Violette Spillebout : la députée-candidate de Lille garantit que « rien n’est joué » pour 2026
Après avoir recueilli 20 % des suffrages aux élections municipales de 2020, Violette Spillebout ne rêve que de prendre sa revanche. Alors que Martine Aubry, maire de Lille depuis 2001, a décidé de ne pas se représenter pour les municipales de 2026, la macroniste y voit l’occasion de créer la surprise en reprenant à la gauche cette mairie qu’elle dirige presque sans discontinuer depuis 1920.
Contrairement à son camarade du Nord Gérald Darmanin, qui laisse planer le doute sur sa candidature aux présidentielles de 2027, l’ancienne porte-parole de Renaissance à l’Assemblée nationale garde dans le viseur la conquête du beffroi. Se disant victime « d’harcèlement sexuel » par un journaliste de MédiaCités, elle décide de porter plainte. La cour ne rend aucune condamnation en appel, si ce n’est le remboursement des frais de justice (3 784,50 €) du média. Décidée à ne pas baisser les bras, elle repart en campagne pour la maire de Lille en 2026. Bien qu’elle ne soit pas favorite dans cette ville de gauche, elle n’en reste pas moins députée depuis 2022. En septembre dernier, elle a manqué de peu de franchir les portes du ministère de l’Éducation nationale, après un retournement de situation de dernière minute de Michel Barnier.
Pépère News : Depuis 2022, vous êtes députée du Nord, pourtant vous avez annoncé votre candidature à Lille pour les élections municipales de 2026. Pourquoi ne pas laisser votre place à quelqu’un d’autre et continuer votre mandat national ?
Violette Spillebout : Le sujet pour moi n’est pas de laisser ou de prendre la place, mais de s’engager politiquement sur un territoire. Le fait de vouloir porter un projet et d’être député de Lille permet le rayonnement national de la ville, de porter les dossiers lillois à l’Assemblée et aux ministères, d’obtenir des financements ou des appels à projets. Je me donne aussi plus de chance d’être la future maire de Lille.
PPR : Nicolas Sarkozy disait en 2007 que « pour être président de la République, il faut être calme ». Or, vous avez dit en septembre 2024 qu’il y a « beaucoup de gens que je dérange ». Comment concilier ces 2 caractères à la mairie de Lille ?
V.S : Oui, il faut rester calme et savoir prendre du recul face au monde politique qui bouscule. L’hypermédiatisation des décisions politiques, des réseaux sociaux, de la désinformation, des ingérences étrangères, etc., font que le monde politique est dépendant de cette sur-information et de sa rapidité. Je pense que pour diriger une ville, il faut prendre les bonnes décisions, être calme, mais aussi réactif en s’entourant de bons conseillers qui connaissent la ville et qui prennent des décisions au bon moment.
PPR : Selon vous, des personnalités du Nord auraient joué un rôle dans votre non-nomination au ministère de l’Éducation nationale. Celles-ci peuvent-elles avoir une influence sur les élections de 2026 ?
V.S : Dans mon livre « L’autre mur », je reviens sur ces vents contraires. Beaucoup d’élus n’ont pas envie que ça change, qu’ils soient de droite ou de gauche, que de nouvelles personnalités politiques avec des méthodes différentes émergent. Quand on s’oppose à un système bien en place, on peut être la cible de calomnies, de rumeurs, de déclarations agressives. Ce qui s’est passé en 2020 me renforce, j’ai une équipe bien engagée et je me bats pour les valeurs de la République.
PPR : La dette lilloise est d’environ 340 millions. Dans votre programme de 2020, vous ne souhaitiez pas augmenter les impôts. Votre position reste-elle la même ? Comptez-vous réduire le budget de certains secteurs ?
V.S : C’est important de ne pas augmenter les impôts des Lillois. Les propriétaires ont vu leur taxe foncière augmenter avec l’inflation. Puisque ces derniers entretiennent leur bien, il faut faire attention à eux, ils contribuent à la vie lilloise. Or, ils n’ont pas l’impression d’avoir un service suffisant en retour, comme la propreté ou la sécurité de la ville. Des combats sont à mener pour obtenir des financements concernant de grands projets d’infrastructures. C’est un rapport de force entre l’État et les collectivités territoriales. Aujourd’hui, Martine Aubry et sa majorité ont de mauvaises relations avec l’État. Ils critiquent en permanence le gouvernement, quel qu’il soit. Les Français et les Lillois ont besoin d’une relation apaisée pour progresser ensemble. Est-il nécessaire d’avoir une opposition systématique et politique pour la construction d’équipements sportifs ou culturels ? Je n’en suis pas sûre.
PPR : Justement, de nombreuses collectivités locales reprochent depuis plusieurs années une réduction des dotations de l’État. N’est-ce pas un frein à la réduction de la dette ?
V.S : Je pense qu’il y a une lutte des chiffres entre l’État, qui justifie ses réductions par des compensations, et les collectivités, qui accusent une hausse de leurs dépenses par l’augmentation du salaire des fonctionnaires, laquelle est une bonne chose pour ces personnes. Je crois qu’il faut faire la différence entre les collectivités vertueuses, celles riches avec beaucoup de cotisants, et d’autres qui font moins d’effort. Les mairies ont besoin d’argent, elles ont un service de proximité qui nécessite un budget. La majorité actuelle de Lille n’effectue pas pleinement son travail en faveur des subventions pour de grands équipements ou pour de grandes associations. La gestion de l’argent public est aussi une nécessité, je pense en particulier à “Lille 3.000”, pour lequel cinq millions d’euros de trésorerie devraient pouvoir être remis dans le pot commun des dépenses de la ville. Cela fait partie des dérives de certaines politiques publiques sur lesquelles on pourrait faire des économies.
PPR : La Métropole Européenne de Lille (MEL) a annoncé prolonger l’usage de certaines rames de métro et une hausse du prix du ticket de métro. Si vous êtes élue en 2026, allez-vous soutenir la politique de Kéolis ou soutenir les usagers ?
V.S : Il faut un dédommagement en cas de défaut de service, comme avec la garantie de ponctualité de la SCNF. Cela doit être une négociation commerciale plus ferme dans les contrats entre Ilévia (compagnie du métro lillois) et la MEL. À l’époque de la vice-présidence et de la présidence de la MEL de Martine Aubry, il y a eu un manque d’anticipation dans la rénovation des infrastructures. Alstom (entreprise de transport férovière) a aussi pris du retard avec des prises de décisions tardives. Dans les 15 dernières années, il y a eu un manque de vision commune et collective à la MEL. C’est quelque chose que je veux porter pour l’avenir de notre métropole, qui devra être décarbonée avec beaucoup plus de transports en communs.
PPR : Le chômage touche environ 7% des Lillois, et de nombreux étudiants sont précaires. Quels sont vos moyens contre cela ?
V.S : Nous avons un terreau entrepreneurial et artisanal riche, dont les membres ont une fibre humaine et sociale dans la tradition des entrepreneurs du Nord. Les artisans sont dans chaque quartier, ont des besoins et sont accompagnés d’une french tech dynamique dans les innovations. Toutefois, il existe une fracture avec les pouvoirs publics. Certains se plaignent de ne pas être reconnue par l’équipe de M.Aubry pour leur travail. Il y a un manque de proximité entre la mairie et l’activité privée de la ville. Si on arrivait à faire un club d’entreprises lilloises, comme à Tourcoing, on pourrait travailler sur l’insertion de nos jeunes, avec des forums de jobs d’été, de formations particulières ou de parrainages. Il y a une envie chez les entrepreneurs de faire transmettre leur savoir. À une époque, le premier adjoint de M.Aubry était dynamique sur ces sujets-là, avec la création d’un circuit-court pour mettre en relation les jeunes à la recherche d’un stage et les entreprises. Cette dynamique a disparu, il faut recréer ce lien.
PPR : Pensez-vous que l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai doit augmenter ses financements, même si la Flandres est réticente à s’engager davantage ? Alors, quelle place Lille doit prendre dans celle-ci ?
V.S : C’est le rôle du maire de Lille et du président de la MEL de recréer une dynamique euro-métropolitaine. Aujourd’hui, les coopérations sur l’emploi, la culture, la sécurité ou les échanges sont à l’arrêt. À l’époque de “Lille 2004” (En 2004 Lille est désignée capitale européenne de la culture), la dynamique culturelle allait jusqu’à Kortrijk et Tournai, mais ceci s’est essoufflé. Je pense que c’est une relation à recréer aussi sur la recherche et la coopération douanière, permis par la proximité géographique, le travail en commun des polices municipales et de nos talents universitaires, tout en recherchant des opportunités de financements européens.
PPR : Selon l’Agence de développement et d’urbanisme de Lille, en 2022, il y a eu 60.000 demandes de logements sociaux pour 10.000 attributions. Avec 3.000 SDF à Lille, la priorité n’est-elle pas le social et non l’armement de la police municipale comme vous le demandez ?
V.S : Les deux sont prioritaires, l’armement de la police municipale est un sujet de protection des agents et de lutte contre le terrorisme. Le fait que nos agents municipaux aillent dans des quartiers, devant une école ou se tiennent devant des synagogues, sont des raisons pour leur sécurité. Ce n’est pas l’envie d’avoir des ‘’cow-boys’’, comme le caricature M.Aubry, mais de les former aux dangers de notre temps. Ils ont besoin de se sentir protégés pour faire ce métier. Sur le social, notre métropole a un retard dans la construction de logements. Cela a été dynamique dans les années 2005-2015 avec le plan ANRU pour la rénovation des quartiers. Contrairement à Arras, Lille a trop vite démoli sans rapidement reconstruire, créant un décalage. Le préfet du Nord a écrit il y a un an aux élus métropolitains pour leur demander de stopper les programmes de démolitions tant que les nouveaux logements n’étaient pas construits. De nombreux logements vacants peuvent également être transformés en logements sociaux ou en auberges d’urgences. Les villes, dont Lille, doivent aussi travailler pour réguler les logements de tourismes.
PPR : Le nom de votre principal adversaire reste encore flou. Voyez-vous l’écologiste Stéphane Baly candidat pour la gauche ? Allez-vous mener des alliances avec divers partis ?
V.S : Je fais tout pour que la successeure à Martine Aubry soit moi, sans pour autant jeter tous les efforts mis en place, mais les améliorer. Tout n’a pas été bien fait, la place Louise-de-Bettignies aurait pu être refaite avec plus d’espaces verts et les parkings relais pouvaient être développés pour désengorger la ville. Il n’y a pas de succession annoncée et organisée, rien n’est joué pour cette élection. En 2020, j’ai proposé une alliance après le premier tour à “Lille Verte”, ce qui aurait causé une alternance. Or, les Verts comme les socialistes sont sous la coupe de La France Insoumise (LFI) à Lille, dans un Nouveau Front Populaire clairement dominée par les élus de LFI. Les socialistes et les Verts ne sont pas ceux qui peuvent créer une alternance raisonnable. Je combats le Rassemblement National, qui n’est pas un danger pour l’instant à Lille, ainsi que LFI sur le plan des valeurs, du rapport à la République et sur le modèle social et économique. Des soutiens de droites, apolitiques ou des socialistes déçus de cette soumission à LFI viennent à moi. Je pense que le sujet est de savoir qui peut rendre Lille propre et sûre.
PPR : David Guiraud a annoncé être candidat à Roubaix en 2026. Comment voyez-vous vos rapports avec M.Guiraud si vous êtes tous les deux élus ?
V.S : La façon de gérer une ville entre un maire LFI et un maire du bloc central ne peut être similaire. On le voit à Faches-Thumesnil, avec l’augmentation des impôts, la taxation des propriétaires et la fuite des investisseurs, ce qui est le programme de la gauche et de l’extrême-gauche. On se retrouve ensuite avec des villes composées quasiment que de logements sociaux, d’espaces publics dégradés et qui présentent une insécurité. Je ne veux pas de ça pour ma ville, ce serait un drame pour l’image de Roubaix que M.Guiraud soit élu. C’est un homme que je combats idéologiquement et en justice, après un signalement pour incitation à la haine et à l’antisémitisme. Toutefois, s’il est élu, je respecterai sa place et devrai discuter avec lui à la MEL. Je ne pense pas qu’on doit avoir des débats dans l’agression, par ailleurs, LFI travaille son image, tel M.Guiraud qui essaie d’être moins agressif.