À Lille, 70 jeunes migrants mobilisés : « Ce sont nos vies qu’ils ignorent »
Mercredi 13 novembre 2024, un collectif de 70 jeunes migrants s’est rassemblé devant le siège du Département du Nord à Lille. Leurs revendications : un hébergement digne, l’accès à la scolarisation et un passage rapide devant le Juge des Enfants. Si mercredi 20 novembre ils ont annoncé avoir obtenus 52 places en hébergement, ils rappellent que leurs revendications ne sont pas satisfaites et annoncent poursuivre leur mobilisation.
Les jeunes migrants qui se sont rassemblés mercredi dernier à Lille vivent seuls, sans leurs parents. Venus majoritairement du Mali, de Guinée et de Côte d’Ivoire, ils sont depuis leur arrivée, abandonnés à eux-mêmes. En tant que mineurs, ils bénéficient pourtant de droits : prise en charge par l’Aide sociale à l’Enfance, mise en œuvre par le département, ainsi que le droit à une scolarisation, qui dépend de l’Éducation nationale.
Reconnaissance de minorité
S’ils déclarent être mineurs, l’administration française ne les reconnaît pas comme tels. Dans certains départements, des tests visant à déterminer leur âge à partir de radiographies du poignet et des dents sont effectués. Ces tests sont très contestés par des associations comme la Ligue des Droits de l’Homme pour leur fiabilité, le journal Libération y a d’ailleurs consacré un article en 2020. À Lille, un simple entretien permet à l’administration de statuer sur la minorité des jeunes. Suite à ces tests, les trois-quarts des jeunes migrants n’ont pas été reconnus comme mineurs. Ils se sont lancés dans un recours qui va durer entre 6 mois et 1 an. Le Collectif des jeunes et les bénévoles qui les aident rappellent que ce recours aboutit dans huit cas sur dix à une reconnaissance de minorité.
Lors d’une commission d’enquête diligentée par les députés, Claire Hédon, Défenseure des droits, a mis en cause le 12 novembre dernier plusieurs départements, dont le Nord, pour leur défaillance dans l’accompagnement de ces jeunes migrants. En effet, durant la procédure de recours, ils ne bénéficient pas de la présomption de minorité, comme le voudrait la loi. À la rue, sans solution, leur survie dépend uniquement de l’engagement des associations et de la solidarité citoyenne. Ils dorment depuis le 15 avril sous des tentes dans le quartier des Bois-Blancs à Lille. Contacté par le Pépère news, le Département n’a pas répondu à nos questions.
Entre précarité, espoir et football
Pour protester contre la situation d’extrême précarité dans laquelle ils sont plongés, ces jeunes ont créé en septembre 2024 un collectif, nommé Collectif des Jeunes en recours des Bois-Blancs. Ils ont organisé plusieurs rassemblements devant la mairie, la MEL et la préfecture sans qu’aucune solution ne soit apportée par les autorités. Mercredi 13, c’était le département du Nord qui était visé, avec succès cette fois. La nouvelle est bienvenue : l’hiver approche et la nuit, les températures négatives sont fréquentes. Les revendications se sont donc accentuées. Les jeunes, après plusieurs mois dehors, ne dormiront plus en tente à partir de ce mercredi 20 novembre.
Issa, 16 ans et un grand sourire, explique qu’il vient de Guinée. Là-bas, sa maison a brûlé, lui enlevant tout espoir de s’en sortir. Il a alors décidé de quitter le pays. Un voyage dangereux. Arrivé en France, il a passé son test de minorité en mai et n’a pas été reconnu comme mineur. Malgré les difficultés, il ne regrette pas son choix : “Au moins ici, il y a de l’espoir”. Plus tard, il aimerait être peintre ou chauffagiste.
Ses journées, Issa les passe à Bois-Blancs. Il assiste parfois aux cours donnés par l’association École Sans Frontière. Le reste du temps, il joue au football avec les autres sur un terrain proche de leur camp. Quand son téléphone portable fonctionnait encore, il regardait des matchs – il admire Andrés Iniesta et Xavi Hernández. Un jeune comme les autres, en somme.
« La France c’est nous, les habitants solidaires »
Bénévoles d’Utopia 56, militants du NPA et de SUD, des Jeunesses communistes, Gilets jaunes et simples soutiens, souvent riverains du camp à Bois-Blancs, ils sont environ 150 à soutenir au quotidien les jeunes du Collectif. “C’est notre responsabilité de les aider à intégrer la société, de les accueillir convenablement”, expliquent-ils. Mais eux aussi sont fatigués de se confronter à ce qu’ils nomment “une organisation inhumaine”. Lors du rassemblement de mercredi, ils ont pris la parole pour dire leur inquiétude et leur honte face à l’administration française. Ils ont remercié les jeunes du collectif qui leur ont “réappris la solidarité”.
Après le rassemblement du 13, le Département avait reçu les représentants du collectif vendredi 15 novembre. Le Pépère News a assisté à la réunion de debriefing de cette rencontre : les délégués, qui ont été désignés par les jeunes lors d’une assemblée générale, n’ont pas caché leur frustration. Ce jour là, le Département, représenté par des fonctionnaires sans pouvoir de décision, n’avait toujours pas apporté de solution concrète.
Même si les autorités continuent à se lancer « la patate chaude« , Diallo Thierno, l’un des délégués du collectif assure qu’ils ne sont “pas prêts d’arrêter” le combat. Vendredi, ils ont décidé de continuer à manifester, seule manière de se faire entendre. Au vu de l’annonce ce mercredi 20 novembre de l’obtention de 52 places d’hébergement pour les jeunes du Collectif, cette stratégie semble porter ses fruits. Dès lors, sur l’Instagram du Collectif, un mot d’ordre : « C’est la lutte qui paye. Que le combat continue ».