Street art à Lille : retour sur une histoire de passion, de conflits et d’innovations
A Lille, du quartier vivant de Wazemmes à l’emblématique rue de la Monnaie, le street art s’impose aujourd’hui comme un nouveau moyen d’expression. Connue pour sa créativité, la métropole attire des artistes renommés qui métamorphosent ses murs en véritable galerie d’art à ciel ouvert. Toutefois, le street art lillois est marqué par des créations clandestines, brouillant les frontières entre art accepté et illégal.
De l’amour adolescent à l’amour de l’art
Le street art tel que nous le connaissons aujourd’hui est né… d’un béguin d’adolescent ! Cornbread c’est le nom de tag du pionnier du graffiti. En 1967, fou amoureux d’une fille de son lycée, Cornbread déclare sa flamme sur les murs de son école en inscrivant « Cornbread Loves Cynthia ». Son premier graffiti est alors né à Philadelphie, aux Etats-Unis. Rapidement, le mouvement « Graffiti Writing » formé par les jeunes gaffeurs Cornbread et Cool Earl prend de l’ampleur et gagne New York une décennie plus tard. De nombreux artistes émergent alors, parmi lesquels on compte les célèbres Taki183 et Blade One. Le street art poursuit son chemin jusqu’en Europe et fait sa première apparition en France à l’aube des années 1970 avec Ernest Pignon-Ernest. La tendance s’installe véritablement dans l’Hexagone dans les années 1980, apportant avec elle des artistes de renoms tels que Blek Le Rat ou encore Jérôme Mesnager. A Lille, c’est au début des années 2000 que le street art s’impose. Devenus incontournables, les quartiers de Wazemmes ou de La Madeleine attirent aujourd’hui des graffeurs du monde entier, inspirés par les murs de briques rouges de la ville. La métropole a progressivement embrassé ce mouvement, enrichissant ainsi sa culture urbaine et devenant un terrain d’expression dynamique pour les street artistes.
La guerre des murs
Lille et le street art ; ça n’a pas toujours été une grande histoire d’amour ! Cet art urbain est le cœur d’un débat depuis ses débuts : le vandalisme. Si certains artistes respectent les lois locales, d’autres en font fi. Pour ceux-ci, le street art permet de s’exprimer artistiquement ou de contester les normes sociales. Ne soyez donc pas surpris de croiser un graffiti engagé au détour d’une rue. Les manifestations populaires sont d’ailleurs très propices à l’émergence de ces graffitis illégaux. Les lillois sont parfois dérangés par les tags. En 2015, des riverains du quartier de Wazemmes avaient lancé une pétition contre l’invasion des tags dans leurs rues. En réponse, la municipalité avait organisé une rencontre pour aborder ces problématiques. Sur le site de la Ville de Lille, il est désormais possible de signaler un tag sur sa façade pour déclencher une intervention de nettoyage rapide et gratuite. La métropole est très clairvoyante au sujet des dégradations que provoquent certains graffitis. Dès 1985, le maire Pierre Mauroy sanctionne les graffitis illégaux à coup de fortes amendes et vastes campagnes de nettoyage. Par exemple en 2020, Lille ne décomptait pas moins de 26.000 interventions de nettoyage sur toute la métropole. Aujourd’hui, la ville poursuit la lutte et s’est équipée de caméras de vidéosurveillance. Un partenariat entre la municipalité et les propriétaires de commerces permet une rapide intervention de nettoyage.
Tag Engagé “Macron NTM” sur les murs de la rue Pharaon de Winter – © Pauline HASCOËT
Quand le street art devient officiel
Impossible de passer à côté : Lille, c’est plus de 600 œuvres recensées dans toute la métropole. Depuis quatre décennies, les murs, pignons, panneaux et garages se transforment en toiles vivantes à recouvrir de messages. La métropole a développé de nombreuses initiatives en faveur de ce nouvel art, allant des commandes publiques à l’organisation de festivals dédiés. Lille commande ainsi, depuis plusieurs années, des œuvres à des artistes locaux et internationaux pour embellir ses murs. Ces initiatives permettent aux artistes de s’exprimer librement tout en respectant les règlementations urbaines. La fresque Waz’Up de Jef Aérosol par exemple est le résultat d’une commande de l’organisme Lille3000, en charge des grands projets culturels de la ville. De nombreux festivals ont vu le jour à Lille pour célébrer l’art urbain. La BIAM – Biennale Internationale d’Art Murale – imaginée par le collectif Renart en 2013, propose tous les deux ans à de nombreux artistes d’investir l’espace public en toute liberté. Après onze ans d’existence, la BIAM compte aujourd’hui plus de 120 fresques réparties dans tout le département des Hauts-de-France. Le festival URBX avait récemment envahi les rues de Roubaix et de Lille à l’occasion de sa troisième édition en juin dernier. Autre initiative locale : le Can’Art, qui se tenait jusqu’à la précédente édition sur les rives de la Deûle. La BIAM a rapidement gagné en notoriété grâce à sa capacité à accueillir des artistes internationaux et à créer des œuvres époustouflantes sur les murs tristes de la ville. Ainsi, ces festivals ne se contentent pas de célébrer l’art, ils attirent des touristes du monde entier et participent à la vie économique de la métropole. Lille se positionne désormais en ville incontournable pour les amateurs de street art.