Évacuation du bidonville des Pyramides, une trentaine de personnes sans solution de relogement
C’est au bout d’une longue procédure que le site a été évacué mercredi 11 janvier, avant le lever du soleil. Les forces de l’ordre étaient sur place peu avant 7 heures pour assurer l’opération, conformément à l’annonce préfectorale de la veille. Si des habitants du camp se sont vu proposer une solution de relogement, une trentaine de personnes n’ont pu en bénéficier. Des enfants sont notamment concernés.
Après ce qui a semblé être une sorte de “trêve hivernale”, la date de l’évacuation a finalement été communiquée mardi : les habitants du bidonville Rom des Pyramides, sur l’avenue Léon-Jouhaux, seraient expulsés le lendemain de ce lieu où certains vivaient depuis plusieurs années. Le tribunal administratif de Lille avait autorisé la préfecture à procéder à cette évacuation le 22 septembre dernier. Restait à savoir quand elle aurait lieu. Une information que les habitants ont apprise seulement la veille de l’opération, laissant peu de temps aux familles pour s’y préparer.
Une opération choc
Mercredi 11 janvier 6 heures 55, arrivée sur le site. La police est déjà sur place, et empêche toutes les entrées et sorties. Pour la plupart, les militants des diverses associations présentes sont arrivés trop tard pour accéder au terrain. Les membres de la fondation Abbé Pierre, du collectif solidarité Roms Lille et de la Ligue pour les droits de l’homme étaient notamment présents. Des anciens habitants du bidonville sont eux aussi venus, en soutien à ceux qui y sont restés et se font aujourd’hui expulser.
#Lille: évacuation policière du camp des Pyramides ce mercredi matin : plus de 30 personnes sans solutions, dont plus d'une dizaine d'enfants. @dihal_gouv @OlivierKlein93 @CNDH_Romeurope @Defenseurdroits @ldh_lille @Abbe_Pierre https://t.co/sc5hwwr4yD via @lavoixdunord
— Dominique Plancke (@domplancke) January 11, 2023
Si l’évacuation s’est déroulée sans encombre, les associations dénoncent une procédure indigne, et surtout non nécessaire : le camp existe depuis des années, et avait notamment permis aux familles de trouver un cadre, au moins temporaire, pour vivre. D’autant que plusieurs acteurs s’interrogent sur le cadre légal et la légitimité de l’opération. En effet, en faisant la demande d’expulsion directement auprès du Tribunal administratif de Lille, la préfecture se substitue d’une certaine manière à l’autorité de la ville, qui était jusqu’alors en charge du dossier.
Cette opération rebat donc les cartes et vient perturber l’équilibre qu’avaient pu construire les habitants. La préfecture se défend pour sa part en affirmant que cette décision leur sera bénéfique, pointant notamment la précarité du site. S’il est vrai que des mesures de relogement ont finalement été proposées, force est de constater qu’elles laissent un goût amer aux habitants comme aux associations.
Des solutions de relogement insuffisantes
À l’intérieur du camp, un militant qui a réussi à s’y introduire nous annonce que “la Sauvegarde du Nord [association indépendante qui œuvre autour des besoins liés à l’enfance, NDLR] demande à ceux qui ont eu une proposition de relogement de se présenter et de s’enregistrer”, afin ensuite d’accéder à leurs hébergements. Si 94 personnes ont reçu de telles propositions, une trentaine reste sur le carreau, dont une femme enceinte et plusieurs enfants. Dominique Plancke, membre du collectif solidarité Roms Lille, dénonce ces mesures ainsi que le manque de communication qui les accompagne, et l’absence apparente de critères autour de ces attributions. “On a un père dont la famille a reçu une proposition d’hébergement, mais lui non”. De plus, les propositions ayant été faites la veille, certaines familles sont déjà parties d’elles-mêmes avant l’expulsion, ne sachant pas si elles seraient concernées par de telles mesures et préférant anticiper. Aucune information indiquant que ces “places libérées” pourraient être répercutées sur les habitants sans solution n’a été communiquée.
Ces enfants ne sont pas près de retrouver le chemin de l’école – instituteur de l’école en face du camp
Mais même les familles relogées ne bénéficient pas non plus de conditions idéales. Bien que ces logements “durables” restent dans l’enceinte de la métropole lilloise (logements ou hôtels sociaux, aires d’insertion à Loos et Armentières…), cela vient rajouter de nouveaux problèmes. Les enfants déplacés devront par exemple changer d’école, alors qu’ils allaient jusqu’alors à celle d’en face du camp, nous confie un instituteur. Une proximité particulièrement appréciable, car elle facilitait la scolarisation des enfants et leur assurait un accès depuis le camp. “Ce sont des enfants qui étaient encore en cours hier, qui ont des amis, qui parlent français…”, déplore-t-il. “Ces enfants ne sont pas près de retrouver le chemin de l’école”. Il pointe notamment les difficultés administratives auxquelles font face les familles Roms pour scolariser leurs enfants.“Avant, on avait l’impression que la scolarisation des enfants, le fait que les familles « jouent le jeu », tout ça était pris en compte par les services d’encadrement. Aujourd’hui, ce n’est plus du tout le cas.”
La Ligue des droits de l’homme a ainsi annoncé avoir saisi le Défenseur auprès du droit des enfants, bien que les associations ne semblent pas en attendre plus que cela.