Salto, entre pirouettes et baisser de rideau
Salto, la plateforme de streaming qui voulait s’ériger en véritable “Netflix français”, va fermer ses portes. La décision a été prise le 15 février dernier, au cours d’une assemblée générale, après deux jours pendant lesquels il était impossible de s’abonner à la plateforme. Aussitôt acté, aussitôt annoncé, le communiqué de presse a paru le même jour, mettant fin à un service qui avait pourtant de grands espoirs.
Cette annonce intervient dans un contexte particulier, après l’échec d’une fusion potentielle entre les chaînes M6 et TF1, en septembre dernier. Dans le communiqué, les groupes détenteurs de la plateforme expliquent qu’à la suite de cet évènement, “les actionnaires de SALTO ont jugé que les conditions n’étaient pas réunies pour sa poursuite.” Ce ne sont cependant pas là les seuls déboires de ce service qui a connu des derniers mois difficiles.
Un projet ambitieux
La décision paraît publiquement le 15 juin 2018 : les groupes TF1, M6 et France Télévisions annoncent la création d’une plateforme commune de vidéos à la demande. Son nom est Salto et la communication autour de sa sortie va jusqu’à dire qu’il s’agit d’une offre concurrente à d’autres services comme Netflix, Canal + ou encore Prime Video.
Avant que le projet ne puisse voir le jour, il doit être validé par l’autorité de la concurrence. C’est une entité administrative chargée de lutter contre les pratiques anticoncurrentielles, qui doit, dans ce cas présent, s’assurer qu’aucun abus de position dominante ne puisse avoir lieu de la part des trois groupes audiovisuels à l’origine de cette plateforme. L’accord est obtenu en août 2019. Cependant qu’il s’agisse de TF1, de M6 ou de France Télévisions, aucun média ne peut se permettre de faire la publicité gratuite de Salto.
Le service de streaming sera en revanche plus long à démarrer. Initialement prévu au début de l’année 2020, la pandémie de COVID19 ralentit les plans. C’est finalement le 15 octobre 2020 que la plateforme est pour la première fois présentée dans les médias, avec son catalogue et ses différents tarifs, avant d’être définitivement lancée cinq jours plus tard.
Salto, entre désillusion et rude concurrence
Le projet était ambitieux, M6, TF1 et France Télévisions l’avaient d’ailleurs jugé indispensable au point de déclarer que sans lui, ils n’auraient “plus que leurs yeux pour pleurer face à Netflix, Amazon et consorts“. Ils rencontrent en revanche plusieurs difficultés assez rapidement. En janvier 2022, alors que la présidente de France Télévisions annonce les chiffres du nombre d’abonnement, ceux-ci s’élèvent à 700.000, ce qui est bien en deçà des prévisions.
Le constat est sans appel, Salto a du mal à trouver son public. La plateforme est malmenée par la concurrence américaine, mais aussi par la concurrence française. En effet, les trois groupes audiovisuels possèdent leurs propres sites en ligne, qui permettent d’accéder à certaines fonctionnalités ou séries supposées exclusives à leur application commune. Cependant, M6 et TF1 ont lancé, la même année, leurs services de streaming individuels sur abonnement payant, moins chers, ce qui diminue encore davantage l’attractivité de Salto.
Fin 2022, le nombre d’abonnés ne semble pas augmenter assez pour maintenir l’intérêt des actionnaires. Les pertes se chiffrent à 200 millions d’euros. Le dernier coup est porté par M6 et TF1 eux-même. La Lettre A, un quotidien d’enquête et de politique, révèle que les deux chaînes de télévision privées veulent vendre leurs parts, soit un tiers de la plateforme. Bien que l’espoir d’un rachat de Salto par le groupe Canal + ait existé, la décision de dissoudre la plateforme est entérinée le 15 février 2023, après une dernière assemblée générale.
Fin du spectacle
La date qui marquera la fermeture du service de streaming a été communiquée et il s’agit du 27 mars prochain. La question des abonnements a soulevé beaucoup d’inquiétudes et Salto a tenu également à rassurer ses clients pour le mois à venir : les inscrits seront remboursés au prorata du nombre de jours restants sur le mois ou l’année en cours. L’échec d’un tel projet pose la question de la capacité du streaming français à se mobiliser contre les géants américains. Dans la publication du communiqué de presse, les groupes M6, TF1 et France Télévisions en viennent à regretter “cette issue malheureuse pour l’audiovisuel français.”
https://www.facebook.com/watch/?v=1385105618971503