« Debout les femmes ! », les métiers du lien sur le devant de la scène
En salle depuis le 13 octobre, ce documentaire co-réalisé par François Ruffin et Gilles Perret met en avant les femmes qui travaillent dans l’aide à la personne. Il participe à la reconnaissance de celles-ci. Un film porteur de problématiques sociales et d’espérances.
Debout les femmes ! c’est avant tout le road-movie de deux parlementaires que tout oppose. François Ruffin, député LFI de la première circonscription de la Somme et Bruno Bonnell, député LREM de la sixième circonscription du Rhône, choisis en 2019 à l’Assemblée pour mener une mission d’information sur les « métiers du lien » en France.
Il s’agit effectivement bien d’un lien que tissent les femmes, dont le film fait le portrait, ainsi que les personnes qui ont besoin d’elles au quotidien. Elles sont auxiliaires de vie sociale, agents d’entretien, ou accompagnent des enfants en situation de handicap, elles commencent tôt et finissent tard sans même toucher le salaire minimum. Tout au long du film, la parole est laissée à ces femmes qui exercent des métiers sociaux et peu valorisés.
Donner la parole
Accompagné de Gilles Perret, François Ruffin part à la rencontre des vrais acteurs de la société française et leur donne la parole pour pointer du doigt les injustices tout en cherchant des solutions. Ce n’est d’ailleurs pas son premier film-reportage. Journaliste de formation, il avait déjà réalisé Merci Patron en 2016, primé aux Césars, et J’veux du soleil en 2019. Dans ce nouveau long métrage il met en avant sa démarche docu-parlementaire, puis disparaît peu à peu et laisse place aux principales concernées. Avec empathie, on écoute les récits de femmes qui ont fait face à la mort de personnes âgées, ou ont été déclarées inaptes à travailler à cause des charges trop lourdes portées quotidiennement. Les portraits s’étoffent tout au long du film jusqu’à une mise en scène finale qui les rassemble.
Le tournage a aussi traversé la période du Covid
Loin d’être un pamphlet politique, Debout les femmes ! est d’abord un film qui ouvre les yeux sur les conditions de travail des femmes de l’ombre. Le tournage du documentaire a commencé en 2019 et le premier confinement en mars 2020 n’a pas arrêté le projet. Au contraire, la crise du Covid a rendu visibles ces personnes indispensables. Le film revient d’ailleurs sur les problèmes matériels du début de la pandémie : les employées ont dû financer leur propre matériel de protection, alors même qu’elles travaillent auprès de personnes vulnérables.
À l’époque où l’on applaudissait le personnel soignant tous les soirs, on oubliait que beaucoup de ces femmes ont aussi continué à travailler. Un plan du film montre la ville de Dieppe confinée, vide, dans laquelle une auxiliaire de vie se déplace. Elle se rend chez une vieille dame pour lui faire à manger. Souvent, ces visites quotidiennes ont constitué le seul rempart contre la solitude des personnes âgées pendant le confinement.
Considérer le film comme « un outil » de discussion
Les réalisateurs veulent que Debout les femmes ! soit « un outil » utile aux citoyens pour l’avancée de la reconnaissance des métiers du lien. Diffusé au cinéma, le film ouvre une discussion et c’est pour cela que des avant-premières étaient organisées, suivies d’un échange avec les réalisateurs. C’est aussi un outil de compréhension de la vie politique française, il documente les dessous du travail du parlementaire.
Administration, projets de loi longuement travaillés puis amendés en quelques minutes, vote des budgets décevant : il y a de quoi être pessimiste quant au processus parlementaire qui intervient après ce tour de France des travailleuses précaires. Le film soulève le hiatus qu’il y a entre la volonté de réduire les inégalités et la réalité politique a tel point que François Ruffin semble en venir à se demander : à quoi bon combattre ? Le député finit d’ailleurs par s’emporter et voter contre sa proposition tant elle a été vidée de sa substance.
Il ressort de ce travail un film émouvant, qui fait parfois sourire, parfois s’indigner, mais qui laisse entendre une note d’espoir. Un mélange d’émotions perceptible dans la nuance entre le thème sociétal abordé et la chanson de Bourvil La tendresse qui parcours tout le film.