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Le sculpteur Eugène Dodeigne s’invite au musée de la Piscine

Le sculpteur Eugène Dodeigne s’invite au musée de la Piscine

Affiche de l’exposition d’Eugène Dodeigne au musée de la Piscine

C’est le grand retour d’Eugène Dodeigne à La Piscine de Roubaix, qui nous invite pour un voyage au cœur du biomorphisme au travers de près de 200 œuvres à la modernité saisissante. Focus sur une exposition qui se tient jusqu’au 12 janvier 2025.

Du 12 octobre 2024 au 12 janvier 2025, au musée de la Piscine de Roubaix se tient l’exposition “Rétrospective II” d’Eugène Dodeigne. Rassemblant près de 200 œuvres de l’un des plus grands artistes du XXe siècle, cette exposition a rencontré bien des obstacles. En effet, alors que le musée avait organisé une première exposition en 2020, celle-ci n’avait pu ouvrir ses portes au public en raison de la pandémie. Néanmoins, cette fois-ci, la Piscine est bien décidée à présenter Dodeigne avec une collection riche et une présentation repensée pour découvrir dans les meilleures conditions les œuvres de l’un des sculpteurs les plus influents de son époque. 

Une ascension fulgurante

Né en Belgique en 1923, Eugène Dodeigne est un artiste natif du Nord, rapidement naturalisé français, suite à l’installation de ses parents dans la région. Digne fils de son père, il reprend le flambeau et devient à son tour tailleur de pierres. Évoluant aux côtés des coups de poinçons, il apprend à manier le maillet dès son plus jeune âge. En raison de ses remarquables aptitudes, il est rapidement repéré par les écoles des Beaux-Arts de Tourcoing, puis de Paris, qui le prennent sous leurs ailes et le forment. 

Dès les années 1940, il se fait repérer par de grands collectionneurs régionaux, à l’instar de Jean Masurel ou encore de Philippe Leclercq. De 1957 à 1960, il devient enseignant aux Écoles supérieures des arts Saint-Luc de Tournai (Belgique), en tant que professeur de dessin.

Vers 1950, il gagne en popularité et multiplie les expositions partout en France, dans de nombreuses galeries, comme celle de Claude Bernard, puis franchit les frontières pour Berlin, Hanovre, Rotterdam, Bruxelles et Pittsburgh, lui assurant une reconnaissance internationale dès 1960. 

L’Enfant et La Femme (1953)
L’Enfant et La Femme (1953) © Ninon Chazaud Demaiter / Pépère News

Des influences multiples

À la jonction entre le modernisme et le classicisme, il admire des articles tels Constantin Brâncuși, mais aussi Goya et Rembrandt, qu’il collectionnait. 

Il trouve son impulsion créative dans son environnement. La Nature constitue sa principale inspiration qu’il puise au coeur du courant des rivières ou encore dans la végétation. Il attache une grande importance à la grandeur, sa monumentalité, caractère qu’il aimait retranscrire dans son art avec des sculptures puissantes, gigantesques. Dodeigne aimait sculpter pour l’extérieur avec une démarche bien personnelle. Il ne s’adapte pas à son extérieur pour sculpter mais au contraire, il créait et cherchait ensuite le lieu où ses œuvres pourraient inter-dialoguer entre elles. Le sculpteur aimait que la trace du geste et de l’outil soient visibles car pour lui, « la sculpture, d’abord, c’est abstrait. Ce sont des rapports de formes, des passages de lumière ». À l’instar de Baudelaire, son regard « change la boue en or » et ce qui pourrait passer pour un défaut se change en beauté. Préférant travailler l’éclat des pierres et la cire perdue, l’unicité de ses créations est son crédo.

Mais, durant toute sa vie, son fil d’Ariane, son inspiration majeure était le corps humain qu’il ne cesse de représenter et de poétiser.  Pleinement inscrit dans la méthode du biomorphisme, il joue avec les courbes et les formes, ponçant à l’extrême. C’est avec cette première approche de la sculpture qu’il se fait reconnaître, travaillant le noyer ou l’hêtre. Son art donne l’impression d’être en mouvement tant les déséquilibres et les tensions sont présents. Toutefois, il abandonne rapidement le bois pour ce qui s’avérera être son obsession, la pierre. Cette passion de la matière, il l’épousera durant toute sa vie. Travaillant les formes, les couleurs, la matière, il aborde une multitude de sortes de pierres, de la pierre bleue de sa région de Soignie jusqu’aux pierres volcaniques de Volvic, où il passera un temps.

Plutôt taiseux, sa démarche est surtout solitaire, il veut tout accomplir par lui-même, ce qui est pour lui quelque chose d’essentiel. Dès lors où il ne se retrouve plus dans son art, il ne peut continuer. Adepte du travail du bronze qu’il exploite considérablement, il finit par l’abandonner, car il nécessite une aide conséquente qu’il ne supporte plus.

Un artiste inspirant aux multiples visages

Par sa philosophie et son travail de l’humain, Dodeigne en inspire plus d’un. Jean-Paul Sartre lui-même, a réalisé de nombreux écrits sur ses catalogues d’exposition car l’humanité l’intéresse, ses œuvres sont profondément humanistes et qu’il en ressort comme une forme d’existentialisme (courant philosophique du penseur français, ndlr). Pour le conjoint de Simone de Beauvoir, chez l’homme, c’est le corps humain qui parle avant tout énormément. 

Par ailleurs, Eugène Dodeigne s’essaie à la photographie, généralement en noir et blanc, en mettant en scène ses œuvres assemblées dans son jardin, en plein dialogue avec la nature, leur laissant la liberté de s’exprimer par elles-mêmes.

De même, il n’abandonnera jamais le dessin qui marque également son travail. Très magnétique dans son approche, jouant avec le fusain, tant avec la pointe et le corps. 

Une femme au coeur de l’exposition Dodeigne
Une femme au coeur de l’exposition Dodeigne © Ninon Chazaud Demaiter / Pépère News

Ainsi, cette exposition permet de se plonger en immersion dans le travail de l’un des plus grands sculpteurs de la seconde moitié du XXe siècle à la renommée internationale, et pourtant, si peu connu en France. Très puissant, le parcours de l’artiste Dodeigne, mêlant sculpture, dessin et photographie, est d’autant plus symbolique qu’il retrace la vie artistique d’un homme du Nord dans l’un des lieux culturels emblématiques de la région. La cadre si particulier de La Piscine retransmet à merveille la puissance de ces œuvres d’une modernité saisissante. 

Pour les curieux, le musée est ouvert du mardi au jeudi de 11h à 18h, le vendredi jusqu’à 20h et le week-end de 13h à 18h. L’entrée y est gratuite, le vendredi, pour les étudiants et des visites guidées sont proposées.

 

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