En lecture
Législatives. ”Que fait la police ?” : la conférence de Sofia Chouviat et Ugo Bernalicis (LFI) sur le maintien de l’ordre

Législatives. ”Que fait la police ?” : la conférence de Sofia Chouviat et Ugo Bernalicis (LFI) sur le maintien de l’ordre

Sofia Chouviat et Ugo Bernalicis lors d'une conférence sur le maintien de l'ordre et la police, le 16 mai 2022. © Alice Gosselin / Collectif Gerda

Sans surprise, Ugo Bernalicis est loin devant dans la course au Parlement, avec 43,49% des suffrages exprimés dans la deuxième circonscription au premier tour. Le député LFI a fait campagne notamment sur une vision nouvelle du maintien de l’ordre.  Le 16 mai dernier, il avait exposé son programme en compagnie de l’activiste anti-violences policières Sofia Chouviat.

À 9h54, le 3 janvier 2020, un livreur nommé Cédric Chouviat est contrôlé par quatre fonctionnaires de police alors qu’il circule sur son scooter dans le VIIe arrondissement de Paris. Les échanges sont tendus, le livreur de 42 ans demande aux policiers d’arrêter de le pousser. De nombreuses caméras, dont la sienne, se tournent vers l’incident. Les fonctionnaires de police décident alors de l’interpeller. Pendant 22 secondes, Cédric Chouviat est plaqué au sol et subit une clef d’étranglement. Son larynx est fracturé et il succombe deux jours plus tard. Cet épisode funeste, c’est sa fille Sofia qui est venue le raconter ce lundi, dans la salle Marie Curie de Mons-en-Baroeul. Activiste engagée contre les violences policières et membre du parlement de l’Union populaire, elle est venue discuter avec le député Ugo Bernalicis de leur vision du maintien de l’ordre. Une réunion qui permet surtout de détailler le programme de LFI, en pleine campagne législative.

Un ministre pris en flagrant déni

Les Français entretiennent une relation ambiguë avec les forces de l’ordre. Malgré les drames comme ceux qui ont frappé Cédric Chouviat, l’institution policière reste populaire. 77% des interrogés lui accordaient leur confiance dans un baromètre du CEVIPOF de février 2021. Mais de moins en moins de personnes soutiennent son action. Une érosion très marquée chez les 18-24 ans. D’après la même étude, environ un jeune sur deux n’a pas foi en la police. Un désaveu lié aux nombreuses accusations de violences, sur les personnes issues de minorités notamment, et aggravé par la répression violente des Gilets Jaunes. Sofia Chouviat accuse la hiérarchie de couvrir les bavures. D’ailleurs, les quatre policiers (présumés innocents) impliqués dans la mort de Cédric Chouviat n’ont pas été suspendus, malgré les demandes répétées de la famille.  

”Quand j’entends parler de violences policières, je m’étouffe” – Gérald Darmanin

Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, est directement mis en cause, lui qui dit s’étouffer” quand il entend parler de violences policières. Le premier flic de France” est accusé d’avoir été sourd aux nombreux dérapages des forces de l’ordre. Alors que G. Darmanin brigue un siège à l’Assemblée Nationale tandis qu’Ugo Bernalicis se voit déjà prendre sa place au Ministère de l’Intérieur, les attaques font mouche. Le député LFI accuse le gouvernement d’utiliser un discours viriliste” et autoritaire vis-à-vis de la police, pour séduire un électorat radicalisé”. On ne peut pas être solidaire avec le mal” martèle S. Chouviat, qui déplore le manque de dialogue entre la police et la population. Pour réparer ce lien abîmé, l’activiste et sa famille organisent des rencontres entre habitants des quartiers populaires et gardiens de la paix. Des initiatives qui permettent d’humaniser” les participants, d’un côté comme de l’autre.

Sofia Chouviat lors d'une conférence sur la police et le maintien de l'ordre, le 16 mai 2022. © Alice Gosselin / Collectif Gerda
Sofia Chouviat lors d’une conférence sur la police, le 16 mai 2022. © Alice Gosselin / Collectif Gerda

Que propose LFI ? 

Selon Ugo Bernalicis, tout commence à la formation. La période d’apprentissage théorique ne durait, avant 2016, que douze mois contre trois ans en Allemagne, par exemple. Elle a été réduite après les attentats de 2015 pour augmenter les effectifs, puis ramenée à douze mois. Résultat : au moins 15.000 policiers qui n’ont eu que neuf mois de formation sont envoyés sur le terrain”. Le recrutement se fait dans la quantité, et pas dans la qualité” ajoute Sofia Chouviat, qui estime qu’on n’enseigne pas les bonnes choses” aux futurs gardiens de la paix. Les matières comme les rapports avec le public sont aujourd’hui considérées comme moins importantes que les techniques d’interpellation. Le programme de LFI, lui, préconise de porter à deux ans la formation des élèves gardiens de la paix”, en mettant l’accent sur les connaissances théoriques et les relations avec les personnes.

De cette formation remodelée découlerait une nouvelle manière de garantir la sécurité des Français. U. Bernalicis décrit à la foule son maintien de l’ordre idéal. Une meilleure formation induirait par exemple une prise en charge plus adaptée des victimes de violences sexistes et sexuelles, un domaine où les dysfonctionnements des forces de l’ordre sont souvent pointés du doigt. Le candidat cite un rapport accablant” de l’association féministe Hubertine Auclert sur l’accueil des femmes victimes de violence à Paris. Si la France est dans la fourchette haute” en termes de policiers par habitant, l’insoumis juge qu’il faut rééquilibrer les effectifs”. Il s’engage notamment à doubler les effectifs de la police scientifique” et augmenter les moyens humains dédiés aux enquêtes, dont les taux d’élucidation sont en chute libre” depuis 2015. Ces réformes passeraient par un changement de priorités : moins de ressources notamment pour la patrouille aux frontières. La légalisation du cannabis défendue par LFI permettrait aussi de se recentrer sur d’autres tâches que la répression des consommateurs, jugée ”inutile”

En plus de ce changement de doctrine, le député de la première circonscription veut mettre fin à l’impunité” des policiers ayant commis des fautes. L’insoumis cherche à refonder la manière dont elles sont gérées. Aujourd’hui, deux institutions sont chargées d’enquêter sur ces bavures : l’IGPN (pour les policiers) et l’IGGN (pour les gendarmes). Mais elles sont toutes deux composées de membres des forces de l’ordre qui doivent réguler leurs propres collègues. Le programme de LFI promet de supprimer ces deux instances et de les remplacer par une autorité rattachée au Défenseur des droits”. Ce dernier est le garant des libertés publiques, indépendant de l’exécutif, et Bernalicis compte ”renforcer ses prérogatives”.

Dans une circonscription qu’il considère gagnée d’avance, Ugo Bernalicis se voit déjà ministre de l’Intérieur. Quoi qu’il arrive, il compte continuer son combat pour changer le fonctionnement des forces de l’ordre.

Quelle est votre réaction ?
J'adore !
4
J'ai hâte !
0
Joyeux
0
MDR
1
Mmm...
0
Triste...
0
Wow !
0

Auteur/Autrice

Voir les commentaires (0)

Répondre

Votre adresse Email ne sera pas publié

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.