Le sens de la fête se perd, une année difficile s’annonce.
Le 18 octobre 2023 sortira Une année difficile, le nouveau long-métrage d’Olivier Nakache et Eric Toledano (Intouchables en 2011, Le sens de la fête en 2017). L’écologie et la précarité sont les sujets centraux d’un film qui se veut aussi drôle qu’engagé. Rester pertinent et faire rire sans tomber dans le cliché, objectif atteint ?
Pio Marmaï et Jonathan Cohen, respectivement Albert et Bruno, sont endettés jusqu’au cou. Pour sortir de leur situation plus que précaire, ils ne trouvent rien de mieux à faire que d’intégrer une association écologiste, par profit donc, et non par conviction. Ainsi, ils croisent la route de Noémie Merlant, devenue Cactus pour l’occasion, une fervente militante écologiste.
Une année difficile, la comédie qui coche toutes les cases
C’est un film qui nous touche et nous rassemble, tout d’abord parce que les scènes d’actions militantes sont réussies. La tension monte, et donne presque envie d’agir. Il est vrai que les mouvements sociaux fédèrent, et ça, les réalisateurs l’ont parfaitement saisit et retranscrit.
Mais aussi parce que quand Albert et Bruno soufflent puis rient devant Cactus qui énonce les consternants rapports du GIEC, nous soufflons aussi : non, nous n’avons pas tous l’espace mental pour penser à l’environnement, même s’il le faudrait, car l’on sait pertinemment que social et écologie sont liés. Comme Albert et Bruno, du fait du système économique capitaliste, beaucoup d’entre nous pensent à l’argent avant de penser au climat.
C’est surtout une comédie devant laquelle on passe un bon moment, et ça fait du bien.
Nakache et Toledano perdent pied et livrent un discours politique hors-sol
Après la séance, on sort en ayant rit. N’est-ce pas là le but d’une comédie réussie ? Mais quand les blagues sont passées, on ne sait plus quoi penser. En cela, on pourrait regretter que le film ne dégage rien d’assez fort qui fasse entendre que l’écologie aujourd’hui, c’est urgent, et que la pauvreté et l’endettement ne s’effacent pas avec du blanco. Ces problèmes sociétaux sont structurels : si l’on veut lutter contre, il faut s’y attaquer à la racine.
Même si Une année difficile ne se prétend pas militant, le cinéma est politique, qu’il le soit implicitement ou non. De fait, si les réalisateurs s’attellent à de telles problématiques, même sous couvert d’humour, il faut rester vigilant : tout choix filmique ou scénaristique a un impact. Nakache et Toledano l’ont sûrement minimisé. En effet, on s’aperçoit que le film tend à accuser ceux qu’il voulait défendre : les mères de famille qui ont du mal à boucler les fins de mois, et qui voient le Black Friday comme seul moyen d’accéder à un peu de confort, sont beaucoup plus incriminées que les gros actionnaires.
La dérision est drôle au début, mais elle va peut-être trop loin. Sans vouloir délivrer de morale, les réalisateurs signent un long-métrage qui laisse le public perplexe malgré la volonté d’aborder des enjeux importants tels que la précarité. Le happy-end final n’aide en aucun cas à comprendre le positionnement du film face aux questions écologiques notamment. Les blagues et les clichés sont sans doute un peu trop présents pour que Nakache et Toledano nous invitent à une réelle remise en cause de nos modes de consommations.
Une bande-son parfaitement choisie
La sélection musicale est très réussie. Que le son soit diégétique ou extra-diégétique, il nous emporte du début à la fin. De Jacques Brel à Grandbrothers, le choix est maîtrisé.
Mention spéciale à la scène dans laquelle les personnages bloquent un avion pour protester contre la pollution. The end (The Doors) est lancée et donne aux images une dimension plus profonde.
Une équipe insouciante ?
Le 27 septembre à Lille, lors d’une avant-première, Pio Marmaï déclare que grâce au fait d’avoir traversé ce film et travaillé avec des activistes d’Extinction Rébellion, son rapport à son mode de consommation à changé. Comme le souligne Noémie Merlant, les acteurs ont réellement passé du temps avec des militants afin de mieux saisir les enjeux et de s’imprégner d’un milieu qui ne leur était pas familier. Plein d’enthousiasme, leur discours semble tout de même assez personnel. Cependant, quelques jours avant, leur partenaire de jeu, Jonathan Cohen, défendait aveuglément Vincent Bolloré, en partie financeur du long-métrage. L’incohérence entre ses propos et l’objet du film a d’ailleurs été vivement soulignée sur les réseaux sociaux, notamment sur X (anciennement Twitter).
L’équipe du film ne semble pas avoir réellement conscience des profonds problèmes sociétaux qu’elle porte à l’écran. La mise en lumière de l’écologie et de la précarité de certains groupes sociaux est indéniable, mais si nous rions pour moins bien nous engager, cette année s’avère tout aussi difficile que les précédentes.
Un commentaire pertinent et complet. merci pour cet article.