Grève générale : les étudiants se mobilisent pour soutenir les travailleurs

Le 18 octobre 2022, sur les campus Pont de Bois et Moulins de l’Université de Lille, à 12h00, se sont déroulées deux assemblées générales, en amorce de la journée de manifestation qui suivait dans le cadre de l’appel à la grève générale de la CGT.

Il est dix heures et le soleil éclaire Pont de Bois. À l’entrée du campus, des jeunes gens s’affairent. Accompagnés de musique entraînante, ils distribuent des tracts et interpellent. Ce sont des membres de la FSE (fédération syndicale étudiante). “Si on se met ici, c’est pour forcer les gens à obtenir l’information, ce n’est pas pour les empêcher d’entrer”, explique une militante. Elle espère voir du monde à l’assemblée intersyndicale “commune aux étudiants et au personnel de l’Université”.

À l’AG, se mobiliser pour soutenir les travailleurs

L’assemblée générale s’ouvre sur le slogan “Tous ensemble, tous ensemble, grève générale !” que les personnes présentes dans l’amphithéâtre crient en frappant les pupitres. Le premier militant prend la parole. Toutes et tous l’écoutent avant de l’applaudir. Eliot est étudiant en langues scandinaves et AED (assistant d’éducation) à mi-temps. Il explique que le principal rôle de la FSE est la revendication des droits des travailleurs. S’il milite, c’est donc pour soutenir le mouvement de grève des raffineurs. En effet, des salariés de TotalEnergies exigeant une hausse de leurs revenus, ont été réquisitionnés pour retourner à leur travail dans six raffineries sur huit. C’est cette réquisition qu’Eliot dénonce. Il affirme :  “c’est en étant solidaires qu’on ne se fera pas sucrer nos droits”. Puis, il évoque succinctement mai 68 et les grèves de 1995. Il se veut être acteur d’un événement qui — il l’espère — aura la même envergure.

Un autre étudiant s’exprime. Ce qui le lie aux travailleurs, c’est l’inflation. Il argumente : “les milliards de Total et Shell vont aux patrons et aux actionnaires, mais pas dans nos poches”. Ce militant fait allusion aux chiffres faramineux annoncés au deuxième semestre de l’année 2022. Ils concernent les superprofits de ces entreprises françaises. En effet, le bénéfice net de TotalEnergies a plus que doublé et s’élève à 5,4 milliards de dollars en un an. Ces superprofits sont une des conséquences de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Dans la logique de ces étudiants qui militent, soutenir les travailleurs revient à assurer des droits à la future population active.

Se mobiliser pour une meilleure vie étudiante

Si ces étudiants s’allient à la cause des travailleurs, c’est aussi parce qu’ils ont conscience qu’ils peuvent profiter de la grève générale pour exposer leurs revendications. Les jeunes sont sensibles aux questions sociales qui font l’objet de milliers de publications Instagram. Ce mouvement syndical permet d’évoquer leurs difficultés communes. C’est au tour d’une membre de l’UNEF (Union nationale des étudiants de France) de se faire entendre. Elle tient à rappeler que depuis deux ans, les étudiants sont en difficulté. D’abord à cause de la crise sanitaire, et ensuite par la vague d’inflation qui se jette sur la France. Puis, elle n’est pas la seule à ajouter que les locaux de l’Université de Lille sont souvent dysfonctionnels.

Plusieurs étudiants pointent le campus Pont de Bois. En effet, depuis début septembre, il est arrivé que des cours soient annulés par manque de matériel (micros, vidéos projecteurs…) ou de personnel. Enfin, tous aspirent à une augmentation des bourses du Crous et voudraient que davantage d’étudiants puissent en bénéficier. Mais si certains se sentent animés par cette assemblée générale, d’autres s’en désintéressent volontairement. Ils relèvent les mêmes problèmes soulevés par les membres des syndicats étudiants, mais veulent se démarquer d’une frange qu’ils estiment extrémiste. “Parfois, il y en a qui sont trop dans l’extrême”. L’un d’entre eux a pu en effet qualifier le gouvernement français de “fasciste” lors de cette assemblée.

Dans le même temps, une autre assemblée générale se tient au campus Moulin. On y dénonce le prix des transports qui a augmenté cette année dans la MEL (le prix du ticket est passé de 1,70 € à 1,80 € en août 2022). Un professeur de science politique s’indigne :“Aujourd’hui, je suis politiste, et ça va commencer à devenir une énigme pour moi de savoir pourquoi il n’y a pas le feu. Vos conditions de vie et d’études se sont dégradées à un rythme hallucinant […] On a des étudiants qui nous demandent un régime spécial parce qu’ils sont obligés de travailler à côté”.

Aussi, les conditions de vie du personnel de l’Université de Lille sont sérieusement abordées par un de ses membres syndiqué à la CGT (confédération générale du travail).“On a des personnels de l’Université qui sont dans des situations extrêmement précaires. Ils sont contractuels, donc leur contrat est renouvelé chaque année.” Il donne un exemple concret: “À la CGT, on est en train de se battre pour un gars qui travaille ici depuis cinq ans et trois mois, et qui s’est fait virer, alors que la jurisprudence veut qu’il garde son emploi […] Depuis que Régis Bordet [le président de la fac, NDLR] est là, on n’a plus de victoires. […] On a un nombre de personnel en souffrance difficilement imaginable aujourd’hui.” L’Université craque de toutes parts, mais ceux qui la font vivre semblent déterminés à ne pas se laisser faire.