Aftersun, une mosaïque de souvenirs
Aftersun, le premier long-métrage de Charlotte Wells est sorti en salle en France le 1er février. Après avoir été récompensé au Festival de Cannes et du cinéma américain de Deauville, mais aussi par de nombreux prix du monde du cinéma indépendant, la jeune réalisatrice écossaise conquiert l’Hexagone avec ce film mélangeant autobiographie et fiction.
À travers les yeux de la petite Sophie (Frankie Corio) et de sa caméra, le spectateur découvre la relation singulière entre un jeune père (Paul Mescal) et sa fille lors d’un voyage en Turquie. Le film, doux et mélancolique, d’une femme qui essaie de comprendre ces évènements vingt ans plus tard.
De douces images de vacances
Les souvenirs d’été : l’infini du bleu de la mer, les chansons des années 1990, un père qui applique de l’après-soleil sur le visage de sa fille, les premiers baisers… Aftersun est un film qui remémore à chacun la nostalgie des vacances, quand on a onze ans. On retourne à l’école dans une semaine mais peu importe, car à l’instant présent, on plonge à travers les vagues et le soleil du mois d’août.
Charlotte Wells dépeint merveilleusement bien ces images de vacances sans soucis, imprimées dans nos mémoires, grâce à sa cinématographie mêlée à des images « d’archives » de la caméra de Sophie. Une esthétique qui est justement vue à travers les yeux d’une enfant, mais aussi voilée par la nostalgie qui s’opère plus tard. Tout était plus beau, plus grand, plus coloré lorsque l’on avait onze ans.
Chaque scène est un tableau millimétré où pourtant, les acteurs semblent évoluer en totale improvisation. Paul Mescal et Frankie Corio n’ont pas besoin de répliques pour que leur alchimie et leur complicité crèvent l’écran. Un duo qui nous rappelle Somewhere (2010) de Sofia Coppola, où là aussi, un père et sa fille tentaient de se comprendre sous un soleil d’été.
Aftersun est un film modeste, qui n’est que la capsule d’un moment précis de la vie de cette petite fille, sans grand drame ni événement bouleversant. Un simple voyage, qui pourtant, laisse un goût amer.
Recoller les morceaux
Le spectateur rencontre Sophie alors qu’elle filme son père sur le balcon de leur chambre d’hôtel : « Quand tu avais onze ans, qu’est-ce que tu pensais que tu ferais maintenant ? », lui demande-t-elle, une question qui semble le troubler. Lorsque le film se termine, on ne peut qu’imaginer le regret d’une jeune femme, elle même devenue mère, qui y repense vingt ans plus tard et comprend la dureté de certaines de ses paroles.
Elle a maintenant trente ans elle aussi, et tente de se remémorer celle qu’elle était à onze ans, et surtout, à quoi pensait son père ? Elle essaie de remplir les parts d’ombre d’un homme, sûrement devenu père trop jeune. Elle l’imagine danser, pleurer, s’enfuir dans les vagues, à chaque moment où ils ont pu être séparés durant ce voyage. Le personnage du père est tout autant mystérieux pour le spectateur que pour Sophie. Il souhaite lui offrir la lune pour lui montrer qu’il l’aime, mais des circonstances qui sont encore trop floues pour sa fille, l’en empêche.
Ce film est une réflexion importante sur les relations père-fille, soulignée par le fait que Sophie est enfant unique. La relation particulière entre un parent et son seul enfant est retransmise à la perfection. L’intimité, les silences, les blagues mais aussi les colères et les incompréhensions dans ces familles décomposées.
« Un souvenir d’intimité, vu à distance. Hasret. », confie la réalisatrice dans une note adressée aux spectateurs. Il est clair que le film est un récit autobiographique, ce qui le rend d’autant plus touchant. Parfois les moments les plus intimes font les histoires les plus universelles.
« Ce film est indéniablement de la fiction, mais il contient une vérité qui est la mienne; un amour qui est le mien » – Charlotte Wells
Un film à soutenir et découvrir en salle, si vous aimez l’été, la nostalgie, les performances touchantes et sortir votre boîte de mouchoirs.