“Ce soir, je vis ou je meurs” : le remarquable Monsieur Aznavour

Sortie le 23 octobre 2024 dans les salles, Monsieur Aznavour, réalisé par Grand corps Malade et Mehdi Idir, est déjà un succès atteignant un million d’entrées en seulement une semaine. Le film retrace la vie et la genèse musicale du célèbre auteur-compositeur-interprète Charles Aznavour. 

Décrit comme “la divinité de la pop française” par le critique musical américain Stephen Holden, Charles Aznavour, né Aznavourian, a su toucher une corde sensible chez des générations entières. Par ses textes intimes aux mélodies mélancoliques, il est devenu une figure incontournable de la chanson française. Monsieur Aznavour retrace ainsi, dès le titre, la vie d’un grand homme, entre obsession de la perfection, combats personnels et succès fulgurant. 

Une enfance déjà plongée dans le milieu artistique 

Fils de parents arméniens, Micha Aznavourian et Knar Baghdassarian, Charles est très vite plongé dans la musique et la comédie. L’un, ancien baryton, anime son restaurant de ses chants, tandis que l’autre, comédienne, écrit des articles pour un journal arménien. Ce grand bain dans le domaine artistique est mis en avant dès les premières scènes du film. En effet, d’un côté, nous voyons une fête à la Aznavourian où tout le monde danse et chante, les parents comme les enfants. D’un autre côté, le film montre la première scène de Charles, au théâtre du Petit Monde. Si le principal souhait de Charles Aznavour était de devenir acteur, c’est finalement vers la musique qu’il se dirigea après plusieurs rôles au théâtre. 

La “formule Aznavour”, au-delà des défis personnels

“Pour chanter l’amour, faut être beau”. De sa voix voilée à son apparence, et malgré sa volonté de se faire un nom dans le domaine musical, Charles Aznavour est critiqué sur tous les aspects. Le film met très bien en avant ce côté de la vie d’Aznavour. S’il attire l’attention de grands artistes de sa génération tels que Charles Trenet ou encore Édith Piaf, ses chansons, quant à elles, n’attirent pas vraiment l’attention du public. De plus, les décisions qu’il a pu faire jusqu’alors n’ont pas mené à une ascension grandiose. Effectivement, sa séparation avec son compagnon de musique, Pierre Roche, n’a pas changé grand chose pour sa carrière personnelle. Refusant de faire taire sa voix voilée, c’est une autre décision qui va bouleverser et lancer sa carrière musicale. 

“Môme” de Piaf depuis quelques années, son choix de prendre son envol a certainement marqué un tournant dans sa carrière. Bien que les conseils d’Édith Piaf lui aient permis d’acquérir une expérience dans ce milieu complexe et exigeant, il n’en reste pas moins qu’il ne vivait que pour la carrière d’Édith, laissant de côté la sienne. Ainsi, sa décision de se concentrer exclusivement sur sa musique, en dépit du confort que lui apportait Piaf, a fait toute la différence.

L’ascension de Charles Aznavour, qui a su faire face aux critiques et aux échecs, est inspirante car Aznavour est un “bosseur”. Cela le mène parfois à négliger tout le reste, comme sa famille. C’est avec sa détermination et son travail acharné que Charles Aznavour a su conquérir le cœur des français et du monde entier. S’efforçant d’écrire une chanson tous les jours, de chanter jusqu’à en perdre la voix, il a finalement atteint un objectif inimaginable, vengeur des nombreuses critiques auxquels il a été confronté. L’une des scènes les plus marquantes et fortes de ce film est sans aucun doute celle où Charles enregistre avec les musiciens la chanson “Parce que tu crois”. Dans ce passage, Aznavour fait recommencer l’enregistrement de nombreuses fois, mettant en lumière son perfectionnisme. Il sait qu’il n’a pas le droit à l’erreur pour plaire au public. 

Monsieur Aznavour, un biopic qui effleure tous les moments de sa vie

Malgré l’ambition de ce biopic de retracer l’ensemble de la vie d’Aznavour, il se perd dans une surabondance d’informations, négligeant certains moments de sa vie qui auraient pu être développés. Voulant se concentrer sur ses débuts musicaux, le film ne s’attarde pas sur le contexte, aussi important soit-il : la Seconde Guerre mondiale. On transitionne directement de l’occupation allemande à la Libération sans réellement se pencher sur le vécu de la famille Aznavourian. De plus, s’il est intéressant de montrer l’ascension de ce grand homme, il l’est moins d’évoquer tous les chanteurs qu’il a pu rencontrer au cours de sa carrière, par exemple Johnny Hallyday jeune. Une certaine lourdeur s’installe alors même que Charles Trenet, Pierre Roche et Édith Piaf apparaissent déjà pour expliquer et contextualiser sa carrière musicale. 

Bien que certains aspects soient traités brièvement, d’autres ont été choisis justement pour nous plonger encore plus dans la vie de Charles tel le décès tragique de son fils qui souligne la complexité du caractère de Charles Aznavour. Cette perte a profondément marqué sa vie et sa carrière, ajoutant une dimension mélancolique à son œuvre et révélant ses luttes intérieures.

Une prestation splendide à l’image de Charles Aznavour 

Après un César pour la meilleure révélation masculine en 2010 dans Un prophète, Tahar Rahim s’illustre à nouveau par sa performance brillante dans le rôle de Charles Aznavour. Bien qu’au départ il y ait eu un rejet pour le rôle, estimant qu’il n’y avait aucune ressemblance entre lui et le chanteur, c’est finalement son goût pour le risque et le défi qui l’a poussé à accepter le personnage. Étant lui-même un “bosseur”, pas moins de dix-sept chansons sont en réalité chantées par l’acteur, représentant un travail de six mois. Du timbre voilé jusqu’à la gestuelle et aux mimiques, Tahar Rahim s’imprègne du chanteur pour en faire un portrait juste et reflétant tout le travail de l’auteur. Ainsi, il réussit à retranscrire le charme et le charisme d’Aznavour, faisant frissonner le spectateur du début à la fin. 

Le succès fulgurant de Monsieur Aznavour en salles témoigne de l’attachement du public à la figure de Charles Aznavour. Le film dresse un portrait nuancé de l’artiste, mettant en lumière sa quête de perfection, ses doutes et ses combats intérieurs. Si l’on célèbre son ascension inspirante, on ne peut ignorer les sacrifices et les compromis qui ont jalonné sa vie. Monsieur Aznavour est ainsi une invitation à redécouvrir l’homme derrière l’artiste.