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Les génériques des séries (2018) : la face cachée de vos productions préférées

Les génériques des séries (2018) : la face cachée de vos productions préférées

Paul Matthaeus, fondateur du studio Digital Kitchen, qui a notamment réalisé le générique de la série "Dexter"

Le lundi 20 mars dernier, le Pépère News, s’est plongé dans le documentaire “Les génériques des séries“, rediffusé dans le cadre du festival Séries Mania. La projection s’est suivie d’un échange avec le documentariste Olivier Joyard et Lola Landekic, éditrice en chef de Art of the Title.

Et si on remontait un peu le temps pour vous montrer tous les génériques qui vous ont marqué ? Musiques, transitions, titre, pop et c’est parti. Le générique, c’est celui que l’on passe, qui nous fait taper du pied ou bien pleurer. Il est la démonstration d’une singularité, un espace méditatif sur lequel le spectateur pourra toujours s’appuyer. Il porte en lui une nostalgie, une histoire d’exclusion et parfois, un message politique. Pourtant, si on croit bien les connaître, une part de mystère subsiste derrière ces génériques. Qui compose les musiques ? Qui construit la narration graphique ? En explorant l’historique des génériques des années 50 à aujourd’hui, le documentaire Les génériques des séries, dévoile ces artistes de l’ombre qui travaillent à la création de nos génériques préférés, de Mission Impossible à Twin Peaks en passant par Game of Thrones.

Pépère News : Ce documentaire développe toute une réflexion sur les génériques et notamment sur l’aspect humain et le fait que les gens derrière leur construction soient souvent dans l’ombre. Qu’en pensez vous ?

Lola Landekic: C’était le but du documentaire de mettre la lumière sur tous ces gens dont on entend rarement parler et qui travaillent pourtant sur les génériques, certains depuis 40 ans. L’une des personnes les plus célèbres pour ceux qui s’intéressent aux génériques c’est Dan Perri, le créateur du mythique générique de Star Wars. Même lui n’est pas tellement célèbre. Il y a aussi Saul Bass qui est évoqué dans le documentaire et peu de gens savaient qu’il travaillait avec sa femme, Elaine Bass. C’est seulement dans les années 60, lorsque le couple a travaillé pour le réalisateur Martin Scorsese qu’on a pu voir apparaître le nom des deux dans le générique d’ouverture. Mais c’est vraiment rare. C’est pour ça que par l’intermédiaire de mon site, en plus de donner une voix aux graphistes, j’essaye aussi de donner une voix aux femmes.

PN : Comment situez-vous l’art du générique ? Est-ce que c’est du design ou plutôt de la narration ? Est-ce que c’est presque du marketing puisqu’on sait que depuis 2002 la production de série a augmenté de 1000 % ?

Lola Landekic: C’est une combinaison des trois. À partir de 2010 jusqu’à 2020, on s’est retrouvé dans un nouvel âge d’or des séries, surtout avec l’avènement des plateformes de streaming, qui permettent aux spectateurs de regarder les séries de façon massive. Ce phénomène produit une saturation dans le choix des séries. Quand cela arrive, on doit pousser plus loin la façon dont on vend son produit. En l’occurrence ici, le produit ce sont les séries et cela mène les graphistes à davantage faire preuve de créativité. Il faut trouver une nouvelle façon d’attirer son audience à l’intérieur de cette explosion de série. 

PN : Quelles sont vos impressions sur les génériques d’aujourd’hui ?

Olivier Joyard: Depuis quelques années, on assiste à une uniformisation des génériques, comme une sorte de démonstration de force, mais c’est pas forcément ce qui me fascine le plus. Pour moi, le générique c’est un point d’entrée émotionnel. Aujourd’hui, les génériques provoquent chez moi un sentiment paradoxal. Il y en a quelques-uns que je trouve extraordinaire, celui de Severance par exemple. C’est une série, entre la science fiction et la description réaliste du monde de l’entreprise, qui explore nos identités et la question du travail dans le monde ultra-libéral. C’est vraiment ça que peuvent nous dire les génériques. Aujourd’hui, je recherche plus à être porté par un générique qui fait sens, avec une dimension sociale, qu’à être ébloui par des couleurs et des sons.

Lola Landekic: Sur l’uniformisation des séries, il y a plusieurs phénomènes à l’œuvre. Si vous prenez True Detective, il y a un phénomène de tendance. Après la diffusion de cette série, plusieurs productions ont commencé à demander aux graphistes de leur créer des génériques du même genre. Il faut aussi savoir qu’aux États-Unis il n’y a que très peu de studios spécialisés dans la création de génériques. Donc si les génériques paraissent similaires, c’est parce que ce sont les mêmes gens qui sont derrière leur création.

Olivier Joyard et Lola Landekic présents pour la projection du documentaire "Les génériques des séries" © GAËL LEITAO
Olivier Joyard et Lola Landekic présents pour la projection du documentaire “Les génériques des séries” © GAËL LEITAO

PN : Pour ce documentaire, le générique apparaît assez tard. Pourquoi ?

Olivier Joyard: Je me suis souvent posé la question de : à quel moment on le pense dans la fabrication d’une série ? Est-ce que c’est la dernière chose qu’on fait quand tout est terminé ? Mais je ne crois pas que ce soit vraiment le cas. Je pense que si on veut vraiment qu’il soit intéressant, l’étape de la création du générique doit arriver au stade de l’écriture du première épisode d’une série, pas forcément quand elle s’apprête à être diffusée. Pour revenir sur le générique du documentaire, je me suis vraiment creusé la tête. C’était une époque où j’étais passionné par Away. Je me suis demandé comment rappeler au gens l’importance du générique et l’effet qu’il produit sur nous, c’est à dire un effet de surgissement. Ça dit quelque chose de l’importance narrative des génériques et si je veux être complètement honnête, ce n’est pas que Away, c’est aussi Alias. À l’époque, la série avait souvent de longues séquences d’introduction avant de lancer le générique. Il arrivait comme pour nous rappeler là où on était. Ce coté réconfortant, et arriver à nous remettre droit sur notre fauteuil ça m’a toujours passionné. 

“Je ne crois pas que ce que je fais soit important mais si ça touche des gens, si ça leur parle, si ça leur permet de ressentir les émotions de ces histoires, de cette série, j’aurai fait mon travail que les gens le sachent ou non” – Snuffy Walden (compositeur)

PN : Vous parliez tout à l’heure des créateurs de génériques qui ne sont pas forcement connus ou tout simplement reconnus. On ne voit pas leur nom dans le générique. En revanche, ils sont récompensés. On a l’impression qu’en ce moment, et notamment avec votre documentaire, on essaye de leur rendre hommage. Est-ce qu’aujourd’hui on ne se rendrait pas compte qu’il faudrait leur donner plus de liberté ? Est-ce qu’on ne devrait pas les mettre dans les génériques ?

Olivier Joyard: C’est vrai qu’à part mon documentaire et un livre de Eric Vera, il y a peu de sources mainstream sur la question des génériques. En même temps, je suis pas certain que ça leur plaisent d’être mis en avant comme des créateurs. Je pense que ce sont aussi des métiers qui se complaisent en restant dans l’ombre. 

Lola Landekic: Je pense qu’il y a un certain nombre de facteurs. L’un, est qu’ils ne veulent pas être crédités. Bon nombre d’entre eux sont des artistes qui aiment bien travailler dans leur atelier. Une autre partie réside dans la construction historique même de la télévision. C’est un système très hiérarchique, or les graphistes ne font pas partie de l’équipe de production à proprement parler. Ce sont des gens qui interviennent comme des sous-traitants extérieurs, ils arrivent souvent dans l’étape de post-production, ils sont donc indépendants de la série. D’ailleurs, à ce sujet, dans le cadre du festival, on voulait inviter une graphiste, mais elle n’a pas souhaité faire partie de l’événement parce qu’elle n’était pas à l’aise à l’idée de parler devant un public. Il faut comprendre que ces gens là ne sont pas des acteurs, ils ne cherchent pas l’attention.

PN : Lors de l’étape de construction du documentaire vous avez échangé avec pas mal de personnes. Vos conversations ont-elles fait évoluer le propos du documentaire ou êtes-vous resté sur une idée fixe du début à la fin ?

Olivier Joyard: Ce que j’aime avec la démarche documentaire, c’est avoir une grille de lecture mais pouvoir la remettre en question. C’est vraiment en faisant les interviews, en préparant et en discutant avec les futurs intervenants que je me suis rendu compte de l’ampleur du sujet. Quand on fait un documentaire, on est pas en train d’écrire un texte tout seul dans sa chambre. Par exemple, les dernières minutes de mon documentaire sont centrées sur les questions d’inclusion, de diversité et de pouvoir que soulève le générique au-delà du côté nostalgique, mais au départ, je ne pensais pas du tout donner autant d’importance à cette partie finale.

Le documentaire est à retrouver sur Canal +.

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