Dahomey ou le pouvoir décolonial du cinéma
Mati Diop, qui remportait déjà le Grand Prix du festival de Cannes en 2019, revient avec Dahomey, un film documentaire sur la restitution du trésor de Béhanzin au Bénin. La réalisatrice franco–sénégalaise a obtenu l’Ours du meilleur film lors de la Berlinale 2024 pour son nouveau long–métrage sorti en salle le 11 septembre.
La cinéaste est présente lors du transfert des œuvres le 9 novembre 2021. Dans ce documentaire de plus d’une heure, elle met en image les précautions prises pour transporter ces 26 œuvres, issues de l’ancien royaume africain du Dahomey, jusqu’à Cotonou, au Bénin. Ces objets constituent le trésor de Béhanzin, patrimoine arraché aux Béninois à la fin du XIXe siècle par la France. Le retour de ces œuvres marque un moment historique pour tout le pays, mais surtout pour la jeunesse béninoise qui voit cet événement comme le début d’une réappropriation de leur identité.
Donner la parole à la jeunesse béninoise
La première partie du film retrace le transfert des œuvres de la France jusqu’au Bénin. La réalisatrice assiste à tout le processus de mise en caisse des œuvres. Les images filmées sont de simples inserts, esthétiquement parfaits, qui témoignent de la complexité de ce transport. Bien qu’un peu longues, ces 30 premières minutes sont nécessaires et mettent en lumière un travail peu illustré dans le cinéma.
Un second temps est consacré à un débat entre des étudiants. Réunis dans l’université d’Abomey-Calavi, une cinquantaine de jeunes lèvent le tabou du néo-colonialisme. Avec Dahomey, Mati Diop met en exergue les revendications d’une jeunesse africaine qui souhaite se réapproprier son histoire. Cet aspect du film, presque politique, est le plus apprécié par la critique puisqu’il met en valeur des questions sociétales encore trop peu évoquées aujourd’hui en Europe.
“Rendre une voix à ces œuvres”
Voilà comment Mati Diop explique son choix surprenant et engageant de faire parler les œuvres du trésor. C’est avec une voix grave, presque artificielle, que la parole est donnée à la statue du roi Ghézo. Ce texte poétique, écrit en fon, un dialecte béninois, est appréciable pour son originalité. Une prise de parole indispensable, qui structure et donne tout son intérêt à la première partie. La cinéaste de 42 ans mêle ainsi fiction et documentaire. Ce choix, salué par la critique, met en valeur l’aspect cultuel des œuvres béninoises. Un aspect bien trop souvent oublié lorsqu’elles étaient exposées en France.
Aujourd’hui encore, plus de 90 % des biens africains sont en dehors du continent. Avec Dahomey, Mati Diop souhaite ouvrir les consciences sur ce sujet, et invite même ministre de la Culture, Rachida Dati, à aller visionner son documentaire.