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L’avocat Richard Malka à Lille, la liberté sous haute sécurité

L’avocat Richard Malka à Lille, la liberté sous haute sécurité

L'avocat de Charlie Hedbo Richard Malka en conférence à Lille

L’avocat de Charlie Hebdo, Richard Malka, était l’invité de la dernière conférence de l’année, lundi 3 avril 2023,  à l’Université Catholique de Lille, organisée par les sciencesposards, l’association de la licence droit-science politique. Tour d’horizon sur l’événement consacré à la carrière du ténor du Barreau parisien, entre affaires notables et rapport à la religion.

Personal Jesus de Depeche Mode retentit dans l’immense amphithéâtre Teilhard de Chardin de l’Université Catholique de Lille. Un homme d’une cinquantaine d’années dévale les marches, suivi de près par sa garde rapprochée. Ce n’est pas un jour comme les autres pour Thomas Fleury, président des sciencesposards, qui a attendu deux ans avant de faire voir le jour à cet évènement. Étudiants et autres curieux se sont réunis en nombre sur les bancs en velours de l’université, après avoir passé l’épais barrage de sécurité mis en place à l’entrée, pour écouter Richard Malka, surnommé l’avocat de la bande à Charlie, mais qui se définit avant tout comme “l’avocat d’une idée, la liberté d’expression”.

Richard Malka, loin des caricatures, un homme de paradoxes

Richard Malka entame la conférence, l’air décontracté, vêtu entièrement de noir, chemise à demi-ouverte, bague clinquante et bracelet au poignet. S’il dit préférer la version de Marilyn Manson de Personal Jesus, la chanson diffusée pour accueillir l’avocat fait écho à son style rock, et à sa relation si particulière à la religion.

Certains ne cachent pas leur surprise à l’arrivée du personnage, à l’image d’Inès, étudiante en deuxième année de droit qui pensait “qu’il mettrait sa robe d’avocat pour la conférence”. Loin des préjugés, Richard Malka étonne, détonne et n’échappe pas aux critiques.

Défendre la liberté d’expression, en plaidant pour l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo lors de son procès en 2007 pour les caricatures de Mahomet, pour Mila, jeune femme massivement cyber-harcelée après avoir insulté l’Islam dans une vidéo en 2020, ou encore en écrivant des BD pour se moquer de Marine Le Pen et de Nicolas Sarkozy, oui. Plaider pour la femme de ce dernier, Carla Bruni, dans l’affaire Patrick Buisson, ou encore obtenir réparation pour l’Association des Personnes de Petite Taille, humiliées après un sketch sur Canal+, oui aussi.

“Vivre en démocratie, c’est accepter d’être blessé”, Richard Malka

Pour lui, loin d’être contradictoire, cet équilibre entre défense de la liberté d’expression et défense de ceux qui en souffrent s’explique par l’envie de réguler la sphère médiatique, mais de ne jamais la censurer. Pas étonnant qu’il considère l’article 9 du code civil, qui a introduit le droit pour chacun au respect de sa vie privée, comme une avancée majeure de la société française. Mais d’ajouter “Vivre en démocratie, c’est accepter d’être blessé”.

L'avocat Richard Malka suivi de près par Thomas Fleury, et la sécurité
L’avocat Richard Malka suivi de près par Thomas Fleury, et la sécurité ©sciencesposards

Le prix à payer de s’exprimer librement

Blessé, il l’a été en janvier 2015, lorsque ses collègues et amis de Charlie Hebdo ont été abattus dans les locaux de leur rédaction, puis lorsqu’il a constaté les conditions de vie dans lesquelles se trouvait Mila après la diffusion de sa vidéo sur les réseaux sociaux, et plus récemment au cours de l’affaire Samuel Paty.

Proches ou lointaines, les histoires de ces personnages sont tragiques, tout ou partie de leur vie ayant été sacrifiée, au nom de la liberté d’expression. Elles ne peuvent que faire écho au parcours de l’avocat. Mis à dure épreuve par les menaces quotidiennes qu’il reçoit, Richard Malka sort désormais toujours accompagné de ses six agents de sécurité permanents. Pour l’événement lillois, des effectifs de police ont également été déployés en nombre.

Cela ne l’empêche pas de continuer à plaider pour la liberté d’expression, comme avec Traité sur l’intolérance, sa plaidoirie lors du procès en appel des attentats de Charlie Hebdo, publiée début 2023, où il désigne la religion comme l’ennemi du procès. Pour lui, celle-ci devrait davantage être perçue comme une première étape vers la recherche d’une morale propre à chacun. Il illustre son propos avec ces mots : “Vos créateurs, vos parents, sont fiers de vous quand vous vous débrouillez tout seul. Ce devrait être pareil avec la religion”.

Ce soir d’avril 2023, Richard Malka a répété aux étudiants de l’Université Catholique de Lille ce qu’il s’efforce de démontrer depuis une vingtaine d’années dans les tribunaux et sur les plateaux télé, que l’être humain a tendance à interdire ce qui choque, mais qu’il faut l’en empêcher. Convaincu que le droit permet d’apaiser les tensions, il finit la conférence sur des mots adressés aux étudiants en dernière année. “Amusez-vous”, lance tout sourire M. Malka. Mais il semble qu’il vient une nouvelle fois de prêcher des convertis.

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  • Bravo pour cet article qui est très bien écrit et qui est une magnifique synthèse de l’intervention de Richard

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