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MobiusVisio : l’homme de l’ombre qui met la musique en lumière 

MobiusVisio : l’homme de l’ombre qui met la musique en lumière 

Rencontre avec MobiusVisio à l'Hybride

Le 22 novembre dernier, le Pépère News s’est rendu à l’Hybride, un petit cinéma en plein cœur de Lille. Ce soir-là, le Flow (Centre Eurorégional des Cultures Urbaines) y organise une rencontre avec MobiusVisio. Le jeune réalisateur de clips musicaux originaire de la région est venu présenter ses plus belles oeuvres sur grand écran. Bekar, Ben PLG, Sto… La liste des artistes avec qui il a collaboré est encore longue.

Le jour où nous l’avons rencontré, cela faisait un an, un mois et un jour que Mobiusvisio avait quitté son travail pour se lancer pleinement dans la réalisation vidéo. Pour marquer le coup, il a rassemblé les meilleures images de sa première année comme réalisateur à plein temps. C’est le premier extrait que nous regardons et ce n’est qu’une goutte de ce que l’auto-proclamé Rookie video maker (réalisateur vidéo débutant) a réalisé cette année. Avant d’interagir avec les passionnés présents dans la salle, il nous emmène dans son univers. Déjà, le public est fasciné par les quelques extraits projetés. 

Une vie qui s’organise autour d’une passion

Depuis qu’il est au lycée, Mobius est passionné par le milieu de l’audio-visuel. Il se confie être un “bousillé de rap”. Après avoir acheté sa première caméra, il reçoit une proposition de 50 euros pour réaliser une vidéo. Il n’y avait alors plus qu’une seule obsession dans la tête du jeune réalisateur, faire de sa passion un métier. “Dès le jour où je me suis rendu compte que c’était possible de rendre ça viable je me suis dit : en fait on va pas dormir, mais on va le faire” nous explique-t-il. Cette ferveur pour la réalisation, nous la ressentons à chaque seconde de la soirée.

MobiusVisio a grandi dans le Pas-de-Calais avant de venir à Lille pour entamer ses études supérieures. C’est à ce moment-là qu’il estime avoir mis un premier pied dans le milieu du rap. Il monte alors une association étudiante avec Sto, un rappeur lillois qu’il connaît depuis longtemps et organise des soirées. Selon lui, il fallait “être actif dans le milieu avant même de penser à faire des clips”. C’est à ce moment-là qu’il comprend que ses études en mathématiques ne l’intéressent pas plus que ça. Il s’inscrit alors dans une école d’ingénieurs à Paris qui propose de faire de l’audiovisuel en parallèle. « La plus grande chance dans mes études a été d’arriver à Paris »

En effet, Paris est l’épicentre de l’industrie du rap. Les labels et les studios d’enregistrement se situent tous dans la capitale. Quand on veut se faire un nom dans ce petit milieu, vivre à Paris est un atout. Pour Mobius, “ Tôt ou tard, Paris va te rattraper. Ça va trop vite. Il y a trop de monde. On n’y peut rien. ”

Après cette introduction qui nous permet de comprendre un peu mieux qui est MobiusVisio, celui-ci nous présente une compilation de quelques clips qu’il nomme freestyle. Tous ne sont pas des freestyles au sens propre du terme mais ce sont soit sa première collaboration avec l’artiste en question, soit des tournages improvisés. On y voit des clips de Bekar, Ben PLG, Sto ou encore du Don Dada Records, célèbre label de musique.

Pépère News : Comment as-tu réussi à te faire un nom dans ce milieu ? 

Mobius: Au début, je faisais pas mal de photos de concerts et ça m’a beaucoup aidé pour que les gens voient ce que je faisais. Je pense notamment à 8ruki. Si je n’étais pas venu à l’improviste à un de ses concerts sans accréditation, je n’aurais peut-être jamais eu l’occasion de bosser avec lui.”

Le passage d’un cap, les débuts de la narration

C’est dans ces brèches que MobiusVisio s’engouffre entièrement. Il s’est ainsi créé, petit à petit, de plus en plus d’opportunités. Celles-ci lui ont permis de passer de la réalisation de “freestyles vidéo” aux véritables clips avec une narration. “Ce qui change, c’est qu’on essaye de raconter un truc en plus”. Il fait notamment référence à un clip qu’il a réalisé pour 8ruki dans lequel on ne voit pas le rappeur performer. Toutes les autres réalisations qu’il avait faites pour lui étaient des freestyles centrés sur l’artiste.

En ce qui concerne la différence de moyens entre un freestyle et un clip avec du storytelling, il affirme : “En termes de budget, je suis tellement habitué à travailler avec zéro euros que ça peut parfois ne rien changer. Mais il y a aussi des projets qui demandent plus de temps et donc de moyens logistiques. En termes de production, ça demande beaucoup plus de préparation en amont.”

Public : Ta manière de travailler a-t-elle changé avec ce style de réalisation ? 

Mobius: Oui ça change pas mal de choses, tu te confrontes à la réalité de ce qu’est vraiment la production. Il faut avoir les yeux face à face avec le budget. Après si c’est pas trop demandant, il y a toujours une solution pour amener l’idée.

Il rappelle cependant que ce sont les producteurs qui sont concernés par le financement. “Ce sont eux qui sont en face du budget et c’est eux qui vont trouver des solutions. Donc ce n’est pas une question que je me pose seul.”

Public : Comment arrives-tu à mettre en image l’univers de l’artiste ?

Mobius: Premièrement, je suis un passionné de rap. J’écoutais énormément de musique quand j’étais au lycée. Sur Youtube, j’étais le genre à essayer de trouver “la” vidéo à 200 vues que personne n’a vu et que toi tu vas kiffer. Deuxièmement, ça passe par discuter avec les artistes. C’est un échange : « Tu fais de la musique, t’as ton style. Je fais de la vidéo, j’ai mon style. Comment trouver un lieu commun pour faire quelque chose ?». Troisièmement, faire de la vidéo ça veut dire passer des heures derrière un ordinateur à faire du montage et ne pas avoir peur de juste tout supprimer et recommencer. Moi j’adore travailler la nuit, des fois je me lève le lendemain matin et quand je regarde ce que j’ai fait, je me dis « on recommence ».

Parfois, la réalisation d’un clip lui permet justement de s’immerger dans l’univers de l’artiste. C’est notamment le cas du clip de BEN PLG. “Avant de faire le clip avec BEN PLG, je connaissais sa musique et respectais beaucoup ce qu’il faisait mais je ne m’étais jamais vraiment plongé à 100% dedans. Le fait de passer des heures derrière l’ordi à écouter le texte de manière beaucoup plus profonde m’a permis de m’incorporer à la musique. »

MDNS, un rappeur orienté punk rap, était aussi présent à l’Hybride ce soir-là. Il témoigne de cette aptitude d’adaptation qu’a Mobiusvisio. “Il arrive à rentrer dans la tête de l’artiste en discutant avec lui, et en essayant de pousser sa direction artistique pour en ressortir le meilleur visuellement. On a tout le temps besoin d’un “Mob”. Il sait où je veux aller et il voit parfois même plus loin que moi.” 

Vers un élargissement de sa palette créatrice

Si Mobius reste pour l’instant concentré sur le rap, il n’exclut pas de s’ouvrir un jour à d’autres styles qu’il commence à apprécier, tels que le jazz. “Cette diversification vient aussi de rencontres. MDNS, par exemple, c’est un gars qui vient du Punk Rap, qui a de l’énergie. Dans son évolution artistique, il s’est orienté vers quelque chose de plus pop, plus rock, et c’est le genre de mouvements que tu suis, que tu comprends, et que tu apprends à apprécier.”

Bien qu’il travaille avec des rappeurs renommés, Mobius affirme vouloir continuer de travailler avec des artistes émergents. “J’ai toujours eu un intérêt particulier pour les ovnis, des trucs qui sont un peu incompréhensible aux yeux de tous, j’aime bien l’unicité, la singularité”, nous confie-t-il. Le jeune réalisateur admet tout de même “qu’il est toujours plaisant de travailler avec de gros artistes”. MobiusVisio nous montre donc qu’il fait son travail pour l’artistique, n’allant pas systématiquement vers des projets très médiatisés.

Pour ceux qui ne consomment pas de rap,  il est tout de même possible de retrouver son travail dans d’autres domaines que des clips. Il a ainsi collaboré avec le Paris St-Germain pour le projet Passion Inside, où l’on retrouve de courtes vidéos de supporters du PSG. C’est également le réalisateur de la vidéo d’annonce des Zéniths de Bekar, son dernier projet et peut-être celui dont il est le plus fier: Je trouve que c’était cool de faire un truc différent d’un clip, pouvoir raconter une histoire, c’est un premier pas vers quelque chose de narratif”.

Mais alors dans quelle direction s’oriente la carrière du jeune réalisateur ? Il ne semble pas réellement savoir mais des réflexions émergent déjà : “Pour l’instant, j’estime plus mon travail comme de l’expérimentation visuelle. Je commence à sentir que, ça y est, je sais ce que j’aime comme image. Quand je serai enfin convaincu de l’esthétique précise que j’ai envie de développer, alors je me poserai la question de savoir ce que je veux raconter. Pour l’instant je le fais, mais des petites miettes par-ci par-là.”

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