“Parfois on se demande si on est des sapiens sapiens ou des debilus debilus”
C’est dans un discours engagé pour le climat que le député européen Pierre Larrouturou prononce ces mots mercredi 16 novembre. Dans le silence consterné de l’amphi A du campus Moulins, il a présenté le projet EACOP. Environ 200 personnes se sont réunies à l’occasion de cette conférence organisée par ADESPOL, Our hope espol, le Caribou et Ubuntu, pour débattre au sujet des bombes climatiques.
Bien que l’Agence internationale de l’énergie se soit mise d’accord sur le fait qu’il faut interdire les nouveaux projets d’énergies fossiles, TotalEnergies a pour volonté de relier le pétrole en Ouganda, jusqu’à Tanga d’où il pourra être exporté à travers le monde. “C’est un suicide collectif” s’est exclamé Larrouturou. C’est pour dénoncer ce désastre que se sont réunis Soraya Fettih (chargée de campagne pour l’ONG 350.org), Lucie Pinson (fondatrice de l’ONG Reclaim) et le député européen.
Un désastre pour le climat mais pas seulement
Le projet mènerait à trois conséquences soulignées dans une courte vidéo au début de la conférence. Le film porte sur le voyage de Larrouturou en Ouganda, en résumant la situation. On comprend que c’est d’abord une catastrophe pour la biodiversité. L’entreprise souhaite tirer du pétrole de la région du lac Albert, “la perle de l’Afrique”. Un chantier de pétrole n’est effectivement pas l’endroit des plus plaisants pour un troupeau d’éléphants. Un tel projet aura aussi des répercussions importantes sur le climat à l’échelle globale. L’utilisation des énergies fossiles continuera à être encouragée.
Enfin, un dernier aspect lourdement appuyé lors de la conférence, est l’impact qu’a ce projet sur les populations africaines locales. Les habitants d’Ouganda sont expropriés, obligés de céder leurs biens avec en compensation une indemnité ridicule. Parmi les populations locales, majoritairement des agriculteurs, certains se retrouvent sans terre, sans travail et donc dans une précarité préoccupante. Si ce projet est mené à bien, l’exploitation pétrolière polluera l’eau du lac, alors même que des millions de personnes en dépendent.
Une situation inquiétante
Une grande partie de la conférence a été consacrée à la situation climatique à l’échelle globale. Pierre Larrouturou met en évidence une accélération impressionnante du réchauffement climatique : le nombre d’évènements climatiques extrêmes a déjà été, ces trente dernières années, multiplié par 2,5. Ce n’est pas le terme de réchauffement climatique, mais celui de “sida climatique” qui a été utilisé pour relever la gravité de la situation. Il souligne un paradoxe conséquent entre la gravité de la situation et la passivité des Etats.
“Ils auront le choix entre crever sur place ou bouger” – Pierre Larrouturou
En reprenant les mots de l’ONU, il dénonce “un écart catastrophique entre les engagements des Etats et ce qu’il faut faire”. La France n’est pas en reste, ses émissions de CO2 n’ont pas suffisamment diminué et certaines de ses sociétés sont les principaux financeurs de projet tels qu’EACOP. Si rien n’est fait, il faudra s’attendre à voir de 140 millions de réfugiés climatiques d’ici 2050. La seule solution, d’après Larrouturou, c’est de “déclarer la guerre au dérèglement climatique”, le climat doit être une lutte commune qui rassemble plutôt qui divise.
Pourquoi garder espoir ?
Il faut dire que les sujets abordés n’incitaient pas à l’optimisme. La situation est décrite comme désespérante et “la guerre” paraît perdue d’avance. Les intervenants ont pourtant exprimé leur espoir face au futur, tout en exposant les différents moyens de s’engager aujourd’hui. “Ce qui donne espoir c’est les mouvements de jeunes […] on espère qu’ils ne vont pas nous lâcher”. D’après les propos de Larrouturou, la jeunesse consciente de la situation, saura faire bouger les choses.
“Ce sera notre nombre qui fera notre force” – Soraya Fettih
La situation qui semble stagner avance lentement, les associations se font de plus en plus entendre. Si TotalEnergies lutte contre ces mouvements aujourd’hui, cela signifie qu’ils sont néanmoins pris en compte.
Chaque voix compte. “Se mobiliser ce n’est pas qu’avoir des pancartes sur le terrain, c’est aussi partager une story ou tout simplement liker un post”. Leur but est aussi de rendre l’action pour le climat moins impressionnante, de montrer qu’elle ne passe pas que par la désobéissance civile et que tout le monde est capable de s’engager pour cette cause. La conférence avait d’ailleurs pour objectif non dissimulé de mobiliser de nouveaux militants.