Manifestation à Lille : “On a voté et rien n’a changé”
Ce samedi 7 septembre, les électeurs de gauche se sont déplacés massivement dans les rues de Lille pour manifester leur désaccord quant à l’arrivée de Michel Barnier à Matignon.
Le 9 juin dernier, le président de la République Emmanuel Macron annonce la dissolution de l’Assemblée nationale, après la large défaite de son camp aux élections européennes. À l’issue des élections législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet, le Nouveau Front Populaire (coalition d’une large partie de la gauche) arrive en tête avec 182 sièges, devant Ensemble et le Rassemblement National. Durant 57 jours, le chef de l’État n’avance aucun nom pour Matignon, tandis que le NFP revendique le choix de Lucie Castets.
Finalement, jeudi 5 septembre, Michel Barnier est nommé à la tête du gouvernement et prend la place de Gabriel Attal. Cette décision fait l’effet d’une bombe au sein des électeurs du NFP, qui dénoncent un “déni démocratique“. Peu de temps après cette annonce, soutenue par une dizaine de groupes politiques et syndicaux, La France Insoumise appelle le peuple à sortir dans les rues pour manifester contre la décision du président.
“Il reste un moyen civil de manifester notre désaccord”
À Lille, le rendez-vous a été donné à 18h30 et environ 4 000 personnes ont répondu présent. Après la déception, les citoyens se mobilisent. “[Il faut] rappeler que le NFP est arrivé en tête” explique une militante du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA). “On ne se sent pas du tout écouté par le gouvernement” se plaint un couple de manifestants, “Il reste un moyen civil de manifester notre désaccord, cette fois populaire puisque le moyen démocratique n’est pas respecté” ajoutent-ils.
La confiance envers la démocratie semble s’affaiblir dans l’esprit des Français. “En fragilisant les institutions aujourd’hui, on les fragilise d’autant plus pour demain. Si jamais le RN arrive au pouvoir en 2027 qu’est ce qui va se passer ? Eux pourront bafouer aussi les institutions.” s’inquiète un protestataire. Si les électeurs ne croient plus vraiment au pouvoir de leur vote, certains gardent quand même espoir. “J’espère que mon vote continuera à compter, mais au vu des dernières élections, je suis vraiment déçue.” constate une électrice.
Les critiques envers le président de la République fusent. “Macron dégage, on va faire le ménage !” scande le cortège pendant la marche. “[Emmanuel] Macron est un des pires présidents qu’on a jamais eu” déclare un militant de La France Insoumise. Le nouveau Premier ministre n’échappe pas non plus aux réprobations. Dans la foule, une femme lève une pancarte où est inscrit “Les Gens d’en Bas“. Cette expression fait référence au discours de passation de Michel Barnier dans lequel il parle “de progrès, petits ou grands, qui ont été accomplis grâce à des idées […] apportées par les gens d’en bas“. C’est “l’insulte” affirme-t-elle.
“Ici à Lille et dans notre pays, on a un peuple qui reste mobilisé” Ugo Bernalicis
Si le peuple est venu en nombre pour participer à cette mobilisation, les représentants politiques se sont aussi rendus dans la rue. Parmi eux : Marine Tondelier, Aurélien Le Coq, David Guiraud et Ugo Bernalicis, qui a répondu à nos questions. Le député de la deuxième circonscription du Nord s’interroge sur la suite des événements politiques. “Il semblerait que Gérald Darmanin reste ministre de l’Intérieur et que [Eric] Dupond-Moretti reste ministre de la Justice, que Stéphane Séjourné reste aussi au gouvernement. On a voté et rien n’a changé” conclut-t-il. Ugo Bernalicis reste néanmoins satisfait de la mobilisation de ce samedi et est optimiste pour les semaines à venir. “Je suis le premier surpris du nombre de personnes. Le bilan à Lille et dans le pays est très positif et il annonce d’autres mobilisations pour la suite. Ici à Lille et dans notre pays, on a un peuple qui reste mobilisé et on peut s’en satisfaire.” ajoute-t-il en rappelant qu’une prochaine manifestation est “annoncée pour le 1er octobre de la part de la CGT“.
Pourquoi Michel Barnier à Matignon ?
Dans le camp macroniste, Michel Barnier fait consensus pour deux raisons principales. Selon Nathalie Segaunes, journaliste politique au Monde “[le nouveau Premier ministre] présente l’avantage, pour Emmanuel Macron, d’entretenir des relations plus apaisées avec le président de LR, Laurent Wauquiez, que Xavier Bertrand. Et de ne pas avoir d’ambition présidentielle“. Le chef de l’État prépare déjà sa succession. Dans une interview pour Le Point, Édouard Phillipe confirme qu’il sera candidat aux prochaines élections présidentielles. Le rôle du nouveau Premier ministre étant particulièrement sensible et sujet à la censure, Emmanuel Macron n’a pas pris le risque de nommer une personnalité de son propre camp.
Si Michel Barnier annonce vouloir composer un gouvernement “le plus large possible“, la gauche ne semble ni invitée ni prête à s’engager. La révélation, en juillet dernier par Libération, des dîner entre le RN et l’Élysée avait déjà laissé un goût amer chez les socio-démocrates. Aujourd’hui, certains membres du Parti Socialiste présentent leurs inquiétudes quant à la composition du prochain gouvernement. Olivier Faure, Premier secrétaire du PS, “exclut […] toute participation à l’exécutif” selon Le Monde. Carole Delga (Occitanie) assure sur France 2 qu’elle ne “participerait pas à un gouvernement qui ne respecte pas le vote des Français“.