« Kaizen » : le pari d’une ascension controversée

Visionnée 33 millions de fois deux semaines après sa publication en ligne, la vidéo d’Inoxtag fait débat et se retrouve pointée du doigt par les défenseurs de l’environnement.
“Kaizen:1 an pour gravir l’Everest!” est le titre du documentaire produit par le youtubeur Inoxtag et diffusé au cinéma depuis le treize septembre. Disponible sur la plateforme de streaming Youtube au lendemain de sa sortie en salle, le documentaire d’une durée de 2 heures et 26 minutes retrace toutes les étapes de l’ascension du plus haut sommet du monde par le jeune homme aux 8,5 millions d’abonnés YouTube.
Inspirer une génération en faisant d’un rêve une réalité
À l’origine, le mot “Kaizen” désigne une méthode de travail créée par l’entreprise japonaise Toyota dans les années 1950. Celle-ci visait à optimiser le processus de production afin de faire face à une crise de qualité des voitures. “Kaizen” signifie “changement positif” ou “amélioration”; de ce mot s’est formé un mantra de vie qui repose sur l’idée d’une amélioration continue de soi-même ainsi que sur un dépassement de ses propres limites. C’est donc dans cette philosophie que s’inscrit le documentaire du YouTubeur Inoxtag, de son vrai nom Inès Benazzouz. Le jeune homme de 21 ans y accomplit ce qu’il décrit comme son “rêve” et mène à bien la mission qu’il s’est donnée à lui-même.
Avec cette vidéo, Inoxtag s’érige en modèle de réussite pour sa communauté et s’affirme comme celui qui franchit les difficultés pour accomplir un de ses rêves les plus fous. Il devient ainsi une incarnation du “tout est possible”. Les images d’immenses paysages enneigés, du déchaînement de la nature et des divers témoignages participent à l’émerveillement d’un public captivé par l’ascension de ce jeune à qui ils peuvent s’identifier. Si Inès Benazzouz, 22 ans, peu sportif a gravi l’Everest, qu’est-ce que “moi” je ne peux pas faire? Ce documentaire est celui d’un jeune qui se dépasse et qui invite ses abonnés à faire de même en allant au-delà de leurs propres peurs.
Un parcours des records
Au lendemain de sa publication sur Youtube, le long-métrage avait déjà été visionné plus de onze millions de fois. La vidéo est ainsi devenue la plus vue de France en moins de 24 heures. Comptabilisant aujourd’hui 33 millions de vues, celle-ci est en quatrième position des contenus les plus visionnés de la chaîne du Youtubeur. Mais s’il est maintenant accessible gratuitement sur internet, le documentaire d’Inès Benazzouz a été diffusé en avant première le treize septembre dans 500 cinémas français et belges. Plus de 300.000 personnes sont allées le voir sur grand écran, ce qui lui a valu de se hisser à la deuxième place du box-office hebdomadaire.
L’impact écologique mis au second plan
S’il est salué pour son message inspirant et pour ses plans à couper le souffle, “Kaizen” s’apparente pour certains à la promotion d’un égotrip qui passe sous silence son coût écologique conséquent et les problématiques environnementales comme sociales qui se jouent en haut des montagnes. Même si, durant son ascension, Inox évoque les problèmes que rencontre l’Everest (sur-tourisme, pollution, catastrophes naturelles), il s’extrait de cette problématique sans remettre en question sa propre participation à un tel voyage. En effet, le seul aller-retour au Népal du Youtubeur équivaut à une émission de deux tonnes de CO2, soit l’équivalent d’un an d’émission par personne dans le respect de la neutralité carbone établie par la COP de Paris en 2015. De plus, les mots “pollution” et “surpopulation” sont entendus pour la première fois au bout d’une heure de documentaire. Un des problèmes actuels de l’Everest se trouve être les embouteillages humains qui précèdent l’accès à son sommet, celui-ci est saturé et certains évoquent une “commercialisation de la montagne”. L’expression “décharge à ciel ouvert” est utilisée pour décrire l’amoncellement de détritus laissés par les touristes sur les sols enneigés. L’altitude de ce lieu ne permet par leur décomposition et, rien qu’en 2024, onze tonnes de déchets ont été descendus de l’Everest ainsi que d’autres montagnes de l’Himalaya.
Une conclusion qui ne fait pas l’unanimité
Ainsi, le message final de dépassement de soi-même mis en avant par le Youtubeur est critiqué par les défenseurs de l’environnement qui dénoncent une déresponsabilisation d’Inoxtag vis-à-vis de son empreinte écologique. Placements de produits omniprésents, voyage de riche privilégié et promotion d’un itinéraire ultra-polluant, voici les principaux reproches auxquels fait face Inès Benazzouz. Celui-ci répond dans un post Instagram à ceux qu’il appelle les “pessimistes” en soulignant l’importance de croire en ses rêves et d’écarter “une peur qui nous limite dans nos mouvements, tout comme le regard des autres”.