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Retour sur “Lâme”, ou comment saisir et être saisi

Retour sur “Lâme”, ou comment saisir et être saisi

"Necknot", 2022, lâme © Valentine Noyer

Du 7 octobre au 22 janvier prochain, le LaM de Villeneuve d’Ascq nous présente “Lâme“, une exposition d’art contemporain qui mêle des perspectives contradictoires. Un ensemble d’œuvres hétéroclites y est dévoilé,  retraçant le cheminement artistique d’Etienne Chambaud. À la fois spectateur et acteur de la réflexion insufflée par l’artiste français, la contemplation esthétique est appréhendée autrement au travers d’une expérience qui mobilise les sens. 

Fruit d’un assemblage de deux concepts pour le moins opposés, l’intitulé “Lâme” se veut à la fois évocateur de l’objet coupant, matérialité qui entaille violemment, et de l’âme, souffle de vie qui éveille le mouvement. Au travers de cette première exposition muséale, Étienne Chambaud cherche à faire entrer en résonance de multiples hybridations, et à relier les contraires tout en éveillant notre pensée. En effet, le Lille Métropole Musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut accueille un regroupement de ses œuvres des dix dernières années, ainsi que de nouvelles créations de l’artiste.  Dessins d’enfants, boules d’enrichissements, univers animalier, naturalité sonore : les différentes salles mêlent des éléments disparates qui se réconcilient autour “d’un processus qui produit simultanément de la distinction et de la continuité”, explique l’artiste. 

Un artiste à la réflexion intertextuelle

Né en 1980 à Mulhouse, Étienne Chambaud est un artiste dont l’approche intertextuelle révèle une réflexion poussée sur la nature de l’œuvre d’art, les liens avec son environnement et les hybridations ou contradictions possibles avec les autres œuvres. Ses créations apparaissent comme des fragments qui “se superposent, s’imbriquent, se dilatent ou se condensent, se mélangent ou se coupent”, décrit l’artiste. 

Étienne Chambaud partage sa vie entre Paris et Milan, il a présenté ses œuvres au Palais de Tokyo à Paris en 2009, à la Kunsthalle de Mulhouse en 2018 et à la Triennale d’Okayama au Japon, l’année suivante. L’artiste mène en parallèle depuis 2018 une recherche doctorale intitulée “Écologie de la Séparation” à l’ENS et aux Beaux-Arts de Paris dans le cadre du programme SACRe. Il est représenté par les galeries Labor à Mexico et Esther Schipper à Berlin. 

Le travail d’Étienne Chambaud s’inscrit dans une réflexion d’ordre philosophique, il interroge notre capacité à saisir un lien entre des aspects en apparence irréconciliables. Le spectateur est confronté à des objets énigmatiques dont la recherche de sens se fait au travers d’une légende, d’un titre, d’un lien hyper ou intertextuel, ou d’une interprétation entièrement personnelle.

“Independent Dust”, 2022 © Valentine Noyer/Pépère News

Une approche sensorielle qui mêle différents supports

Au regard d’une approche pluridisciplinaire voulue par l’artiste, la visite de l’exposition prend une  dimension sensorielle. Chaque salle est caractérisée par des éléments visuels distincts, au sein d’une atmosphère sonore gutturale et atemporelle, créant une certaine complémentarité. Dessins papiers, structures géométriques, tableaux, collages, éléments naturels, photographies, sculptures alambiquées : au sein de ce désordre multiforme, un jeu d’ombres et de lumières révèle la quintessence des œuvres. En parallèle, deux artistes invités à performer usent de la verve et du violon, créant une résonance acoustique liant harmonieusement abstraction et matérialité. L’odorat est quant à lui stimulé par Multiplex”, l’œuvre olfactive d’Étienne Chambaud qui fait vaciller notre imaginaire par l’évocation de deux effluves éloignés : le passage d’un tigre et l’odeur du pop-corn, étonnamment complémentaires.

On retrouve également des découpages et assemblages dans les œuvres “Atlas“, “Inhabitat” et “Danses“. Ce “collage allégorique et conceptuel” (Étienne Chambaud), fait émerger de nouvelles perspectives d’interprétation. Grands et petits formats se côtoient au fil des œuvres : “Enrichissements“, “Independent Dust“, “Uncreatures“, “Lapidation Piece II“, “Flat Sources Negative #6“. Chaque pièce, dans son altérité propre, est porteuse d’une signification formant un puzzle d’une uniformité nouvelle. L’exhibition se conclue par “Necknot“,  structure faite de nœuds continus en bronze, produit de l’assemblage de cous de cygnes.

“La Nuit sauve”, 2022 © Valentine Noyer/Pépère News

“La nuit sauve”, une mise en abyme

L’originalité de cette exposition se situe dans l’installation multimédia qui, telle une mise en abyme, plonge le spectateur au cœur même d’une atmosphère sombre. Le visiteur pénètre dans un univers où des animaux évoluent au contact d’éléments naturels et artificiels. Déployées sur trois écrans recto-verso, les projections vidéo sont issues d’un tournage qui dure depuis une dizaine d’années. Selon la volonté de l’artiste, les cadrages se superposent, les corps se morcellent en un paysage envoûtant. Ces jeux spéculaires, mélangeant les perspectives, sont accompagnés d’une bande-son algorithmique qui transforme les bruits du film.

Seulement, cette œuvre se veut aller au-delà d’une dimension simplement contemplative : elle questionne également quant à la classification et à l’enfermement animal, en particulier au sein des zoos. Être saisi par l’œuvre, tout en saisissant que la mise en captivité de ces corps animaux ne suit pas un ordre naturel. Ils évoluent en effet dans des milieux artificiels : le tournage s’est déroulé dans des réserves de musées d’histoire naturelle, des aquariums et des parcs zoologiques.

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