“Le monde du doublage s’est battu pour être reconnu” Lucas Stoll met la lumière sur ces travailleurs de l’ombre

Fin juin, le réalisateur Lucas Stoll dévoilait sur sa chaîne Youtube “On a volé ma VF”, un documentaire complet qui propose une plongée dans le monde du doublage. On y reconnaît une dizaine de voix emblématiques qui témoignent de la réalité du métier de doubleur, de Philippe Peythieu (Les Simpsons) à Brigitte Lecordier (Dragon Ball, Oui-Oui). Alors que l’arrivée de l’IA dans le doublage inquiète, Lucas Stoll explore les enjeux de ces changements dans un domaine aussi fascinant que complexe.

Pépère News : Pourquoi était-ce important pour vous de s’intéresser au sujet du doublage ?

Lucas Stoll : En 2012, j’ai réalisé un court-métrage et fait appel à des comédiens de doublage, je commençais donc à m’intéresser à ce milieu-là.

Puis en 2014, j’ai fait un autre court-métrage avec Patrick Povet, la voix française de Bruce Willis. À ce moment-là, il m’a raconté tellement d’anecdotes sur le doublage que je me suis dit qu’il fallait vraiment faire un film sur ce métier. D’autant plus qu’il y a dix ans, il n’y avait quasiment rien sur le sujet. Il n’y avait pas encore cette « hype » si forte autour du doublage.

PPR : Vous parlez d’une « hype » autour du doublage ? À quoi est-elle due ?

L.S : Je pense que l’arrivée des réseaux sociaux et d’internet y est pour beaucoup. De plus en plus de gens peuvent s’y intéresser et on entend énormément parler des doubleurs. On a aussi un grand nombre de conventions et de festivals où les professionnels du doublage sont invités.

Quand j’ai commencé à écrire mon documentaire il y a dix ans, j’ai vraiment vu qu’il n’y avait rien sur le sujet. Maintenant, on a beaucoup plus de vidéos et de contenu sur le doublage.

PPR : Comment s’est déroulée la production ? 

L.S : J’ai d’abord essayé de financer mon documentaire de manière classique, en allant chercher des investissements auprès des régions, du CNC ou des chaînes de télé, mais personne n’a vraiment voulu acheter le projet. Se posait le problème des droits des extraits de films qui sont dans le documentaire. Il y a tellement d’extraits que même une grosse chaîne de télé n’aurait pas assez d’argent pour acheter tous ces droits. J’ai donc mis le projet au placard pendant plusieurs années. Puis, j’ai décidé de le mettre gratuitement sur YouTube et de l’auto-financer. Ce projet me tenait tellement à cœur que j’ai décidé de le faire malgré tout.

PPR : La VF est aujourd’hui réputée dans le monde entier. En quoi est-elle si singulière, et comment expliquer un tel succès à l’international ?

L.S : Déjà, le doublage français existe depuis le cinéma parlant des années 30, ça joue. Ensuite, la France est l’un des seuls pays au monde à utiliser la bande Rythmo, un outil qui permet d’être parfaitement synchronisé avec l’image. Tout ça fait qu’il y a une vraie culture du doublage depuis longtemps en France, et qu’il est peut-être meilleur que dans d’autres pays.

PPR : Comment le métier de doubleur a-t-il évolué ?

L.S : Le statut a bien évolué. Il y a 30 ans, les doubleurs se sont battus pour être reconnus comme des artistes interprètes, c’est-à-dire des vrais comédiens. Juridiquement, ce n’était pas le cas car ils étaient des figurants. Il y a donc eu une vraie reconnaissance à ce moment-là du métier : ce ne sont pas que des voix, ce sont de vrais comédiens.

PPR : Chez les comédiens que vous avez interviewés, il y avait une vraie crainte de la place de l’IA ?

L.S : C’est une vraie inquiétude, tout le monde à peur de se faire remplacer et de perdre son travail.

PPR : Le documentaire s’achève en abordant l’arrivée de l’intelligence artificielle dans le doublage. En tant que réalisateur, pensez-vous que c’est une menace pour le monde du cinéma ?

L.S : C’est une excellente question. Je pense qu’il y a du bon et du mauvais dans l’intelligence artificielle. Par exemple, pour ce documentaire, j’ai utilisé des IA. Certaines permettent d’améliorer la qualité du son, et c’est un super outil. Après, c’est sûr que ça peut devenir un vrai danger.

Actuellement, les comédiens sont en train de se réunir au niveau européen pour essayer de réguler au mieux cette situation. C’est un super combat, mais c’est difficile de se projeter et de voir quel impact cela aura. Si demain, un studio américain décide d’imposer leur version doublée dans le monde entier, je me demande quel poids aura la France ou l’Europe face à ça. Mais il faut se battre, et c’est ce que les comédiens font.

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