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“Il y a une hiérarchie entre réfugiés ukrainiens et d’autres ‘mauvais’ migrants” : retour sur le traitement différencié des réfugiés

“Il y a une hiérarchie entre réfugiés ukrainiens et d’autres ‘mauvais’ migrants” : retour sur le traitement différencié des réfugiés

Matthieu Tardis présente "Le traitement différencié des réfugiés" © Lucie Feuillolay / Pépère News

Jeudi 27 janvier, Science Po Lille accueillait Matthieu Tardis, chercheur à l’IFRI (Institut Français des Relations Internationales), pour une conférence autour du thème ”Le traitement différencié des réfugiés”. Une discussion à l’initiative de Maïdan, association étudiante tournée vers la culture et la politique au Moyen-Orient et au Maghreb. 

“En 2022, l’Europe est rentrée dans le 21e siècle des réfugiés”, déclare Matthieu Tardis. Avec la guerre en Ukraine, le Vieux Continent est confronté à son plus important mouvement de population depuis 1945. 7 millions d’Ukrainiens ont fui vers l’Europe, dont 5 millions dans l’UE.

Pourtant, “politiquement, ces mouvements ne sont pas traités comme une question d’asile et d’immigration”. En effet, face aux flux migratoires venus d’Ukraine, les pays européens ont pris le contre-pied des politiques précédentes. Les règles d’entrée ont été allégées, de même pour le règlement de Dublin, qui limitait fortement la libre-circulation au sein de l’UE des réfugiés. Un traitement qui détonne par rapport à l’accueil réservé aux réfugiés afghans et syriens par exemple. Pour Matthieu Tardis, c’est un “double-standard” qui est à l’œuvre.

Un “double-standard”

La crise de 2015 est un bon exemple pour illustrer ce changement de ton. Il y a 7 ans, 100.000 personnes, fuyant notamment la guerre en Syrie, se sont réfugiées sur les côtes grecques, laissant percevoir un dispositif d’aide proposé par l’Union européenne très peu adapté à cette situation d’urgence et aux migrations forcées. “On parle de crise des réfugiés mais ce ne sont pas eux qui ont provoqué cette crise, c’est le fonctionnement de l’Union européenne”, affirme Matthieu Tardis.

En effet, comme l’explique le chercheur, la Grèce a tardé à proposer une alternative humanitaire et de nombreux pays, tels que la Hongrie, ont refusé l’entrée des réfugiés sur leur territoire. Cette situation laisserait alors percevoir une crise profonde du fonctionnement européen, provoquée par des États qui n’auraient jamais respecté les règlements européens. “L’Union européenne ne sait pas fonctionner. Il faut se reconstruire”, poursuit le chercheur.

“On parle de crise des réfugiés mais ce ne sont pas eux qui ont provoqué cette crise, c’est le fonctionnement de l’Union européenne” – Matthieu Tardis

Pour Matthieu Tardis, l’obstination du retour des étrangers dans leur pays d’origine et la volonté de maîtrise ferme de l’immigration de la part de l’UE représentent également un point de tension important, menant à sa décrédibilisation. “L’Union européenne considère l’immigration comme un mouvement exceptionnel alors qu’il n’y a rien de plus banal dans l’histoire de l’humanité”, assure-t-il. En ce sens, le chercheur appelle à rejeter ce terme de “crise des réfugiés” pour privilégier celui de “crise humanitaire”

“Les médias ont le pouvoir de visibiliser le point de vue des réfugiés”

Les médias jouent un rôle dans l’apparition de ce “double-standard” appliqué aux réfugiés, et de manière plus large, aux migrations. “On y cherche plus la polarisation plutôt que de comprendre des questions complexes”, explique Matthieu Tardis. Dans l’espace médiatique, on trouve ainsi plus souvent des éditorialistes que des chercheurs ou réfugiés. Résultat : les mouvements migratoires de 2015 et 2022 ne sont racontés que par des Européens et pas par ceux qui les ont vécus. 

“On y cherche plus la polarisation plutôt que de comprendre des questions complexes” – Matthieu Tardis

“Invisibles” dans l’espace public, les migrants sont réduits à quelques figures ou dimensions stéréotypées “alors qu’ils sont très différents les uns des autres”, souligne le chercheur. Un des exemples les plus éloquents restant les multiples condamnations d’Éric Zemmour, notamment pour ses propos racistes sur les mineurs isolés qui seraient “violeurs” et “assassins”. Des propos médiatiques qui contribuent à diffuser une hiérarchie arbitraire entre “bons” et “mauvais” migrants.

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