Interview. Mélissa Camara, futur numéro un d’EELV ?
À 30 ans, Mélissa Camara veut représenter une nouveauté dans le parti Europe Écologie-Les Verts. L’élue d’opposition au conseil municipal de Lille ambitionne de devenir la nouvelle secrétaire nationale d’EELV, suite à la démission de Julien Bayou. La proche de Sandrine Rousseau souhaite réorganiser structurellement le parti. Le congrès se déroule le 10 décembre, Marine Tondelier est la favorite.
Mélissa Camara porte la motion “La Terre, nos luttes” pour le congrès qui définira la future ligne du parti EELV. Elle est l’espoir de Sandrine Rousseau qui ne peut se présenter du fait du cumul des mandats. Souvent en désaccord avec certaines positions du parti, la députée lui place toute sa confiance. Transformations et radicalisme définissent en partie son projet. Interview.
Pépère News : Comment expliquez-vous le score si bas de 4,63% d’EELV pour l’élection présidentielle ? Qu’est-ce qui a manqué à Yannick Jadot pour fédérer ?
Mélissa Camara : Nous n’avons pas su parler à l’ensemble des Français, notamment dans les territoires ruraux et dans les quartiers populaires. Ne pas réussir à s’ouvrir aussi à d’autres électeurs qui ne votent pas forcément écologiste au départ est un gros manquement de cette campagne. Ce que nous avions réussi à faire lors de la primaire d’EELV avec Sandrine Rousseau, c’est d’amener des personnes qui n’avaient jamais été encartées. 70% de gens n’avaient jamais milité dans aucun parti politique. Nous avons réussi à amener des jeunes, des personnes qui ne militaient pas forcément au sein de groupes locaux, des gens qui touchent les minimas sociaux, des gens de quartiers, des gens de milieux ouvriers. Je ne sais pas si ça aurait pu fonctionner avec Sandrine Rousseau mais notre stratégie de primaire sur l’ouverture, la représentativité et l’appel à d’autres personnes pour changer profondément la société a fonctionné.
Depuis la démission de Julien Bayou de son poste de secrétaire national d’EELV, les fractures se font de plus en plus apparentes au sein de votre formation politique. Sandrine Rousseau utilise même le terme de “blocage”. Pourquoi tant de dissensions ?
Je ne sais pas s’il y a tant de dissensions. C’est une période de congrès, il y a des visions qui s’affrontent. Notre démocratie interne vit bien. Sept motions sont présentées, il y a une démocratie qui possède toute sa vitalité. Nous avons des débats à avoir sur une politique claire. Notre volonté en présentant une liste est de faire gagner la ligne que nous défendons depuis deux ans maintenant avec d’autres. Il y a aussi des ponts à créer entre nous. On reste tous dans le même parti, on a les mêmes objectifs et la même envie de faire gagner l’écologie politique en France.
Avec la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (NUPES), ne pensez-vous pas avoir perdu de l’influence particulièrement face à La France insoumise qui compte 75 députés et vous 16 ?
On a le plus gros groupe écologiste jamais eu. Nous sommes face à un effondrement de la biodiversité, un dérèglement climatique, d’où le besoin d’une écologie politique forte. On a nos spécificités sur le fédéralisme, sur les enjeux sociétaux. On était les premiers à marier un couple homosexuel. On porte aussi un discours fort sur les transformations, la rupture à mener pour la survie de l’humanité, l’enjeu considérable que l’humanité a à affronter. Il faut que les partis politiques au sein de cette NUPES trouvent leur place et se renforcent pour devenir une force motrice. Ce serait anachronique de ne pas avoir de parti écologiste fort face à l’enjeu considérable que nous avons face à nous.
Marine Tondelier est la grande favorite de ce congrès. Hélène Hardy avec “L’Arche” s’affiche aux côtés de l’eurodéputée Karima Delli. “Printemps Écolo” mené par Sophie Bussière est soutenu par Yannick Jadot. Qu’est-ce qui vous différencie de toutes vos principales concurrentes à savoir Marine Tondelier, Hélène Hardy et Sophie Bussière ?
Nous sommes un collectif qui porte une ligne claire et radicale qui allie les luttes. On a une écologie profondément intersectionnelle qui combat les discriminations, qui est écoféministe. Notre discours est transparent. Pour nous la NUPES n’est pas une alliance électorale de circonstance, il faut la faire vivre. On a une position sur la démocratie interne qui peut être assez différente d’autres motions.
“On porte la revitalisation démocratique de notre parti” – Mélissa Camara
Pensez-vous réellement avoir une chance de gagner le congrès ? Comment souhaitez-vous concrètement réorienter le parti ?
Je pense que l’on peut gagner. J’ai participé à la campagne de Sandrine Rousseau. On nous prédisait un score assez médiocre et nous sommes allées au second tour avec un très beau score. Notre équipe est soudée depuis deux ans. On a pu faire émerger une nouvelle dynamique avec le souffle d’Alain Coulombel. Nous avons créé une belle dynamique avec la motion “La Terre, nos luttes”. Cette dynamique peut créer la surprise et gagner. On porte la revitalisation démocratique de notre parti, une massification. On pense que l’on doit s’ouvrir sur la société, sur des catégories socio-professionnelles et des profils qui ne sont pas forcément chez nous aujourd’hui. Il y a cette dimension intersectionelle, on a beaucoup de militants qui viennent du milieu de l’associatif. On porte ces combats féministes, écoféministes, pour les droits LGBT et anti-racistes. On veut transformer le visage de l’écologie politique aujourd’hui.
Quel rôle a à jouer EELV dans les années à venir et notamment pour les élections européennes de 2024 ? Serez-vous avec ou sans la NUPES ?
On a deux ans pour se préparer. Mettons sur le papier nos accords et désaccords. Travaillons cette NUPES. On verra si c’est possible ou non. La porte n’est pas fermée, on n’est pas contre pour aller sur une liste d’union. Voyons les ponts que nous avons à construire et nous partirons seuls ou sur une liste de rassemblement des écologistes et de la gauche. Mais, l’enjeu n’est pas de savoir si nous allons faire une liste commune pour les européennes de 2024. Les gens vivent une crise énergétique, il y a une explosion de la pauvreté. Je pense que notre urgence est dans les combats sociaux et comment on peut tous ensemble s’allier pour faire face au rouleau compresseur libéral d’Emmanuel Macron.