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Des perchistes venus côtoyer les sommets à Tourcoing

Des perchistes venus côtoyer les sommets à Tourcoing

Présentation, perchiste

Le complexe Léo Lagrange de Tourcoing accueillait ce dimanche la Perche en Or, une compétition dédiée au saut à la perche qui a rassemblé les meilleurs perchistes de l’hexagone, d’Europe et des Etats-Unis. Parmi eux, Renaud Lavillenie qui détient l’un des plus beaux palmarès de l’athlétisme français mais aussi la Grecque Ekaterina Stefanidi, championne olympique en titre. Le Pépère News vous fait vivre cet événement de l’intérieur.

Les lumières s’éteignent, la musique s’arrête, la clameur du public reste suspendue. Il est 15h30 et les spectateurs s’apprêtent à saluer l’entrée en scène des compétiteurs dans l’arène. Un à un, ils défilent sur la piste sous les applaudissements du public réduit. La salle de volley est devenue, le temps d’un weekend, la planète perche. Un véritable show mêlant son, lumière et pyrotechnie. C’est ainsi que débute le concours retransmis en direct de la Perche en Or, ce dimanche 31 janvier, au complexe Léo Lagrange de Tourcoing.

Lors de cette compétition organisée à huit clos, l’animateur est le chef d’orchestre d’une partition millimétrée. Les athlètes concourent chacun sur une musique de leur choix, au rythme de leurs foulées, comme substitution au clap d’un public absent. Une absence qui n’a pas manquée à tous. “J’ai ressenti la même chose que lorsque j’ai commencé ma carrière : des petits moyens et un petit public, alors pour moi c’était parfait”, confie la perchiste Ekaterina Stefanidi.

Les 19 perchistes de tous gabarits enchaînent quelques dernières gammes. On entend l’écho de leurs foulées percutant la piste surélevée. Le décor est posé, le concours peut commencer.

Perche en Or
Le complexe Léo Lagrange de Tourcoing, temple du TLM Volley-Ball, s’est transformé à l’occasion de la Perche en Or. © Mathieu Diseur

Un concours masculin haut perché

Renaud Lavillenie est en bout de piste, sa perche en main, le regard fermé et fixé sur cette seule barre qui surplombe la salle à 6,02m du sol. Il lève sa perche, penche son buste légèrement en arrière et s’élance au rythme du titre planétaire Levels d’Avicii. 20 foulées le séparent du décollage. Il impulse. La perche plie sous l’effet de la force qui lui est infligée puis se redresse. Renaud est propulsé au-dessus de la barre qu’il esquive. Encore en vol, il exulte, les poings serrés, un cri de rage et de joie retentit. Ses camarades et amis accourent tout droit vers lui, ils s’enlacent, le congratulent. Le public composé des juges, bénévoles, athlètes, organisateurs et de la presse jubile. Le Français vient tout juste de réaliser la meilleure performance mondiale de la saison. 

Puis, la salle est parcourue par un moment de latence : Renaud a tout juste demandé aux juges de placer la barre à 6,20m. Une hauteur synonyme de record du monde qu’il pourrait reprendre à Armand Duplantis, ce jeune Suédois qui a effacé des tablettes le perchiste français, l’année dernière.

Après les six minutes de récupération réglementaires, Renaud se positionne de nouveau en bout de piste. Il s’élance, retombe sur la barre et l’embarque avec lui dans sa chute. Il décide d’en arrêter là. Il ne récupérera pas sa place d’homme le plus haut perché du monde ce soir, mais l’essentiel est ailleurs. Le grand Renaud Lavillenie est de retour. Il n’avait plus franchi six mètres depuis mars 2016. Avec une entrée en concours à 5,63m, qu’il efface avec facilité après 1h30 d’attente, il fait l’impasse sur la barre suivante et enchaîne 5,80m, 5,86m et enfin 6,02m au premier essai. Un concours et une technique irréprochables auront, à coup sûr, remis les pendules à l’heure et les observateurs athlétiques qui annonçaient le déclin de sa carrière depuis quelques saisons en resteront bouche bée.  

Mais il n’est pas le seul à avoir assuré le spectacle. Ethan Cormont, à seulement 20 ans, s’est emparé des minimas pour les Championnats d’Europe en salle de Toruń, en franchissant 5,72m. Ce jeune athlète à la silhouette fine et longiligne a fait parler sa vitesse et son agilité pour s’emparer de la deuxième place ce soir : “C’était un beau concours. Je repars avec les minimas pour les Europe, ça prouve que les JO ne sont pas très loin…” Il se rattrape : “C’est encore loin, je n’ai pas fait 5,80m (minimas pour les Jeux Olympiques, ndlr) mais j’ai fait de belles tentatives à cette hauteur aujourd’hui.”

Valentin Lavillenie, qui a déjà décroché son ticket pour le rendez-vous continental de la saison, complète le podium avec également 5,72m et confirme sa bonne forme. Derrière, la densité était au rendez-vous avec les frères Collet, et les Américains : Ludwig, Nilsen et Wooten. Matt Ludwig, qui est arrivé en Europe pour enchaîner les meetings, s’est exprimé à notre micro : “Physiquement j’étais bien, il y a juste quelques détails techniques à ajuster.”

Renaud Lavillenie
Renaud Lavillenie debriefe son saut avec son entraîneur, Philippe D’Encausse.
© Mathieu Diseur

Les féminines à l’assaut des cimes

Du côté de nos onze féminines, le concours commence à 3,87m avec des premières barres hasardeuses. La française Thizri Daci est la première sortie après des essais sans succès à 4,02m. D’Elise Russis, on retiendra une course d’élan plutôt lente mais de jolis sauts torsadés qui lui permettront de franchir les 4,17m.

À Tourcoing, il a plu des records ! La française Elina Giallurachis s’élance sur un air de Madonna et bat son record de 16cm avec une barre à 4,32m et de belles tentatives à 4,42m. L’émotion est palpable. Notable également, la néerlandaise Femke Pluim qui écrase le record des Pays-Bas avec un saut fluide et esthétique à 4,52m. C’est en flirtant avec les 4,61m qu’elle arrête le concours. “Prochain rendez-vous, le meeting de Rouen”, informe-t-elle. L’Espagnole Andrea San Jose Lopez, rapide et dynamique, égale son record à 4,32m. En revanche, c’est la désillusion pour Margot Chevrier qui franchit la barre à 4,52m, lève les bras pour célébrer sa victoire avant de la voir retomber sous son nez. Le drapeau rouge efface alors le blanc, pourtant presque levé.

Malgré tout un rituel de préparation, qui lui est bien connu, l’Allemande Lisa Ryzih refuse le dernier saut et termine le concours à 4,42m. La grecque Nikoleta Kiriakopoulou assure une première barre à 4,17m mais, trop lente sur sa fin de course, frôle la barre avec sa perche et échoue à 4,32m, contre tout attente. Sa compatriote, l’imposante Ekaterini Stefanidi, est la favorite, et c’est sans surprise qu’elle gagne le concours avec un saut à 4,61m sur élan réduit. “Nous avons décidé d’essayer 14 foulées au lieu de 16 comme d’habitude, et je pense que c’était bien pour une première compétition. Je me sens en forme et prête pour le reste de la saison”, confie-t-elle après une pause dans sa saison l’année dernière.

Perche, femmes
La néerlandaise Femke Pluim franchissant la barre sous le regard d’une juge. © Mathieu Diseur

Des concours B prometteurs

Plus tôt dans la journée, les concours B hommes et femmes ont également livrés de belles surprises, de belles confrontations, et ont permis à la jeunesse de s’exprimer. Ces perchistes à l’avenir prometteur sont inscrits sur les listes ministérielles qui répertorient les athlètes dits de haut-niveau. C’est à cette condition qu’ils ont pu concourir aujourd’hui, les compétitions pour tous les autres sportifs étant suspendues dans les conditions sanitaires actuelles. 

Chez les femmes, Alizée Decarre s’empare de la victoire avec un saut à 4,17m. La jeune athlète de l’As Aix-les-bains, âgée seulement de 19 ans, vient d’exploser son record de 17cm : “J’ai eu une progression de folie cet été, les quatre mètres on les attendait et ils sont tombés il y a deux semaines. Ça me tenait à coeur de les refaire aujourd’hui. Je me suis dit : lâche tout, t’as rien à perdre, fonce. Le coach dit que tu peux passer, il faut que tu passes.” Elle conclue rêveuse : “Pas de limite pour la suite, c’est tout nouveau, je veux juste que ça ne s’arrête pas. Je réalise pas, je suis sur un nuage.”

C’est dans ce concours que la seule Lilloise de la compétition était engagée. Marine Breton-Duynslaeger, tout juste junior (moins de 20 ans), a franchi 3,87m, une barre à seulement trois centimètres de son record personnel : “Techniquement, mes sauts n’étaient pas exceptionnels, mais avec l’ambiance ça m’a vraiment motivée. Les quatre mètres, la barre mythique pour la perche féminine, serait un beau palier à franchir sur les prochaines compétitions.”

Du côté des hommes, le concours a vu s’illustrer Jules Cypres et Romain Gavillon, les deux comparses d’entraînement, qui ont livré un très beau mano a mano. Tous les deux franchissent 5,43m et échouent par trois fois, dix centimètres plus haut. Ils sont départagés aux essais en faveur de Jules Cypres. Romain Martin, décathlonien du Lille Métropole Athlétisme, était également présent pour travailler cette discipline. Il repart avec un anecdotique 4,53m, en difficulté techniquement.  

La valse millimétrée des perches, des sauts et des acrobaties au-dessus des barres a encore de beaux jours devant elle. 

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