Pile ou Faces : des courts-métrages où l’on se découvre
Du vendredi 31 mars au mercredi 5 avril a eu lieu le Festival du Cinéma européen à Lille. Fondé en 1984, le festival revient pour sa 39e édition, au cours de laquelle 53 courts-métrages seront diffusés après une sélection parmi 2.600 réalisations. Les courts-métrages sont répartis en thèmes pour les projections, l’un d’eux s’intitule Pile ou faces, et c’est celui que le Pépère News vous invite à découvrir aujourd’hui.
Le soleil se couche peu à peu sur la gare Saint-Sauveur, pas de temps à perdre, il faut arriver au cinéma avant qu’il ne fasse nuit. C’est au Cinéma l’Univers, situé à proximité du quartier de Moulins, qu’a eu lieu ce dimanche 2 avril la seconde projection du thème Pile ou faces du festival. Cette petite salle d’une capacité de 92 places est un lieu idéal pour ce genre d’événements. À l’entrée, plusieurs membres de l’organisation assurent l’accueil des spectateurs, leur indiquant que la séance précédente n’est pas encore tout a fait terminée. Il leur est donc proposé de patienter sur les canapés qui se trouvent dans le hall d’entrée, qui fait également office de bar. À 19h, tout le monde prend place, la séance peut débuter.
Une séance pleine d’émotions
Dans une salle remplie au tiers environ, quatre courts-métrages de la compétition officielle vont être diffusés : Double Je, Hold me, Léo la nuit et Elisabeth. L’idée du thème Pile ou faces est assez simple, il s’agit de présenter des personnages qui découvrent un aspect de leur personnalité, ou le cachent, et cela va même jusqu’à l’identité du personnage. Un enjeu bien posé dès le premier court-métrage Double Je et même dès la première scène. Andrea, joué par Richard Sammel, qui est metteur en scène de théâtre dans cette réalisation, apparaît à l’écran avec un monologue dans lequel il s’adresse au spectateur, en lui disant notamment qu’il ressortira “changé” de cette projection. C’est bien toute l’idée de ces petits films, troubler le spectateur sur ses émotions jusqu’à ce que l’étonnement et un effet “bouche bée” prennent le pas sur sa réserve initiale lorsqu’il s’installe dans son fauteuil.
Hold me joue bien sur cela, et prend à la gorge le spectateur qui se retrouve face à des scènes d’une violence plus qu’anormale d’une fille envers sa mère, qui n’accepte pas la nouvelle relation amoureuse de celle qui l’a élevée. Ces émotions et scènes d’émoi frisent avec une certaine bipolarité qui, si elle n’est jamais explicite, semble planer sur cette petite famille.
Dans Léo la nuit, c’est plus subtil, mais tout aussi violent. Un père doit s’occuper de son fils durant une journée, mais ses pulsions sexuelles envers d’autres hommes le font passer à côté de son rôle. Il arrive en retard pour récupérer son fils à son cours de trompette, puis le laisse dans un hôtel plusieurs heures alors que c’est son anniversaire. Irresponsable mais aimant, attentionné mais absent, cet homme cristallise les plus grands défauts et les plus grandes qualités d’un père dans une seule personnalité, et c’est sûrement le plus dur à voir.
Mais l’un des courts-métrages qui trouble plus que les autres, c’est sans doute Double Je, qui porte bien son nom. Un jeune acteur, Liam, incarné par Florian Boulay, intègre la troupe d’Andrea pour jouer le rôle d’un frère qui éprouve un amour obsessionnel et maladif envers sa sœur, incarnée par Fleur Geffrier. Sauf que Liam finit par ne plus discerner le vrai du faux dans sa vie, la réalité de la fiction, son personnage et sa vraie identité. Ce qui se joue sous les yeux du spectateur, c’est à la fois la descente aux enfers d’un acteur, l’angoisse de tout comédien qui reste bloqué dans son personnage pour toujours, et bien d’autres choses qui ne peuvent être révélées ici… En une vingtaine de minutes, le spectateur traverse un large spectre d’émotions, et en ressort, comme le dit Andrea, changé.
Secrets de fabrication
Outre la diffusion de courts-métrages, et un visionnage agréable, il faut le dire, le Festival du Cinéma Européen propose également des rencontres entre les réalisateurs, acteurs et le public. Dimanche soir, à la fin de la séance, c’est Caroline Tillette, réalisatrice et actrice principale du dernier court-métrage Elisabeth qui vient à la rencontre des personnes présentes. Elle raconte les secrets de fabrication de son court-métrage, les raisons qui l’ont poussée à le réaliser et évidemment d’où lui est venue l’idée de cette réalisation.
Elisabeth, c’est l’histoire du personnage-éponyme durant l’année 1943. Elisabeth est résistante, et elle a pour mission d’aller transmettre des informations sur les nouveaux chemins de passeurs depuis la France pour la Suisse. Sauf qu’elle se retrouve au poste de douane, tenu par les nazis, dans lequel elle décide de passer la nuit, espérant ne pas se faire démasquer durant la soirée, obligée d’y jouer un rôle.
Caroline Tillette explique bien que “le personnage principal est fictif, les trois gardes sont fictifs”, mais lors de la première qui a eu lieu à Trient en Suisse, “des gens disaient que c’était l’histoire de leur père, de leur grand-père“. Une fiction mais qui a donc bien trait avec la réalité. Elle mentionne aussi l’exigence du format du court-métrage, qui a été réalisé et répété comme si c’était “une pièce de théâtre”, ajoutant qu’il a fallu ajouter un “travail de précision pour être actrice et réalisatrice à la fois“.
En sortant de la salle, la nuit est tombée, il fait sombre et un peu froid même, mais c’est aussi agréable de retrouver l’air frais. Caroline Tillette reste discuter avec une spectatrice, le reste du public traîne un peu devant la salle ou repart immédiatement. L’actrice a mentionné, au cours de son échange avec le public, l’envie qu’elle avait d’écrire son propre rôle, et qui l’a poussée à réaliser ce court-métrage. Ce n’était peut-être pas volontaire, mais cela fait aussi partie des manières qu’ont les différents réalisateurs d’incarner ce thème Pile ou faces, et qui font que ces différents courts-métrages parviennent à captiver le spectateur. Ils contiennent toujours une part de celui qui les crée.