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La passion racontée par Annie Ernaux

La passion racontée par Annie Ernaux

Passion simple d'Annie Ernaux

En 1992, Annie Ernaux publie Passion simple, une monographie d’une période clef de sa vie, au cours de laquelle l’écrivaine découvrit la passion. Son adaptation récente au cinéma est l’occasion de revenir sur cet ouvrage grandiose.  

De manière hâtive, on pourrait croire au mélodrame ou à une histoire d’amour lambda. En réalité, Annie Ernaux nous livre le récit d’une passion viscérale, certes très intime, mais également universelle tant l’identification est permise. Dans son ouvrage, l’autrice fait preuve de probité, sans craindre le jugement, quand bien même la parution de l’ouvrage au début des années 1990 suscita une vague d’indignation pour ses élans érotiques.

“User le temps entre deux rencontres”

C’est le récit d’une femme, Annie Ernaux, qui s’éprend d’amour pour un homme marié qu’elle nomme “A.”. Jusqu’au-boutiste d’une passion ou d’une “émotion puissante et continue qui domine la raison” selon la définition qu’en donne le dictionnaire Larousse, l’écrivaine se remémore ses souvenirs lancinants afin de les poser sur papier et perpétuer leur ivresse, à défaut, peut-être, de les vivre encore à ce jour. Si elle se raccroche dorénavant à sa mémoire, Annie Ernaux témoigne qu’il lui arrivait de se raccrocher à la matérialité des moments passés en la compagnie de “A.”. La matérialité d’un geste, l’osmose de deux corps désirés et désirant qui auraient pu causer un “désordre”, alors laissé tel quel pour immuniser un souvenir contre la peur de l’amnésie. Simultanément, l’autrice menait une carrière de professeure de lettre, avait un enfant, une vie quelque peu anodine, mais toutes ses occupations auparavant signifiantes, se restreignaient désormais à épuiser son temps libre, à “user le temps entre deux rencontres“.

“Les chansons accompagnaient et légitimaient ce que j’étais en train de vivre.” – Annie Ernaux dans Passion simple

Annie Ernaux puisait dans l’art, le cinéma ou bien “les chansons [qui] accompagnaient et légitimaient” ce qu’elle était “en train de vivre“, les histoires semblables à la sienne. Trouver une similarité dans un autre récit que le sien, comme une manière de confirmer sa passion et de se convaincre de sa véracité, quand bien même l’unicité de chaque histoire altère cette conclusion analogue qui présage qu’une fin heureuse est l’issue rationnelle et inéluctable.

Ce qu’il y a de vrai

Ce qu’Annie Ernaux nomme son “capital de désir“, alors à son apogée, était comblé par la passion, mot pour lequel il serait impossible de trouver un synonyme dont l’intensité saurait égaler. Il est alors intéressant de s’interroger quant à l’universalité de la passion : est-il donné à tout le monde la capacité de démultiplier ses émotions sans même les contrôler ? Ce capital si particulier connaît-il un plafond ? Si oui, s’affaisse-t-il davantage pour certains ?

Cette courte autobiographie comptant seulement 77 pages est à lire pour ceux qui se reconnaîtront avec nostalgie, qui aspirent à la passion et qui n’osent prendre conscience de l’essoufflement de la leur. Au terme de cet ouvrage, l’autrice amène à réaliser une courte introspection et à prendre conscience du poids de certaines choses face à d’autres, de ce qu’il y a de vrai.

L’intensité et la concision de ce livre nous amènent aussi à se questionner quant aux sentiments d’Annie Ernaux. Aura-t-elle toujours un reliquat de passion à l’égard de “A.” ? De fait, on ignore encore si l’histoire de sa passion est désormais surannée, mais son mérite lui permet de subsister aujourd’hui, notamment à travers son adaptation au cinéma par Danielle Arbid, avec Laetitia Dosch et Sergei Polunin. En salle dès la réouverture des lieux culturels.

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