François Hollande, l’ancien président en croisade politique à Sciences po Lille le temps d’une conférence

Mardi 15 octobre, François Hollande était invité par l’antenne de la Fondation Jean Jaurès à Sciences po Lille, pour donner une conférence sur son nouvel ouvrage, Le Défi de gouverner, paru en septembre dernier. Habitué des amphithéâtres lillois, si l’ancien président de la République s’est prêté au jeu des questions/réponses avec les étudiantes et étudiants, il en a surtout profité pour égrener ses idées.

Combien, parmi les quelques 200 étudiants présents dans l’amphi A de Sciences po Lille en cette fin d’après-midi d’automne, pouvaient se targuer d’avoir lu le tout dernier livre de l’ancien président ? Sûrement très peu. Mais l’important est ailleurs, car si les étudiants n’étaient pas là pour discuter du rapport de la gauche et du pouvoir dans l’histoire de France (le sujet de son nouveau livre), F.Hollande non plus. Il faut dire que, comme de nombreuses personnalités politique, ses ouvrages servent avant tout de prétexte pour donner des conférences à travers toute la France. Et ainsi mettre en avant sa vision de la vie politique.

Une invitation contestée par les étudiants et étudiantes

En 2021, déjà, l’actuel député de Corrèze était passé par Sciences po Lille pour donner une conférence-débat sur son ouvrage Affronter. A cette époque, F.Hollande se tenait en retrait du jeu politique, et c’est en tant qu’ancien président qu’il avait mené la conférence, livrant une analyse en surplomb de la vie politique française et étrangère. Trois ans plus tard et un mandat de député entamé entre-temps, c’est en homme engagé politiquement qu’il s’est cette fois rendu à l’IEP.

Comme pour faire écho à cette nouvelle stature, plus politique et donc nécessairement plus clivante, une petite vingtaine d’étudiants s’étaient rassemblés devant l’IEP pour protester contre sa venue, déplorant, comme on pouvait le lire sur les tracts distribués, un bilan marqué par « 5 ans de casse sociale » et un quinquennat passé à « servir les riches ».

L’occasion pour ces étudiants de raviver les traditionnelles critiques énoncées par une partie de la gauche à l’égard de sa politique (loi Travail, proposition de déchéance de nationalité, loi Cazeneuve), mais aussi d’en insérer de nouvelles, plus actuelles, sur ses récents propos désapprouvant la présence de drapeaux palestiniens dans les facultés. Néanmoins, et contrairement à 2019 où la conférence qu’il devait donner à la faculté de droit de Lille avait été annulée suite à un large mouvement de contestation estudiantine, F.Hollande est entré dans l’IEP sans encombre.

2027 : « l’opposition des deux gauches »

Une fois installé face à son auditoire, c’est avec les yeux rivés sur la prochaine présidentielle qu’il s’est exprimé pendant une petite heure. Tout au long de la conférence, il a plaidé pour une « confrontation des gauches » en 2027, s’appuyant sur son livre pour démontrer la nécessité d’opposer une candidature socialiste à celle de Jean-Luc Mélenchon. Autrement dit, le NFP, très peu pour lui, sauf quand il s’agit de se faire élire député.

Sans pour autant remettre en cause la pertinence de l’alliance des gauches pour les élections législatives (« s’il devait y avoir une nouvelle dissolution, l’union serait réactivée »), il l’a contestée pour les élections présidentielles à venir, au motif que la gauche socialiste et celle incarnée par Jean-Luc Mélenchon seraient incompatibles. Et, comme selon lui, « la ligne politique de LFI ne peut pas gagner », il est « nécessaire de faire réémerger une force socialiste pour mobiliser la gauche et être au second tour ». CQFD.

Afin d’œuvrer en ce sens, F.Hollande s’est déjà attelé en ce début d’année à préparer la rupture du PS avec LFI, actuellement alliés au sein du NFP. Début octobre, il a effectivement appelé, aux côtés d’Anne Hidalgo et de Carole Delga (présidente de la région Occitanie), à l’organisation d’un nouveau congrès socialiste en janvier pour remplacer Olivier Faure, le secrétaire général du PS et surtout l’artisan de l’alliance entre les deux partis.

Il est nécessaire de faire réémerger une force socialiste pour mobiliser la gauche et être au second tour

En ce qui concerne les autres formations politiques de gauche, F.Hollande a admis que la candidature socialiste qu’il envisage pourrait être « associée avec les Verts et les Communistes », de la même façon qu’il exprimait en septembre sa volonté de voir le PS s’ouvrir vers Place Publique et la gauche social-démocrate. En bref, tout sauf le parti de Jean-Luc Mélenchon, à propos duquel il n’a pas manqué de lâcher quelques piques tout au long de la conférence.

La situation internationale au cœur d’un silence assourdissant

Finances publiques, relation avec Angela Merkel, reconquête du vote populaire, Conseil constitutionnel… Si les sujets abordés ont été nombreux et variés, le député de Corrèze, qui siège pourtant à la commission des affaires étrangères, a néanmoins brillé par son silence sur la situation humanitaire catastrophique à Gaza et le conflit qui en est la cause, de même que sur la guerre en cours en Ukraine.

Certes, aucune question ne lui a été posée sur le sujet, et le thème de la conférence, « Penser nos institutions », ne s’y prêtait guère. Néanmoins, en tant qu’ancien président, on aurait pu espérer un peu plus que la brève mention à la guerre en Ukraine à la fin de la conférence. Une conférence politique donc, mais point trop n’en faut.