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Split de Iris Brey : “J’avais envie d’une série à la fois sexy et intello, un truc un peu excitant”

Split de Iris Brey : “J’avais envie d’une série à la fois sexy et intello, un truc un peu excitant”

Alma Jodorowsky et Jenny Beth, les deux actrices principales de la série "Split" ©Caroline DUBOIS-FTV

Ce jeudi 23 mars, dans le cadre du festival Séries Mania, le Pépère News a pu assister à la première mondiale de la série Split. Première réalisation de l’autrice et journaliste Iris Brey, Split met en scène le female gaze et interroge notre rapport au désir.

Après Sex and the Series (2018) et le Regard féminin (2020), deux livres questionnant la représentation des femmes dans l’industrie cinématographique, Iris Brey revient, mais cette fois-ci, derrière la caméra. Les trois premiers épisodes diffusés dans le cadre du festival Séries Mania développent les rapports ambigüs qui s’établissent entre deux femmes, l’actrice Jehnny Beth et sa doublure Alma Jodorowsky. Par ce fil narratif, Iris Brey explore le désir féminin et le rapport aux corps, invitant le spectateur, tout comme dans ses essais, à questionner son propre regard.

Le désir féminin : de la théorie à la pratique

Universitaire de formation, Iris Brey a longtemps interrogé le regard du spectateur sur le corps féminin, aboutissant à la théorisation du female gaze. Par ses recherches, Iris Brey a mis en lumière l’hypersexualisation du corps féminin au cinéma, résultat du male gaze, dénonçant une industrie colossale, qui pendant des années, a participé à la construction d’un imaginaire purement patriarcal. “C’était comme si la boucle était bouclée, j’avais l’impression d’avoir travaillé la question jusqu’au bout”, nous confie-t-elle concernant son parcours d’autrice. Si avec Split, elle quitte le chemin de la théorie, c’est une autre porte, celle de la réalisation qu’elle ouvre. Dans sa série, la réalisatrice explore une sexualité féminine plus réaliste, libérant les spectateurs des contraintes imposées par le male gaze.

Je voulais vraiment montrer que le désir pouvait éclore en dehors d’un système de domination et que l’égalité, c’est non seulement réjouissant mais ça peut aussi être érotique. J’avais envie d’un certain naturalisme dans les scènes de sexe et qu’en même temps elles soient extrêmement travaillées. C’était pas tant la nudité qui m’intéressait mais plus l’intimité des peaux qui se rencontrent.” – Iris Brey

Comme l’explique Alma Jodoroswky : “La série propose d’autres imaginaires pour que ces imaginaires se déversent dans le concret.” Elle propose donc une autre alternative, palliant au manque de représentations féminines fidèles à la réalité, présentant un modèle plus atteignable. 

“Split screen” et poésie de l’image

A travers sa série, et comme l’indique le titre, Iris Brey exploite la technique du “split screen”. Née dans les années 1910, et inventé par la cinéaste Lois Weber, le “split screen” est un procédé consistant à séparer l’écran en plusieurs partitions. Si cette technique donne accès à divers points de vue et créé un effet de dédoublement, chez Iris Brey, il peut tout aussi bien indiquer le partage et la réconciliation. Par le “split screen”, Iris Brey oppose les deux actrices principales mais ce n’est qu’ensuite pour mieux les retrouver au sein d’un même plan.

Ces plans divisés racontent aussi le soucis du détail beau, un intérêt que la réalisatrice justifie par son amour de Chantal Akerman. Les éléments ordinaires se multiplient, de la nature, aux mains, en passant par les corps qui s’entremêlent. Pourtant, chez Iris Brey rien n’est tout à fait innocent. En accordant son attention sur l’invisible, le secret, Split sublime la réalité et provoque une émotion esthétique chez son spectateur. “Avec Iris tout avait sens, même le moindre objet de décor et les décisions. Par exemple quand il y avait l’assistante de la costumière qui est enceinte, Iris lui a expliqué pourquoi son personnage était enceinte. Il y avait tout une histoire. Même quand les personnages regardent le films muet de Germaine du Lac, je me rappelle que Iris était allée voir les figurants pour expliquer ce qu’était ce film. Tout d’un coup, ils se tenaient différemment, ils étaient impliqués dans cette fabrication.” nous confie Jehnny Beth. Iris Brey utilise ainsi sa curiosité et sa connaissance du cinéma pour servir son projet, produisant une œuvre minutieuse, inédite en France.

L'équipe de la série "Split" ©JLELONG
L’équipe de la série “Split” © JLELONG

Une série urgente qui parle de maintenant

“On a vraiment travaillé toutes ensembles à essayer de mettre ça en scène, à essayer de réfléchir à un plateau qui ne reproduirait pas certains schémas” affirme Iris Brey lors de l’échange après la séance. Que ce soit dans la composition même des personnages de la série ou dans l’équipe ayant participé à la création de celle-ci, Iris Brey voulait un plateau féminin et féministe. Pour elle, voir autant de femmes intelligentes au travail, c’était une vitalité, une nécessité, une utopie joyeuse”. En réalisant Split, Iris Brey a benéficié d’une liberté longtemps interdite aux femmes du milieu: ” J’ai compris pourquoi les hommes avaient voulu faire du cinéma pendant tant d’années” conclut-elle.

Aujourd’hui et particulièrement en France, la présence encore trop rare de femmes dans le milieu cinématographique tend à invisibiliser le regard d’une partie de la population. S’en suit la création de scénarios basés sur des schémas souvent clichés, auxquels les spectateurs, faute de représentation, finissent par croire. Aussi, en évoquant cette fois-ci une histoire de lesbiennes heureuses” la série ouvre de nouvelles perspectives jusqu’ici peu explorées.

“C’était vraiment important pour moi d’arrêter avec cette histoire de conflit, de rivalité et d’impossibilité et d’essayer de trouver un autre imaginaire ou d’autres possibles.” – Iris Brey

Avec tous ces thèmes abordés, Iris Brey pose les enjeux de toute une société, ceux du féminisme. Parce qu’elle invente des corps, des personnages, une sexualité, un nouveau désir, la réalisatrice sort d’un imaginaire qui était celui du male gaze. La série questionne l’érotisation des corps et ouvre un débat d’actualité, entamant une véritable révolution du désir. Mais comme le conclut Iris Brey : “Je ne pense pas qu’on fasse une révolution seule.” Le female gaze est un regard inclusif, mais pour l’atteindre un effort collectif est nécessaire. Il concerne autant les femmes que les hommes.

Une série bientôt disponible sur  france·tv slash.

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