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Le nom c’est Lomepal

Le nom c’est Lomepal

La pochette du nouvel album de Lomepal, intitulé Mauvais Ordre © Raegular

Sorti le vendredi 16 septembre, le nouvel album du rappeur parisien Lomepal intitulé Mauvais Ordre est une petite révolution pour l’artiste. Lomepal quitte son habituelle introspection, pour se livrer à un exercice inhabituel, celui de la fiction. De gros changements en apparence, mais en profondeur qu’en est-il vraiment ?

Un peu de miel

Voilà pratiquement trois ans que Lomepal n’avait pas livré un projet, le dernier en date étant la réédition de son album Jeanine, intitulée Amina. Alors forcément, Mauvais ordre était attendu. Le concept est assez simple, c’est un homme plombé par la solitude qui chante ce qu’il ressent, et celui-ci est supposément fictif.

Au-delà de raconter une histoire inventée, cet album se distingue surtout par son caractère très acoustique et musical, bien loin des codes actuels du rap, surtout centré sur de la musique réalisée avec un ordinateur. Dans ce projet résonnent la guitare et la batterie dans Tee, le piano dans Decrescendo et bien d’autres tout au long de notre écoute. Un nouvel univers pour le rappeur parisien, qui avait déjà commencé à explorer ce côté musical dans son dernier album.

Cette fois-ci c’est confirmé, Lomepal tend vers quelque chose de plus pop, même si le rap continue de jouer un rôle majeur dans cet opus, dans des titres comme Etna, 50° ou Tee. C’est donc un album aux sonorités variées, avec même un peu de rock dans Auburn qui fait découvrir un nouvel univers musical. Les thèmes de la nuit et de l’obscurité semblent être le fil rouge de cet album.

Un peu de vinaigre

Cet album c’est l’histoire d’un homme amoureux, perdu et seul car il n’est pas aimé en retour. En l’écoutant, il n’est pas compliqué de s’imaginer marchant la nuit dans les rues d’une grande ville, simplement éclairé par la lune. Tout comme le personnage, l’auditeur va se perdre dans ses pensées au cours de l’écoute, car c’est tout le principe de cet album, se perdre.

Le concept c’est cet homme qui chante sa solitude, mais c’est surtout un album dans le désordre, qui traduit des pensées qui viennent comme elles sont, sans ordre réel. Les fans ont bien essayé de remettre la tracklist dans l’ordre mais rien n’y fait, il y a toujours quelque chose qui bloque ou qui ne semble pas cohérent. C’est peut-être tout simplement cela le génie de ce projet, l’authenticité qui s’y trouve, cette volonté de faire vrai et de raconter une histoire comme elle serait racontée dans la vie.

L’originalité de l’album est aussi là, dans ce labyrinthe insoluble qui nous résiste mais qui ne demande qu’à être parcouru jusqu’à ce qu’on en ait exploré tous les recoins. C’est triste pour les maniaques de l’ordre, et c’est bien le but, ici c’est le côté réaliste qui prévaut, la construction parfaite d’un album qui progresse tel un plan de dissertation en devient secondaire. Mais une chose résiste, l’authenticité et le réalisme c’est bien beau, mais si tout cela n’est que fiction alors qu’y’a-t-il de vrai ? Tout le charme se volatilise d’un coup, et pourtant…

Lomepal au festival Les Vieilles Charrues en 2019 © Thesupermat
Lomepal au festival Les Vieilles Charrues en 2019 © Thesupermat

L’autre c’est lui

Les choses ne pouvaient pas être aussi simples, il fallait bien qu’une difficulté s’invite, comme souvent dans les très bons albums de rap. Ici, c’est ce récit trop authentique pour qu’il soit simplement fictif. Trop d’éléments font penser que c’est Lomepal lui-même qui se livre à travers ce personnage inventé, tant dans cet aspect de solitude qu’il a déjà évoqué en interview que dans ce besoin de s’éloigner du monde, ainsi que le fait d’être amoureux, bien que le rappeur soit en couple quand son personnage ne l’est pas.

L’inspiration première pour cet album est le film The Truman Show, qu’on retrouve aussi bien sur la pochette que dans le Skit il. Ce film, c’est l’histoire d’un homme dont la vie est en réalité une émission de télévision, sauf que tout le monde le sait excepté lui. On l’observe à son insu, un peu comme une célébrité… mais ici ce n’est pas forcément ce sujet qui intéresse principalement le rappeur. Dans le film de Peter Weir, Lomepal tire son inspiration d’une séquence en particulier. C’est une scène dans laquelle le héros découpe des parties de femme dans des magazines pour créer sa femme idéale, comme un rêve, le même que celui poursuivi par le héros de l’album.

Alors si le personnage de Mauvais Ordre ressemble énormément à Truman Burbank, il est aussi très proche de Lomepal quoi qu’on puisse en dire. Toute l’écoute ressemble à une immense introspection, un retour sur une vie vraiment vécue. Cela ressemble aussi à un album de maturité, aussi bien dans la production que dans les paroles. Alors que l’album est censé être une fiction, l’auditeur s’est rarement senti aussi proche de l’artiste, capable de s’identifier à des paroles.

Assez paradoxalement, alors que dans un album comme Flip, le vrai prédomine et s’éloigne de la fiction, le personnage de Palpal, alter ego de Lomepal, n’est jamais paru aussi loin. Peut-être que tout ce temps, Lomepal se cherchait et ce qui semblait vrai dans ce qu’il racontait ne l’était pas nécessairement. En tout cas, les émotions sont là à la sortie de ce projet, et que Lomepal soit le personnage principal, ou non, il vole la vedette assez aisément au héros qu’il a voulu créer. À la fin, l’artiste et son invention se confondent quelque peu, en tout cas ce n’est sûrement pas complètement extravagant de penser cela.

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