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Ce qu’il faut retenir du passage au Sénat de la loi Sécurité Globale

Ce qu’il faut retenir du passage au Sénat de la loi Sécurité Globale

Biget Eliott manifestation loi sécurité globale

Le 24 novembre 2020, les députés ont adopté avec une écrasante majorité la proposition de loi Sécurité Globale. Cependant, tout n’est pas encore joué. À la mi-mars, le Sénat a entamé l’examen du texte de loi, qui s’est conclu par quelques modifications, dont celle du controversé article 24. Les espoirs de réécriture améliorée de la loi et respectueuse des droits fondamentaux se sont pourtant vite effondrés.

Les opposants à la loi Sécurité Globale n’ont jamais cessé de dénoncer le recul de la liberté d’expression et d’informer qu’induirait ce texte s’il entrait en vigueur, et ce, depuis le 20 octobre 2020. Date à laquelle la proposition de loi a été déposée à l’Assemblée nationale par ses fervents défenseurs et initiateurs : les députés de La République En Marche Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergne. Le 16 mars dernier, les manifestations ont repris de plus belle devant le palais du Luxembourg et dans plusieurs villes de France tandis que le Sénat, à majorité républicaine, entamait son examen.

Un texte qui vient raviver des tensions d’ordre structurelles

Selon le député du Nord Adrien Quatennens (LFI), cette loi qu’il qualifie de “liberticide” sert surtout à “mater une forme de contestation sociale“, à faire taire les voix dissidentes. Ce dernier nous explique que “l’onde de choc de ces conséquences économiques et sociales risque de durer plus longtemps que l’épidémie elle-même“. Cependant, le terme “liberticide” suppose qu’il y ait aussi des bénéficiaires de l’autre côté. En effet, pour l’opinion publique, le sentiment d’une plus grande protection du policier au dépend des citoyens se fait ressentir. Avant même que la loi Sécurité Globale et ses écueils ne soulèvent la France, la protection fonctionnelle – prise en charge financière (issue de l’argent public) de la défense juridique par l’administration – accordée quasi systématiquement, semble déjà pourvoir les policiers d’une immunité collective. Bien que l’avocat Pierrick Gardien nous précise que c’est “un droit à la défense et non une prise de position de l’administration“, certaines bavures filmées laissent pourtant paraître très clairement les intentions funestes de certains agents de police, à l’instar de l’agression de Michel Zecler.

“Un jugement de la police par la police, un entre-soi” Pierrick Gardien, avocat à Lyon

Ce sentiment de protection à outrance de la police s’explique également par le fonctionnement interne de l’instance chargée de veiller au respect des lois et du code de déontologie de la police nationale, l’Inspection Générale de la Police Nationale (IGPN). Pour l’avocat Pierrick Gardien, c’est “un jugement de la police par la police, un entre-soi“, du fait que l’instance soit un organe tributaire de l’Etat.

“Loi pour un nouveau pacte de sécurité respectueux des libertés”

Effet d’annonce ou pas, voici le nouveau titre de la loi décidé par les sénateurs. Si sa mise en forme varie, son contenu, lui, semble quelque peu inchangé.

L’ajout de l’article 24 au texte de loi par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin donnait lieu à une modification de la loi phare de 1881 sur la liberté de la presse, qui permettait de sanctionner la diffusion d’images des forces de l’ordre dont le but était de porter atteinte à “son intégrité physique ou psychique“. Maître Gardien qualifie cet article d’un “flou juridique” : du fait que les intentions d’une personne peuvent être soumises à diverses interprétations, un jugement objectif laisse alors à désirer. Néanmoins, dans sa nouvelle version, le Sénat décide de ne plus inscrire l’article dans la loi de 1881 mais de créer un nouveau délit de “provocation à l’identification” dans le code pénal et selon les mêmes motifs (porter atteinte à l’intégrité d’un policier).

Le “flou juridique” semble alors délibérément entretenu. Peut-on, par exemple, qualifier de “provocation” le fait de filmer un policier ? Celui-ci pourrait légitimement le percevoir ou le ressentir comme tel. Sans oublier la notion d’ “identification“, risque-t-on de subir les réprobations de cet article (jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende) si nous médiatisons un fonctionnaire de police dont le numéro RIO (Référenciel des Identités et de l’Organisation) est visible par exemple ? Cette modification est d’autant plus critiquée par ses opposants que le code pénal condamne déjà la divulgation d’informations à l’encontre des policiers (et des citoyens), sauf quand ces derniers sont en service, que les informations sont honnêtes et ne prennent pas la forme de menace ou de harcèlement. Cette disposition, couplée aux multiples arrestations arbitraires ne fait qu’ajouter du feu aux poudres chez les opposants.

Manifestation contre la loi sécurité globale à Lille le 9 janvier 2021
Une pancarte lors d’une manifestation contre la loi Sécurité Globale. © Biget Eliott (ebgt_photos)

Beaucoup moins médiatisé mais décrié à la gauche de l’hémicycle : l’article 25. Alors que le port d’armes des policiers et des gendarmes en dehors de leur service est autorisé depuis 2016, les responsables des établissements publics pouvaient encore s’y opposer. Quand le Sénat renonce à modifier cette disposition polémique, les policiers et gendarmes ne peuvent plus se voir refuser l’accès à ces établissement publics. Mais est-ce anodin de porter une arme à l’intérieur d’un établissement recevant du public, comme dans une école ?

Initialement, la loi dispose d’une surveillance accrue de la population grâce au récent recours aux drones. Mais grâce à la prise en compte de l’avis de la Commission nationale informatique et libertés (Cnil) qui jugeait une insuffisante protection des “droits des personnes”, les sénateurs se sont prononcés en faveur d’un meilleur encadrement juridique, limitant l’usage des drones aux infractions graves et lieux difficiles d’accès.

Il faudra désormais attendre le verdict de la commission mixte paritaire qui se tiendra au début du mois d’avril, composée des députés et sénateurs, pour trouver un accord.

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