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Le Menu : tuto pour vous couper l’appétit

Le Menu : tuto pour vous couper l’appétit

Affiche du film Le Menu

Le sens du détail. C’est probablement ce qui résume le mieux Le Menu, sorti le 24 novembre au cinéma. Un sens du détail absolument terrifiant et glaçant, tant dans le scénario que dans la réalisation du film en elle-même. Si c’est à une dégustation raffinée et travaillée à laquelle vous pensiez assister, détrompez-vous.

Pour commencer, d’emblée une nuance. Le Menu, réalisé par Mark Mylod, est peut-être l’un des films les plus intéressants esthétiquement et visuellement parlant ayant été réalisé cette année, ce qui propulse immédiatement la dégustation donnée à voir dans une autre dimension. Depuis quelques années, les films autour de la gastronomie et de la figure du chef prolifèrent dans le paysage cinématographique mondial, mais ce long métrage s’en démarque de manière assez merveilleuse et terrifiante à la fois.

Le client n’est pas roi

C’est bien le premier restaurant dans lequel vous entrez où le client n’est pas roi. Le célèbre adage n’est ici qu’un lointain souvenir, et il faut se laisser guider par la créativité du chef, incarné par Ralph Fiennes, pour savourer pleinement l’expérience. Mais dès le départ, une réelle tension est palpable au sein de cet établissement, où les employés se comportent tels des robots sans émotion et où le chef n’a d’autre obsession que de comprendre ce qui peut ne pas plaire à ses clients, au point que cela en devient maladif.

La cuisine servie est une révolution d’une originalité sans pareille, la cuisine depuis laquelle elle est servie est une caricature des plus fidèles, de la désormais dépassée, rigidité militaire qui régissait les établissements gastronomiques. Garde-à-vous et “Oui chef !” à tout va, ce restaurant c’est l’armée, et les clients vont servir de chair à canon pour le dîner.

Ralph Fiennes lors la cérémonie d'ouverture du Festival international du film à Tokyo en 2018 (©Dick Thomas Johnson)
Ralph Fiennes lors la cérémonie d’ouverture du Festival international du film à Tokyo en 2018 © Dick Thomas Johnson

Servi à point

Le chef est maître dans sa cuisine et roi dans son restaurant, cela relève du constat. Ce qui est intéressant à analyser en revanche, c’est la caricature que prend la figure du chef au fil du film. Cet homme a passé sa vie à vouloir satisfaire ses clients, mais ses plats ne sont plus faits avec amour car c’est dorénavant une mécanique robotique qui rythme sa cuisine.

C’est là une partie de l’explication de l’explosion complète du chef. Lassé des critiques culinaires qui trouvent toujours quelque chose à redire à la perfection de ses plats, de ces clients qui pensent pouvoir se hisser à son niveau de maîtrise ou de ceux qui ne prêtent,  aucun intérêt à ce qu’il leur sert à manger. Le chef entre dans une spirale auto-destructrice qui le mène à un craquage complet, qui fait que même cette expérience gastronomique n’est plus que haine.

Les clients présents ne le sont pas par hasard, ils ont été soigneusement choisis par le chef. Il a préparé cette soirée des mois durant, que ce soit les plats, leur élaboration (la scène des tortillas en est un excellent exemple), la disposition des clients dans la salle ou les invités eux-mêmes, tout a été élaboré de façon millimétrée. C’est cela le plus effrayant dans ce film, tout semble prévu, il n’y a pas de place à la surprise pour le chef, qui sait exactement ce qui va arriver ensuite, tandis que le spectateur est complètement perdu et ébahi par la scène qui se déroule sous ses yeux.

La cerise sur le gâteau

L’expérience proposée dans cette endroit existe dans d’autres lieux de gastronomie, un menu unique pour les clients présents, renouvelé à chaque nouvelle soirée. La différence majeure, c’est que ce restaurant se trouve sur une île coupée du monde, dont on ne peut partir qu’avec un navire qui ne reste pas durant la soirée, et revient seulement en fin de repas.

La soirée est spéciale, mais personne ne sait ce qu’il va se passer ni pourquoi, le piège est parfait. La tension ne fait que monter, rythmée par ce claquement de mains du chef avant chaque nouveau plat, celui-ci ne manquant pas de surprendre.

Anya Taylor-Joy lors du Comic Con de 2018 à San Diego (©Gage Skidmore)
Anya Taylor-Joy lors du Comic Con de 2018 à San Diego © Gage Skidmore

Malgré le zeste d’humour qui marque le film, c’est plutôt un stress global qui prévaut. Le sens du détail en devient presque angoissant, au point qu’un écart à la perfection provoque à la fois un soulagement et un étonnement palpable chez le spectateur. Les changements de rythme sont sans pitié, alternant périodes lentes ponctuées d’événements inattendus et périodes très dynamiques qui tiennent en haleine jusqu’à leur dénouement. 

La fin ne déçoit pas, elle s’inscrit dans toute la logique du film. Le scénario n’a rien de bien compliqué, mais la simplicité est parfois la meilleure des solutions. C’est une des leçons qui peut être tirée de ce film. Il est surtout porté par une très belle scénographie, de bonnes performances des acteurs principaux (Ralph Fiennes, Anya Taylor-Joy…) et une intrigue cohérente avec son lot de surprises. Belle découverte de cette fin d’année, Le Menu ne sera sûrement pas impérissable, mais il n’est pas non plus simplement anecdotique.

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