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Journalisme et sciences sociales, ou quand un chercheur s’invite à Mediapart

Journalisme et sciences sociales, ou quand un chercheur s’invite à Mediapart

Fabien Escalona, journalisme pour Mediapart à Sciences Po Lille. © Lucie Feuillolay

À l’occasion d’une conférence organisée par des étudiants de Science Po Lille mercredi 8 février, Fabien Escalona est revenu sur son expérience de journaliste au pure-player indépendant Mediapart. L’occasion pour le docteur en science politique de revenir sur l’articulation des sciences sociales au journalisme, au cœur de son travail.

Journaliste au pôle politique de Mediapart, Fabien Escalona occupe une position atypique dans l’espace médiatique. Formé à l’Institut d’Études Politiques de Grenoble, il a réalisé une thèse de doctorat en science politique. En rapport étroit avec des journalistes politiques, il a commencé à collaborer avec des quotidiens avant de se lancer à plein temps à Mediapart.

Journalisme et recherche en sciences sociales, deux mondes séparés ? Pour Fabien Escalona, ce n’est pas si sûr : “Journalisme et sciences sociales sont à la fois distincts et semblables”. Si Mediapart accorde une place importante à l’apport des chercheurs en sciences sociales, notamment les plus critiques d’entre eux, la démarche journalistique peut aussi s’apparenter à celle de la recherche.

Affinités et différences

En commun, il y a “l’ambition de partir du chaos des faits pour leur donner une intelligibilité”, rapporte Fabien Escalona. Chercher des faits ignorés ou cachés, respecter des règles déontologiques sérieuses, tenter d’éclairer son lectorat en pesant sur le débat public, sont autant d’éléments qui peuvent rapprocher recherche et journalisme. “La neutralité journalistique, comme en sciences sociales, est un piège. La neutralité absolue n’existe jamais”, déclare Fabien Escalona.

Mais ces similitudes sont à nuancer. “Le journalisme n’a pas les mêmes impératifs que le monde de la recherche”, tempère le journaliste-chercheur. Par exemple, le rapport au temps entre les deux milieux est différent. L’agenda des journalistes est dépendant des “soubresauts de l’actualité”, décalé du recul nécessaire à la posture analytique des sciences sociales. Les codes d’écriture changent aussi : le style doit être concis et personnel sans être trop jargonneux, les titres doivent attirer le lecteur. “J’ai été frappé par le rapport au collectif de travail”, témoigne Fabien Escalona, marqué par un quotidien rythmé par les conférences de rédaction.

L’amphithéâtre bondé à l’occasion de la venue de Fabien Escalona ©Lucie Feuillolay / Pépère News

Se mettre à la portée de tous

Parmi les objectifs phares de Mediapart, l’accessibilité au contenu proposé apparaît comme un point d’honneur. Depuis quelques années, le média cherche en effet à produire des articles plus courts. “On est un journal exigeant mais qui se met à la portée de tous”, confirme le journaliste. Un exercice qui semble parfois compliqué par le docteur en science politique, familier aux phrases à rallonge et au jargon universitaire.

“Cette indépendance a un prix. L’aspect payant n’est pas une muraille, c’est une membrane” – Fabien Escalona

Toutefois, malgré la bonne volonté de Mediapart, le modèle économique du média représente un frein à cette ambition. En effet, lors de sa création en 2008, le journal fait le choix d’être entièrement payant. Mais s’offrir un abonnement à 11 euros par mois, ce n’est pas à la portée de tous. Fabien Escalona justifie alors ce prix par la qualité et la quantité des contenus proposés et surtout par le statut indépendant du média.

Cette indépendance a un prix. L’aspect payant n’est pas une muraille, c’est une membrane”, affirme le journaliste. Bien conscient de cette limite, Mediapart s’efforce de proposer un panel de solutions, tels qu’un tarif solidaire à 5€ basé sur la confiance et la mise en accès libre d’une partie de son contenu audiovisuel.

Indépendance et démocratie

Ambitieux, Mediapart ne fait pas de l’accessibilité son seul combat. L’indépendance de la presse représente en effet un enjeu majeur. Défendre un journalisme pratiqué sans influence, ni même sans soupçon d’influence est central pour Fabien Escalona. Il dénonce notamment une “dépendance à l’État qui n’est pas saine” de la part des médias mainstreams, en raison des aides publiques. Il pointe également du doigt les accords passés entre les GAFAM et certains titres de presse.

Un phénomène qui crée selon lui des “distorsions d’influence massives et problématiques”. Par ailleurs, le journaliste dénonce une “démocratie de basse intensité” caractérisée par une population passive entre les deux scrutins de la présidentielle et la concentration du pouvoir politique dans une poignée de personnes. Des phénomènes propres à la Ve République selon lui. Un point qu’il développe notamment dans son essai paru le 10 mars, Une république à bout de souffle.

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