La statue Faidherbe, glorification du colonialisme ?
Le 21 décembre, la ville de Lille a installé une plaque au pied de la statue Faidherbe, place Richebé. La raison ? La recontextualisation par la mairie de la présence de la statue, sous les projecteurs pour les actes coloniaux du général Louis Faidherbe. Mais pour certains, comme le collectif “Faidherbe doit tomber ! » c’est insuffisant.
La statue Faidherbe, on est tous déjà passés devant au moins une fois. Située place Richebé, on finit par ne plus y prêter attention. Mais connaît-on vraiment son histoire ? Aujourd’hui, c’est son passé qui la rattrape.
Cette statue tient son nom de Louis Faidherbe, homme politique et général ayant défendu la région de l’invasion prussienne en 1870, sans empêcher la rapide capitulation de la France. Inaugurée en 1896, elle rend honneur à l’exploit militaire du général lillois. Si la statue fait débat, ce n’est pas pour sa victoire, la raison est toute autre. Au-delà d’être commandant militaire, la carrière de Louis Faidherbe est essentiellement coloniale. Gouverneur du Sénégal ayant participé à sa colonisation au XIXe siècle, il est l’instigateur de pillages, massacres et exploitations d’humains dans la région africaine.
Une partie de l’histoire qui ne passe pas pour certains. Dès 2017, l’action “Faidherbe doit tomber ! » se met en place. À son origine, plusieurs associations : Survie Nord, Collectif Afrique, FUIQP59 (Front uni des immigrations et des quartiers populaires) mais aussi Atelier d’histoire critique, dont Nicolas Dupretz est membre fondateur. “Le collectif est né au moment de la première vague internationale de contestation de symboles coloniaux dans l’espace public“ explique-t-il.
Un besoin de mémoire
En 2018, ce collectif associatif écrit à la maire de Lille, Martine Aubry, et appelle au retrait de la statue : “Ce qu’on reproche, c’est la célébration du colonialisme dans l’espace public. La célébration d’un criminel qui a théorisé le racisme anti-noir dans ses écrits ».
En réponse aux contestations grandissantes, la mairie installe le 21 décembre dernier une plaque explicative re-contextualisant les faits. Un acte insuffisant pour les associations : “On reproche surtout le fait qu’il soit héroïsé. Pour nous, ça n’est pas avec une plaque qu’on enterre ça. » Si la mairie désapprouve aussi les actions coloniales du général Faidherbe, elle n’envisage pas de déboulonner la statue. “Pour nous, c’est insuffisant. Cette plaque, c’est la preuve qu’il y a un malaise avec Faidherbe, y compris par l’équipe municipale. » dénonce le fondateur d’Atelier d’histoire critique.
Si l’on se rapproche de la statue, plutôt discrète à première vue, elle contextualise historiquement et rappelle que la mairie n’approuve pas les actes du général. Pour assurer ce travail de mémoire, un QR Code renvoie à des explications plus approfondies. Un travail en collaboration avec des associations historiques lilloises, des universitaires et historiens français comme sénégalais.
Que faire de la statue ?
Si le collectif associatif veut l’enlever de l’espace public, il n’a pas pour autant décidé du sort de la statue. “En tant que collectif, on n’a pas de réponse tranchée. Ce qu’on veut, c’est le faire descendre de son piédestal d’une manière ou d’une autre. Dans un musée, en détournant la statue, en la végétalisant. » explique Nicolas Dupretz. L’association aimerait l’instauration d’un débat public sur la question, parrainé par la mairie. En attendant, elle continue d’éduquer les lillois en ligne: “L’ignorance entraîne l’indifférence. On met à disposition un travail d’archives et de recherches pour que les citoyens lillois s’en emparent. »
Et si les avis divergent sur la statue, sur ce point, les deux partis se rejoignent : ouvrir le débat et alimenter le travail de mémoire pour combattre l’ignorance.
Site internet de l’action “Faidherbe doit tomber ! »: https://faidherbedoittomber.org/