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Est-ce Uderzo ou Astérix que nous pleurons ?

Est-ce Uderzo ou Astérix que nous pleurons ?

Albert Uderzo, célèbre auteur de la bande-dessinée Astérix et Obélix, s’est éteint ce mardi 24 mars à l’âge de 92 ans. Pour rendre un modeste hommage à celui dont vous avez dû feuilleter et re-feuilleter en boucle les illustrations durant votre tendre enfance, voici un acrostiche retraçant la grande figure de la BD qu’il était.

Mais avant toute chose, gare aux “fake news” : non, ce n’est pas le coronavirus qui a eu raison de lui comme les rumeurs laissent à penser en cette période si spéciale que nous traversons. C’est bien suite à une crise cardiaque dans son sommeil qu’Uderzo a endeuillé le monde de la BD.

U…

…n auteur de bande dessinée capable d’illustrer des styles très différents. Du réalisme de Tanguy et Laverdure, au comique d’Oumpah-Pah ou d’Astérix, dans lequel son sens du gag complète les talents d’humoriste de René Goscinny. Uderzo, “l’Obélix du duo”, ainsi qu’il se qualifiait, explique être un autodidacte, essentiellement influencé par Disney. C’est en lisant Mickey Mouse, publié à l’époque dans Le Petit Parisien, qu’il découvre la bande dessinée, puis grâce au dessinateur Edmond-François Calvo qui l’a accueilli très jeune dans son atelier. Plus tard, Goscinny lui fait connaître les bandes dessinées américaines, notamment Walt Kelly ainsi que l’équipe de Mad, qui l’impressionnent beaucoup.

Dessinateur touche-à-tout, il choisira pourtant de se concentrer exclusivement sur Astérix, qui attirait un nombre croissant de lecteurs, devenant bientôt l’un des plus importants succès de la bande dessinée francophone.

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…evenu un véritable mythe, le petit Gaulois fait aujourd’hui partie du patrimoine littéraire et artistique universel. Il continuera longtemps encore de porter des valeurs de tolérance et de résistance. 60 ans d’existence pour cette fabuleuse histoire de Gaulois rebelles, que les Français chérissent tant. Pour ceux qui l’ignoreraient, cette bande dessinée met en scène, en l’an 50 av. J.-C., un petit village gaulois d’Armorique qui poursuit seul la lutte contre l’envahisseur grâce à une potion magique préparée par le druide du village. Les personnages principaux tournent autour du guerrier Astérix et du livreur de menhirs Obélix, chargés par le village de déjouer les plans des Romains ou d’aller soutenir toute personne sollicitant de l’aide contre la République romaine.

C’est ainsi que l’iconique duo traverse, au fil des albums, l’Égypte, la Corse, la Scandinavie, la Belgique, l’Italie, la Grèce, et une liste de destinations encore longue. Avant tout humoristique, cette BD parodie principalement la société française contemporaine à travers ses stéréotypes et ses régionalismes. Du bétonnage des bords de plage au mur de Berlin, en passant par l’exode rural ou la lutte des classes et des territoires, Astérix et Obélix explorent autant de thèmes que leur nombre d’albums : 37 à ce jour.

Si Goscinny s’est arrêté en 1977, à sa mort, Uderzo a poursuivi seul la série – déclenchant de nombreuses critiques. Il a, en 2013, prit sa retraite et passé la main à Jean-Yves Ferri et Didier Conrad.

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…tre les Walt Disney de Bobigny ou de Montreuil. Voilà ce à quoi prétendaient Albert Uderzo et René Goscinny. Une marmite de potion magique, des personnages attachants, une pincée d’histoire, beaucoup d’humour, et le tour est joué ! Mais quel est le secret de cette bande dessinée à succès ? “À l’époque, tout le monde était habitué à Tintin, aux héros toujours accompagnés d’un faire-valoir et d’un chien. L’humour était, selon nous, très tarte à la crème ! Avec Astérix, nous n’avions aucune contrainte, ni d’humour, ni de graphisme. Je l’avais imaginé baraqué, grand ; René le voyait petit, malingre. Il se régalait avec ses calembours tandis que je dessinais des nez énormes. Nous prenions en quelque sorte le contre-pied de la BD de l’époque. Le secret, c’est la liberté”, expliquait Uderzo en octobre dernier, dans une interview de Patrick Cabannes.

Uderzo et Goscinny. Crédit : quebuenahistoria.blogspot.com

R…

…écompensé à de nombreuses reprises, on ne compte plus le nombre de prix ou de distinctions dont Uderzo a été décoré au cours de sa vie. Ainsi, vous êtes sûrs de trouver dans ses poches rien de moins que la médaille de Chevalier de la Légion d’honneur, le Prix de l’excellence française, le Grand Prix de la ville d’Angoulême – connu pour son festival de BD -, ou encore le Prix Max et Moritz.

Selon l’analyse du graphiste Christian Staebler, “le talent d’Uderzo réside essentiellement dans sa capacité à rendre vivant son dessin et de donner à sa narration une grande fluidité. Une image entraîne vers la suivante et le lecteur, sans en être conscient, se retrouve très vite happé par sa lecture […]. Dans sa veine humoristique, c’est l’élégance du trait qui le caractérise, autant que la rondeur et la volupté qui se dégagent de l’ensemble. Le maître mot semble être la courbe. Avec ses pleins et déliés. Il ne laisse pas pour autant de côté la vigueur, la force et la nervosité qui vont de pair avec la vitesse d’exécution.”

Fils d’immigrés italiens, le dessinateur préférait être considéré comme un “artisan”, sur les traces de son père artisan luthier, plutôt qu’un “artiste”.

Z…

…izanie dans sa famille. Tout commence en 2007. Sylvie, la fille unique d’Uderzo, ainsi que son époux Bernard de Choisy, sont licenciés en raison de notes de frais élevées et pour faute grave, par les éditions Albert-René, qui gèrent les albums d’Astérix. Épaulée par Bernard de Choisy, collaborateur extérieur mais véritable patron des éditions créées en 1979 par Albert Uderzo, Sylvie porte plainte devant les prud’hommes. L’année suivante, la jeune femme s’oppose à la vente des éditions à Hachette Livre. En 2011, elle cède finalement ses parts à Hachette pour 13 millions d’euros. Dans la foulée, elle dépose plainte contre X pour “abus de faiblesse” au préjudice de ses parents qui ont autorisé l’éditeur à écrire de nouvelles aventures d’Astérix. Fin 2013, un non-lieu est prononcé et les deux parties se réconcilient quelques mois plus tard.

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…n ne l’oubliera pas de si tôt, même si Albert Uderzo sera finalement resté un homme peu connu. De caractère réservé et d’allure tranquille, préférant parler de son travail que de lui-même, comme il pouvait le rappeler en s’amusant : “On ne me reconnaît pas dans la rue. Je pourrais passer derrière une affiche sans la décoller. Les personnages peuvent devenir des mythes mais pas nous, leurs pères”.

Faut-il attendre que je meure pour qu’on parle en bien de moi ?” questionnait le co-inventeur du rival mondial de Tintin et de Mickey. Comme la plupart des illustrateurs, il passera sans doute après les personnages à qui il a donné vie. Son art ne sera retenu que par les plus fanas de BD et d’illustration, qu’il a inspirés et qu’il inspirera encore.

Et les autres, eux, nous, vous certainement, se souviendront de ce parc à sensations fortes que ses belles illustrations ont entraîné. Le Parc Astérix, construit en 1989. La dizaine de films et de dessins animés, et particulièrement le célèbre discours d’Edouard Baer, dans le film Astérix mission Cléopâtre, remplaceront les célèbres BD dans l’esprit des plus jeunes. En bref, on retiendra de ce grand homme les produits dérivés qu’on s’arrachera dans les semaines à venir en mémoire d’Astérix, ou les pass pour le parc d’attraction dont l’image semble pourtant bien éloignée des traditionnelles planches à dessin qu’Uderzo a noircies passionnément durant plus de 50 ans.

C’est peut-être aujourd’hui, enfin, “demain la veille”, comme dirait Astérix.

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