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Patricia Arquette, l’invitée d’honneur de Séries Mania

Patricia Arquette, l’invitée d’honneur de Séries Mania

Masterclass Series Mania ©Eléanor Ndiambourila/Pépère News

Pour cette édition 2024, Séries mania a frappé fort en invitant Patricia Arquette, actrice mondialement connue, à venir parler au Nouveau Siècle le 21 mars dernier. Lors de sa Masterclass, l’actrice orientée par les questions du journaliste et documentariste Olivier Joyard est revenue sur les points clés de sa carrière.

Milieu d’après-midi, il est 16h10, et les festivaliers de Séries Mania commencent à se placer dans la grande salle du Nouveau siècle. Les places au pied de la scène sont déjà toutes complètes, il faut monter plus haut vers la Mezzanine pour espérer trouver un siège libre. Après quelques minutes d’attentes, Laurence Herzberg, fait son entrée accompagnée du journaliste Olivier Joyard. En guise d’introduction, la directrice générale du festival rappelle les nombreux prix obtenus par l’actrice : BAFTA, Golden Globes, et un Oscar pour son rôle dans Boyhood. 

Si elle a su au fil des années se construire une réputation, c’est bien parce qu’elle a collaboré avec les plus grands, de Tony Scott à David Lynch en passant par Tim Burton et Martin Scorsese. C’est en ayant connaissance de ces éléments que le public lillois acclame en standing ovation Patricia Arquette lorsqu’elle arrive sur la scène du Nouveau Siècle, le visage éclairé par ses lunettes rose fluo.

Des premières apparitions remarquées dans le milieu du cinéma

C’est dans Les griffes du cauchemar, troisième volet de la franchise Freddy que Patricia Arquette se fait remarquer. Dans ce film d’horreur de la fin des années 80, elle interprète Kristen Parker. Si elle a beaucoup aimé faire ce film, l’actrice confie qu’elle n’a cependant pas souhaité poursuivre l’expérience par peur de rester coincer dans le genre : « Je sentais que je n’allais pas forcément en apprendre beaucoup plus de ce personnage (…) J’avais l’impression que je n’avais pas l’autorisation de grandir.Dans Le cauchemar de Freddy, c’est donc Tuesday Knight qui prendra sa place.

Cette décision n’impactera pas négativement sa carrière. Quelques années plus tard, l’actrice se retrouve en effet à l’affiche de True Romance de Tony Scott, écrit par Tarantino. Lors de ce tournage, Patricia Arquette s’est beaucoup interrogée sur la manière d’incarner son personnage :  » Comment jouer la séduction ? Comment jouer avec son corps ? « . En 1993, lorsque Patricia Arquette joue aux côtés de Christian Slater dans True Romance, on distingue déjà sa pâte singulière : spontanée et naturelle. Lorsqu’elle décrit son jeu, Arquette explique aimer la liberté liée à la part d’improvisation présente dans son éducation: « J’ai un jeu très souple (…) Je déteste me sentir restreinte. »

Pourtant, avant d’obtenir son rôle pour le film de Tony Scott, l’actrice avait dû refuser celui dans Dernière Sortie pour Brooklyn de Uli Edel, la raison étant qu’elle était enceinte à l’époque. Avec une pointe d’optimisme, l’actrice explique que : « Parfois, il faut prendre des décisions difficiles sans savoir ce qu’il va en ressortir. » Ce rôle dans True Romance, « C’est comme si le destin frappait une deuxième fois ma porte » conclut-elle.

« J’ai un coté un peu punk-rock » – Patricia Arquette

Lors de sa Masterclass, Patricia Arquette est aussi revenue sur les difficultés rencontrées lors des auditions, un exercice dont la finalité ne la convainc pas : « Pour moi une audition c’est un travail inachevé, ça fait partie de la phase d’expérimentation. Or de nombreux réalisateurs souhaitent que la performance durant l’audition soit identique à celle que vous aurez au plateau. » Selon elle, l’audition « permet de définir comment on peut travailler ensemble, comment on peut s’entendre. C’est juste le début d’un travail commun. »

« Il y avait un rôle féminin dans un film et le reste, c’était des hommes. »

Comment s’imposer en tant que femme dans les années 90, lorsque la majorité des plateaux étaient masculins ? Quelle est la place du fantasme, ou du stéréotype dans le milieu du cinéma. Tous ces questionnements sur la place de la femme dans le regard de l’homme se retrouvent plus ou moins dans Lost Highway de David Lynch. Sorti en 1997, le film retrace le parcours d’un musicien (Bill Pullman) condamné pour le meurtre de sa femme (Patricia Arquette). À la suite de cet événement, le musicien se transforme en un jeune mécanicien. Dans cette réalité parallèle, sa femme n’est pas morte, au contraire, elle le désire.

À travers Lost Highway, Lynch développe toute une théorie sur le narcissisme d’un personnage en apparence stable qui déteste profondément les femmes selon Arquette. « Pour cet homme les femmes deviendront toujours des monstres » poursuit-elle. Si l’actrice explique que sa compréhension du film a évolué au fil des années, elle tient à préciser que lors du tournage, Lynch lui a laissé une totale liberté quant à l’interprétation de son personnage René : « Je lui demandais : « Est-ce que je joue deux personnages ? Est-ce que je suis un fantôme ? ». Et Lynch me disait : « Qu’est-ce que t’en penses ? «  ». Pour sa construction, Arquette avoue d’ailleurs s’être inspirée de la mannequin américaine Betty Page, glissant avec légèreté une anecdote concernant le réalisateur : « C’était très bizzare parce que j’ai expliqué à David que je voulais que mon personnage ressemble à Betty Page, et il m’a rétorqué : « qui ? ». Et je lui ai répondu : « David Lynch, ne me dis pas que tu ne sais pas qui est Betty Page! »

Boyhood, le tournage d’une vie

Sorti en 2014, Boyhood est un coming of age movie qui entend retracer la jeunesse d’un garçon (Ellar Coltrane) élevé par des parents divorcés (Patricia Arquette et Ethan Hawke) dans les années 2000. L’originalité du projet réside dans la flexibilité du scénario, mais aussi dans l’écriture des personnages s’appuyant parfois sur les expériences de vie des acteurs : « C’était vaguement inspiré de son enfance et de sa mère, mais il y avait aussi un croisement avec ma mère devenant prof, et ma mère reprenant ses études. » nous explique Patricia Arquette.

Pour réaliser ce film d’envergure, le réalisateur Richard Linklater a décidé de filmer ses acteurs sur une période de douze ans. L’actrice, tout comme les autres membres impliqués dans la production de ce film, a évolué au cours des années. « Richard et moi avons tous les deux eut des enfants pendant le tournage. Puis, nous nous sommes séparés tous les deux et nous avons recommencé de nouvelles relations. » nous confie Arquette. Finalement, cette expérience, « c’était un peu comme une colonie de vacances (…) Tous les étés, on se retrouvait pendant une semaine » poursuit-elle. Elle tient aussi à préciser qu’aux États Unis, la loi stipule qu’il est impossible de signer un contrat au-delà de sept ans. L’aboutissement du projet de Boyhood et son succès sont donc largement liés à la confiance et l’entraide de tous les collaborateurs. 

Une actrice engagée

En 2015, pour son rôle dans Boyhood l’actrice a reçu de nombreux prix, dont celui de la meilleure actrice dans un second rôle aux Oscars. Lors de son discours de remerciement, Arquette est revenue sur l’égalité de droit et rémunération entre hommes et femmes à Hollywood et aux États-Unis. « Je n’ai jamais pensé gagner un Oscar donc si je gagnais, je voulais que tout le monde gagne » nous confie-t-elle.

En prononçant ce discours, Patricia Arquette nous révèle avoir pensé à la vie de son personnage dans le film, mais aussi à sa mère, décédée d’un cancer du sein: « Sa vie aurait été totalement différente si elle avait gagné un dollar pour un dollar masculin au lieu de 75 centimes. Peut-être qu’elle aurait pu quitter cet homme qui la maltraitait, ce mariage qui ne lui allait pas (…) peut-être qu’elle n’aurait pas eu à se préoccuper de sa santé, qu’elle se serait mieux occupée d’elle-même. » Cette séquence largement relayée à l’époque s’inscrit dans la lignée de revendications féministes toujours d’actualité. Elle dit l’urgence et la nécessité de réformer le système afin de permettre à chacune d’être rémunéré à sa juste valeur.

Utiliser sa notoriété aux profits d’une cause, c’est aussi ce qu’elle a souhaité faire en 2010, lorsqu’elle a fondé Give Love une organisation engagée dans la fourniture d’informations et de conseils sur les solutions d’assainissement respectueuses de l’environnement. « Nous travaillons au Ouganda, au Kenya, dans différentes écoles, avec les personnes souffrant d’un handicap. Avec beaucoup de groupes scolaires aussi, de façon à ce qu’ils puissent avoir des toilettes, pour que les filles puissent se changer lorsqu’elles ont leurs règles » explique-t-elle à la fin de son intervention.

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