conclut en disant que cette violence dans les banlieues est, selon lui, loin d’être systématique : « Avec la police de la ville qui connait en partie la jeunesse, qui a réussi à tisser un lien avec les jeunes, l’ordre est respecté. C’est la police qui ne connait ni les jeunes, ni les lieux, qui fait l’objet des plus vives critiques et qui est dans la majorité des cas impliquée dans les histoires de bavures. À mon sens, ce n’est pas forcément la question de savoir si on nous donne assez la parole, mais la représentation que beaucoup ont de la banlieue […]. Ce n’est ni un privilège, ni une corvée d’y habiter […]. Quand on vit en banlieue, la plupart du temps, on y est heureux. » Mohamed, lui, pense au contraire « qu’on ne donne pas assez la parole aux jeunes de banlieue. Ou peut être qu’on ne les écoute pas assez. Sinon il n’y aurait pas tout ça. »

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