Au centre culturel le Flow, une finale de breakdance de haut vol
Le dimanche 12 février, le Flow, centre dédié aux cultures urbaines, organisait les qualifications de la région Nord pour participer au championnat de France de breakdance. Un événement organisé dans le cadre du festival Hip Open Dance, qui cherche à promouvoir la culture rap et hip-hop en plein cœur du quartier Moulins.
Au centre d’une salle chauffée à blanc et pleine à craquer, des danseurs et danseuses tourbillonnent sur le cypher, la scène où chaque artiste performe à tour de rôle. La salle vibre au son des basses et des musiques mixées par deux DJs, aux accents rap, hip-hop et funk. En duel, lancé sur des musiques au tempo effréné, chacun tente de se démarquer pour espérer se qualifier pour la finale. Pour les départager, un jury de quatre champions francophones de breakdance jauge les candidats. « Pas d’amis sur scène », lance un des jurés. Même si chaque compétiteur doit montrer son respect en début et fin de battle, les duels qui s’ensuivent n’en sont pas moins coriaces. L’enjeu est de taille : il s’agit de se qualifier pour participer aux qualifications France de breakdance à Montpellier, pour représenter le pays lors de la Battle of the Year, la plus importante compétition de Breakdance en 1V1.
Figures acrobatiques et musique entraînante
Plus que des danseurs et danseuses, ce sont de véritables athlètes qui défilent sur le cypher : ils enchaînent à une vitesse fulgurante figures de danse techniques sur les mains, les pieds, la tête, ou même des vrilles et saltos, comme suspendus en l’air. « Le jury prend en compte plusieurs critères : la maîtrise de l’exécution des mouvements, la musicalité ou encore la technicité et la difficulté des figures », précise Naïma Gaye, cheffe de projet culturel au Flow et animatrice de cet événement.
Autour des danseurs et danseuses, le public participe activement à encourager les athlètes. À chaque mouvement spectaculaire, ce sont des ovations qui secouent la salle, se mêlant à celle des deux MCs qui animent les battles. Difficile de ne pas se laisser emporter par la foule, la musique et l’ambiance festive qui flottent dans l’air étouffé de cette salle de spectacle.
De ces duels acharnés aux allures de jeu et de provocation bon enfant, c’est le b-boy King Martin, 20 ans et la b-girl Syssy, 15 ans, qui ont remporté la finale hommes et femmes. Sneakers aux pieds, ils ont montré aux spectateurs une explosion de mouvements et d’agilité, toujours au rythme des vinyles qui guident leurs pas.
La jeune compétitrice n’en est pas à son coup d’essai. L’année précédente, elle avait voyagé jusqu’au Japon pour représenter la France lors du Championnat du monde, terminant deuxième. « Ce que j’aime dans ce sport, c’est la liberté que je ressens et le moment des battles, c’est super intense », témoigne-t-elle.
Place aux b-girls
À l’image de la société, le monde du hip-hop ne cesse d’évoluer. Alors qu’il s’agit d’un milieu fortement masculin, certaines femmes, telles que Max-Laure Bourjolly et Christine Coudun, tentent de faire bouger les lignes dès la fin des années 1990. Une trentaine d’années plus tard, leur pari semble avoir réussi. En effet, comme le confirme la jeune finaliste Syssy : « Aujourd’hui, les filles sont largement acceptées. On a su s’imposer ». Ce dimanche, elles étaient quatre à se disputer la place de finaliste. Un nombre largement inférieur aux garçons, qui étaient 16. Mais, même si elles restent moins nombreuses que les garçons, « leur niveau ne cesse de progresser », se réjouit Naïma.
Syssy se qualifie pour la finale des b-girls © Lucie Feuilloley / Pérère News
« On fait ça pour ceux qui veulent découvrir la danse »
En faisant de cette compétition un évènement gratuit, l’équipe du Flow espérait bien rendre la culture hip-hop accessible à tous. Pour Naïma Gaye, c’est mission réussie. « Si on a organisé ces qualifications, c’est pour les danseurs, mais aussi pour ceux qui veulent découvrir la danse. Aujourd’hui, on a attiré un public extrêmement varié, c’est un véritable succès », confie-t-elle. En effet, ce dimanche, 400 personnes d’horizons différents, dont de nombreuses familles, étaient réunies dans la salle. Selon Naïma, ce succès est révélateur d’une tendance plus générale : le hip-hop s’ouvre à un nouveau public. « Avant, ce genre d’événement n’attirait que danseurs et connaisseurs. Maintenant, le hip-hop attire le grand public », confirme-t-elle.
Dès son arrivée en France dans les années 1990, la culture hip-hop (rap, slam, breakdance, graffiti, …) est qualifiée de culture à part, propre aux jeunes de banlieue et est très vite considérée comme illégitime. Pour beaucoup, un Tupac ne vaut pas un bon vieux Chopin. Mais aujourd’hui, les choses ont changé, la culture hip-hop est fortement appréciée du grand public. C’est notamment ce que confirme la rétrospective des écoutes sur Spotify, selon laquelle en France, le hip-hop a été le genre le plus écouté en 2022. « C’est une culture à part entière. Ceux qui pensent le contraire sont bloqués dans le passé », appuie Naïma. Comme consécration à ce processus de légitimation, le breakdance, également appelé breaking, sera d’ailleurs présenté aux Jeux olympiques de 2024.