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Réforme des retraites, l’engagement de toute une société

Réforme des retraites, l’engagement de toute une société

manifestation Lille réforme des retraites

Le jeudi 19 janvier, une partie de la France se soulève contre le projet de la réforme des retraites. Quelques heures avant, certains manifestants se retrouvent dans les assemblées générales (AG) pour faire un point sur les différentes actualités et les actions à mettre en place. Après le débrayage de quelques amphis, les étudiants lillois se rassemblent devant la fac avant de rejoindre tous les grévistes à porte de Paris.

Début janvier, le gouvernement a annoncé son projet de réforme des retraites, dont l’objectif est notamment de reculer l’âge de départ à 64 ans. Cette annonce a provoqué de violentes contestations qui ont poussé huit des plus grands syndicats à se mettre d’accord sur une mobilisation le 19 janvier. L’Assemblée Générale qui s’est tenue ce jour-là à l’université de Lille 2, et les voix de différents manifestants, permettent de comprendre en quoi cette potentielle réforme des retraites agace autant les Français.

Une réforme qui touche les jeunes

L’ambiance est tendue dans l’amphi C de la fac de Lille 2. Des syndiqués, des étudiants, mais aussi des lycéens se lèvent tour à tour entre les applaudissements et les huées. Ils mentionnent les Gilets jaunes, s’interrogent sur l’efficience de la grève, son impact à long terme. Pour régler le problème des travailleurs précaires, dont le salaire est prélevé lors des grèves, un jeune militant propose la mise en place d’une caisse intersyndicale de grève. La volonté générale est de différencier les jeunes des syndicats travailleurs notamment dans les cortèges, pour montrer que c’est une réforme qui les touche tout autant.

Pourquoi cette réforme scandalise autant les jeunes ? « On lutte pour nos parents et pour notre avenir », explique le président de l’Union nationale des étudiants de France (UNEF) Yanis di Bartolméo. Les jeunes sont conscients des inconvénients de la réforme pour ceux qui approchent déjà de la retraite, ils militent pour eux. Mais cette réforme les concerne encore plus que cela.

Le Pépère News a demandé à deux jeunes pourquoi elles étaient venues manifester. Il est difficile de les entendre, la musique résonne, des feux d’artifice explosent et des chants commencent à être clamés. L’une des étudiantes explique : « Nous par exemple,  on va commencer à travailler très tard, la retraite est de plus en plus repoussée. On sait que c’est 67 ans qui nous attend au final ».

Les jeunes entrent plus tard dans le monde du travail du fait de leurs études plus longues, et cela retarde le début de leur cotisation, ce qui est synonyme d’une retraite encore plus éloignée. S’imaginer travailler plus longtemps en cotisant davantage, dans un contexte où une partie des jeunes est déjà en situation de précarité les révolte.

« Le gouvernement veut nous laisser en situation de précarité toute notre vie, qu’on soit étudiant ou à la retraite », s’exaspère le président de l’UNEF.

Une réforme vraiment nécessaire ?

Malgré tout, il est évident que cette réforme ne concerne pas que les jeunes. Le gouvernement doit en effet faire face à un mouvement de grève nationale. C’est dans cette idée que tous, aussi bien les jeunes que les syndiqués, appellent à une massification du mouvement en prônant la nécessité d’une solidarité entre tous les métiers. De nombreux militants sont des actifs plus ou moins âgés, qui luttent contre cette réforme.

Le Pépère News a rencontré Nicolas Dumortier et Gregory Marnet, militants à la Confédération Générale du Travail (CGT) :  « Nous, on va dire qu’on est là en connaissance de cause, parce qu’on travaille chez AG2R [organisme français à but non lucratif, de protection sociale et patrimoniale, NDLR] ».

Ils citent les projections du Conseil d’Orientation des Retraites (COR) qui prévoient un léger déficit du PIB dans les années à venir : « Entre 0,5 et 0,8 point de produit intérieur brut (PIB) en moyenne d’ici 2050. De fait, les dépenses de retraite, mesurées en pourcentage du PIB, devraient être contenues ».

Si le COR ne se positionne pas concernant la nécessité d’une réforme des retraites, les résultats de leur rapport « ne valident pas le bien-fondé des discours qui mettent en avant l’idée d’une dynamique non contrôlée des dépenses de retraite ».

Manifestants à Lille contre la réforme des retraites
Manifestation à Lille, Le 19 janvier © Lola Gentilhomme / Pépère News

Selon Gregory Marnet, il n’y aurait pas de réels besoins financiers derrière cette réforme. L’augmentation de l’âge légal de départ à la retraite ne serait donc pas justifiée. Le gouvernement maintient pourtant sa position, c’est-à-dire la nécessité de combler le déficit via ce système et la prolongation de l’âge de départ à la retraite. Il s’interroge également sur l’obligation de travailler jusqu’à 64 ans, alors que certains seniors sont au chômage à 55 ans et ont de très grandes difficultés à retrouver un emploi, selon l’Insee.

Pour ce citoyen engagé, le chômage des seniors est dû à l’affluence des jeunes sur le marché du travail. Les entreprises préféreraient alors les engager par souci d’économie, entraînant une disparition des expertises.

Certaines notions de cette réforme restent floues, telle que la définition de la pénibilité, pouvant alors en pénaliser certains et empêcher une véritable équité quant à l’âge du départ à la retraite. L’âge de la bonne santé, autour de 63 ans aujourd’hui en France, est aussi un facteur décisionnel dans le parti pris par chacun lors de cette réforme. « Comment profiter de la retraite si on n’est pas en état? », se questionne Gregory Marnet.

Quelle suite au mouvement ?

Les arguments divergent en fonction des tranches d’âge. Cependant, les personnes interrogées par le Pépère News montrent leur stricte opposition à cette réforme. La situation à ce jour en France reste assez binaire avec un mouvement de grève rassemblant plus d’un million de personnes ce 31 janvier, selon les syndicats.

Ces protestations sociales ne sont pas qu’un moyen de s’opposer à cette réforme. Il ressort de nos discussions avec les manifestants que la réforme des retraites n’est pas la seule raison pour laquelle ils sont dans la rue. Pour certains, cela permettrait de stopper le gouvernement Borne et les volontés du Président. Comme cela a été évoqué à l’AG de l’Université de Lille 2, il ne faudrait pas attendre que les lois soient votées pour agir mais plutôt agir pour massifier le mouvement.

Manifestants à Lille contre la réforme des retraites, Le 19 janvier © Lola Gentilhomme
Manifestation à Lille, Le 19 janvier © Lola Gentilhomme / Pépère News

Le président de l’UNEF, explique que : « Si on ne gagne pas là, on se retrouve dans 5 ans avec le service national universel (SNU) et Parcoursup master ». Il est vrai que selon le journal Les Echos, Emmanuel Macron aurait évoqué le scénario d’un SNU obligatoire. La Voix du Nord ajoute que la plateforme « Mon Master » a été lancée ce 1er février.

L’ampleur de ces protestations sociales est aussi liée au contexte des crises sanitaire, énergétique et économique qui saturent l’actualité française.

Le bras de fer continue. Si le gouvernement maintient son projet qui serait selon lui le seul moyen de garantir le système des retraites par répartition, les syndicats menacent de mettre la « France à l’arrêt ».

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