Des mots aux images, “Le Consentement” brise le silence sur la pédocriminalité
Le film Le Consentement, réalisé par Vanessa Filho, est sorti en salle le 11 octobre 2023 et compte aujourd’hui plus de 245 000 entrées. On y retrouve notamment Jean-Paul Rouve, Kim Higelin ou Laetitia Casta. Retraçant l’histoire du livre autobiographique de Vanessa Springora, ce film dénonce la relation qu’a entretenu le célèbre écrivain Gabriel Matzneff avec elle alors qu’elle n’avait que 14 ans. Bouleversant et déroutant, il dénonce la banalisation de la pédophilie dans les milieux littéraires de l’époque.
À la fin de la séance, pas un bruit. Les spectateurs, comme cloués à leur siège, prennent quelques minutes avant de réussir à parler, à se lever. L’ambiance est lourde et les esprits préoccupés. À la sortie du cinéma, une spectatrice témoigne : “Ce film est bouleversant, je suis restée extrêmement angoissée du début à la fin “.
Le récit d’une liaison nocive
En 1985, Vanessa rencontre Gabriel Matzneff, écrivain de renom, connu pour ses tendances pédophiles. Jeune passionnée de littérature, Vanessa idéalise le quinquagénaire qui commence alors à s’intéresser à elle. Ils entament une relation, perçue comme une histoire d’amour consentie et partagée pour la jeune fille au premier abord, mais qui s’avère finalement être purement malsaine et destructrice pour celle-ci.
Le 2 janvier 2020, Vanessa Springora lève le voile sur cette histoire. Dans son livre, également appelé Le Consentement, elle témoigne de l’ensemble de sa relation partagée avec Gabriel Matzneff malgré son jeune âge. L’adaptation cinématographique du livre nous plonge donc dans cette liaison, du jour où l’auteur a rencontré Vanessa Springora (Kim Higelin dans le film), jusqu’au moment où celle-ci a enfin osé le dénoncer, des années après avoir vu l’entièreté de sa première relation intime dévoilée dans un livre, signé Gabriel Matzneff.
Le poids de l’image sur l’éveil des consciences
Dans une ambiance pesante, le spectateur assiste au développement d’une relation d’emprise et de manipulation, qui détruit petit à petit la jeune fille qui croyait au départ à une histoire d’amour privilégiée avec cet auteur. Une emprise qui camoufle même dans l’esprit de celle-ci les viols qu’elle a pu subir lors de leurs rapports sexuels. Ces scènes, donnant à voir le corps d’un homme de 50 ans assouvir ses fantasmes auprès de celui d’une adolescente de 14 ans, ont un réel impact sur les spectateurs, qui sortent de la salle avec une immense colère et un sentiment de dégoût.
Ce film, tout comme l’était son livre en 2020, a pour objectif de dénoncer. D’une part la pédophilie, fléau qui continue de briser la jeunesse et l’innocence d’enfants du monde entier, mais aussi la banalisation et la complaisance à l’égard de ce crime dans le milieu intellectuel de l’époque.
Quand l’œuvre influence la justice
À sa sortie, le livre de Vanessa Springora fait grand bruit, provoquant une prise de conscience massive de la gravité de la situation, pourtant normalisée voire valorisée à l’époque. Ce témoignage contribue fortement à la “loi Billon” d’avril 2021, qui détermine “qu’aucun adulte ne peut se prévaloir du consentement sexuel d’un enfant s’il a moins de 15 ans”. La mise en lumière de ce fait de société a donc aidé à faire changer les choses, et à montrer à quel point, même s’il paraît l’être, un adolescent n’est jamais consentant dans une relation avec un adulte.
Ce film dérangeant et heurtant nous rappelle que les enfants doivent être protégés de ces prédateurs, y compris lorsque ceux-ci dégagent une certaine “aura”, notamment dans les milieux artistiques. “Leurs enfances ne doivent pas être sacrifiées, elles doivent être protégées”, témoigne un spectateur.
“La littérature ne peut pas servir d’alibi”
“Avant les gens ne se rendaient pas compte, ça ne les scandalisait pas”, explique une spectatrice. C’est ce que l’on peut voir sur de nombreux plateaux TV, où les tendances pédophiles de Gabriel Matzneff, totalement assumées et avouées dans ses livres, font l’objet d’un amusement général. Ses actes ne sont pas condamnés, même lorsqu’il celui-ci se vante de pratiquer le tourisme sexuel avec des enfants à Manille, il bénéficie d’une tolérance des milieux politiques, médiatiques et culturels de l’époque. Seule l’écrivaine canadienne Denise Bombardier a manifesté son désaccord face à Gabriel Matzneff au cours de l’émission “Apostrophes” en 1990, lorsqu’elle lui rétorque que “la littérature ne peut pas servir d’alibi”.
Si les spectateurs sortent du visionnage de ce film, écoeurés par la brutalité des scènes qu’ils viennent de voir, ils en ressortent néanmoins avec la conscience de ce que sont ces relations de manipulation et d’emprise. L’adaptation cinématographique permet de mettre des images sur ces mots, celles-ci ayant une capacité à choquer davantage, elles peuvent sensibiliser un plus large public. Ce film permet donc d’éveiller les consciences, et de ne plus jamais oublier ce qui peut se cacher derrière une liaison si particulière.
Woww super article, une histoire si choquante qui n’en est qu’une parmi tant d’autres …
Article bien écrit qui donne autant envie de voir le film que de ne pas le voir…