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Joji revient avec SMITHEREENS

Joji revient avec SMITHEREENS

Le 4 novembre dernier sortait le quatrième album studio de l’artiste australo-japonais Joji. Celui qui a longtemps fait rire internet sous le nom de Filthy Frank s’éloigne encore de cette époque avec une dizaine de morceaux dans lesquels la tristesse domine. Analyse du style d’un artiste qui, comme un bon vin, se bonifie avec le temps.

Deux ans seulement après son dernier album Nectar, Joji revient avec SMITHEREENS, nom qui peut se traduire par “morceaux” en français. En neuf chansons qui comptabilisent seulement vingt-quatre minutes de son, l’artiste torturé laisse l’auditeur en morceaux. Il faut dire que Joji n’en est pas à son coup d’essai. En 2018, dans son deuxième album, il sortait Slow Dancing In the Dark, Wanted U ou encore Test Drive, toutes aussi bouleversantes de tristesse.

Un style perfectionné

C’est en septembre dernier que le premier single sortait, et vous l’avez sûrement entendu : Glimpse of Us. Succès fulgurant et instantané, il devient rapidement le single phare de l’application TikTok, au travers de plusieurs trends. Le morceau porte la marque de l’artiste, avec un piano léger au ton profond comme seul instrument, accompagné de chœurs savamment placés. Les paroles racontent l’histoire d’un homme dans une relation pansement, qui n’arrive qu’à apercevoir son ex dans les yeux de sa copine actuelle.

Du Joji pur et dur donc, avec peu d’instruments et des paroles liées à une situation émotionnelle dans laquelle beaucoup peuvent se reconnaître. Le talent du chanteur réside dans sa capacité à retranscrire ses émotions avec des mots.

Au travers de l’album, on retrouve ce motif sonore caractéristique, ponctué de basses puissantes, de percussions simples et de sons atmosphériques. Cette identité révèle les héritages musicaux de Joji, entre le RnB, parfois même la trap, et le lo-fi, amenant vers un tout très épuré. C’est peut-être cela le génie de l’artiste australo-japonais : il atteint une forme de perfection en ne gardant que le nécessaire, et se séparant du superflu. Ce qui fait écho aux mots d’Antoine de Saint-Exupéry dans Terre des Hommes : “Il semble que la perfection soit atteinte non quand il n’y a plus rien à ajouter, mais quand il n’y a plus rien à retrancher.

Joji, musique, concert
Joji performant en concert © Flickr

Un passé marquant

Joji n’a pas toujours été un musicien à succès : entre 2011 et 2017, George Kusunoki Miller de son vrai nom, postait des vidéos sur Youtube. Tout d’abord sous le personnage de Filthy Frank, il reprend les tendances de l’époque et les ridiculise. Très vite, il crée d’autres personnages, comme Pink Guy, connu pour notamment être à l’origine du Harlem Shake. Tourné vers des contenus à but humoristique, crus et des fois perturbants, George Miller accumule une base de fans au comportement aussi extrêmes que ses vidéos.

Toujours intéressé par la production de musique, il réalise quelques sons et clips sous l’identité de Pink Guy, mais il se rend vite compte que son succès n’est dû qu’à ses fans toxiques. Suite à des problèmes de santé, fin 2017, il annonce la fin de ses émissions sur Youtube.

Ainsi, George Miller développe depuis 2015 une nouvelle facette de sa créativité : il prend alors le nom de Joji. Dans une interview pour Billboard, il oppose son identité d’artiste aux personnages Filthy Frank et Pink Guy : “Joji’s just me”. Depuis, les succès s’enchaînent, si bien que la plupart de ses fans ne connaissent pas ses précédentes identités. Et c’est peut-être mieux ainsi, pour eux comme pour lui.

Glimpse of the past ?

Dans le clip de Glimpse of Us, il est possible de voir une référence à son passé de vidéaste. Il s’agit d’une forme d’anti-vlog, un peu à la manière de ses anciennes vidéos sous le nom de Filthy Frank. On y voit un personnage principal et sa bande d’amis, dans un montage dynamique type documentaire, avec des rushs qui ressemblent à du “found footage“. Si l’on peut l’analyser de différentes manières, le clip dépeint une certaine vision de la dépression et du sentiment de vide, que le personnage principal remplit par un chaos et une pulsion d’autodestruction violents.

Le décalage entre la douceur de la musique et l’agitation de la vidéo rend l’expérience malaisante, ce qui force l’admiration envers un artiste qui arrive à faire ressentir tant d’émotions. La vidéo de Die for You, dans le même style presque documentaire, explore les comportements d’autodestruction de l’humanité comme un ensemble, et pas seulement au travers du prisme d’un individu.

SMITHEREENS est donc un album simple, pas simpliste, mais millimétré. Ces 24 minutes de musique continuent d’asseoir Joji comme l’un des artistes emblématique de ces dix dernières années, autant pour sa créativité que sa maîtrise.

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