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Lili Leignel : Une vie, une voix, pour former des futurs “petits messagers”

Lili Leignel : Une vie, une voix, pour former des futurs “petits messagers”

Lili Leignel, attentive aux remerciements d'une jeune lycéenne d'Arras lors du temps d'échange

Mercredi 18 septembre, Tourcoing, 16h. La salle du Fresnoy est remplie pour rendre hommage à Lili Leignel (née Keller-Rosenberg), survivante de la Shoah. Retour sur l’avant-première de Lili Leignel : Une vie, une voix, documentaire signé Elsa Grenouillet, journaliste de La Voix du Nord. 

Qui témoignera lorsque les survivants ne seront plus ? Comment empêcher les prochaines générations de reproduire l’horreur, qui est pourtant encore d’actualité ? C’est par ces questions que tout a commencé. La réalisatrice “voulait rendre hommage à Lili Leignel et [s’est] aperçue, avec étonnement, qu’il n’y avait pas encore de grands documentaires à son sujet.” La journaliste se lance, débarque chez la passeuse de mémoire originaire de Croix et dans un lycée d’Arras où elle témoigne. Pour Elsa Grenouillet, il s’agit de la diffusion de son premier documentaire, qu’elle présente avec une grande appréhension : Lili Leignel, présente dans la salle, le visualise aussi pour la première fois. L’enjeu est grand : il est question de mémoire pour les prochaines générations.

 

Elsa Grenouillet (au centre), présente en avant-première son court-métrage en compagnie de l'équipe de production. © Suzanne Dupuis Blondeau / Pépère News
Elsa Grenouillet (au centre), présente en avant-première son court-métrage en compagnie de l’équipe de production. © Suzanne Dupuis Blondeau / Pépère News

 

Portrait d’une éternelle optimiste, et pourtant…

Qui ne connaît pas Lili nous décrirait une petite dame aux cheveux blancs, au sourire d’un rouge à lèvre vif et à la robe aux couleurs de l’arc-en-ciel. Si l’optimisme était une personne, ce serait elle. Petite, Lili ne l’est que de taille. Pour beaucoup, voire toutes les personnes qui ont croisé son chemin, elle est une Grande dame. Qui l’a déjà rencontrée ne saurait trouver de mots assez forts, ni justes, pour en faire son portrait. À 92 ans, elle a fait le tour de la France, de la Belgique et de la Suisse, pour faire part de son histoire afin de “ne jamais oublier”. Et ce, toujours avec dignité et humilité.

1943, Roubaix. La famille Keller-Rosenberg s’apprête à fêter l’anniversaire de “maman”. Mais la Feldgendarmerie (police allemande militaire) en a décidé autrement, et c’est dans la nuit que la famille est arrêtée, parce que juive. Cette nuit-là, Lili est âgée de seulement 11 ans. Ses petits frères, Robert et André, n’en ont que 9 et 3. C’est aussi cette nuit-là que la famille voit “papa” pour la dernière fois. Des camps de concentration de Ravensbrück et Bergen-Belsen, Charlotte Keller-Rosenberg et ses enfants font partie des rares survivants

Des “petits messagers” pour guérir le monde

2024, Croix. Lili est conférencière, mais surtout passeuse de mémoire. Elle est l’une des dernières rescapées. Depuis plus de 40 ans, elle ressasse inlassablement cette période cauchemardesque. Alors qu’elle se heurtait au négationnisme, il n’y a plus un jour où Lili ne visite pas un collège ou un lycée. Un élève au doigt levé lui demande : “Et jusqu’à quand comptez-vous témoigner ?”. Sa réponse est immédiate : “Au moins jusqu’à mes 100 ans ! Après, je verrai…”. Lili refuse d’arrêter, elle aime rencontrer ceux qu’elle appelle ses “petits messagers”. Les conférences devant les jeunes, ce sont ses “grands moments” préférés. Parce qu’ils sont “plus sensibles et compréhensifs que les adultes”. Elle, qui se désole des conflits actuels, a l’espoir qu’ils changeront le monde et sa violence, pour en créer un nouveau, où les maîtres-mots seront justice et paix : “Je sais que ce jour arrivera. Je ne serai pas là pour le voir, mais je crois en cet avenir.”

Comment sensibiliser les jeunes, alors que la violence est encore banalisée ? Bientôt, les élèves n’auront plus ces temps d’échange privilégiés et le principal enseignement de ce film, c’est l’importance de ces rencontres pour comprendre et réaliser. Mais, contrairement aux manuels, ce documentaire de 52 minutes nous place la réalité devant les yeux. Même ceux qui arrivaient avec des a priori ressortent de la salle chamboulés. Le même discours, la même émotion, les mêmes couleurs. Cette fois-ci, des images sont mises sur les mots de la témoin.

C’est une Lili à la santé fragile, émue mais toujours aussi souriante qui remercie Elsa Grenouillet et la salle : “Je suis fière de ce film. Tout y est. On dit souvent que la perfection n’existe pas, mais ce film prouve le contraire. Vous vous êtes surpassés”. Elle croyait recevoir des questions, mais c’est une pluie de remerciements et quelques enfants aux yeux rouges venus l’entourer qui les remplacent : le message a bien été transmis aux “petits messagers“.

Le documentaire sera diffusé sur WEO, le 29 septembre à 20h et rediffusé sous forme d’épisodes sur YouTube à partir du 4 octobre. À voir et à partager. (Déconseillé aux mineurs de moins de 14 ans.)

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