Entre-mondes de Paul Klee, ou la recherche de l’art originel
Depuis le 19 novembre, le LaM (musée d’art moderne de Villeneuve d’Ascq) propose une exposition sur Paul Klee. L’occasion pour le public de (re)découvrir l’artiste suisse-allemand aux nombreuses facettes.
En pénétrant dans le LaM, bâtiment à l’allure industrielle et rigide, on ne s’attend pas à découvrir une collection aussi colorée qu’excentrique. Et pourtant, c’est le cas. Le musée accueille depuis un mois une exposition consacrée au grand artiste moderne Paul Klee. Né en 1879 en Suisse, il passe par la suite une grande partie de sa vie à Munich. C’est dans la capitale de la Bavière que l’artiste rencontrera des figures grandissantes de l’art moderne, telles que Vassily Kandinsky, Franz Marc et Auguste Macke, au sein d’un groupe d’artistes : Les Cavaliers Bleus. Sous l’aile de ces artistes émérites, Paul Klee a créé son propre style, et s’est donné un objectif qui va rythmer sa vie et son art : identifier la source originelle de l’art. La disposition des salles est telle que le public est confronté au processus de recherche de réponse de l’artiste, dans cette introspection de l’art.
De l’art asilaire au primitivisme, en passant par les dessins d’enfants : un univers vaste
La première salle est consacrée à l’art asilaire. Cette forme d’art est née d’une idée, datant de l’époque des Lumières, qui associait génie et folie. Au début du XXème siècle, les connaissances en psychiatrie évoluent, on diagnostique les premiers cas de schizophrénie, des ouvrages célèbres comme Adolf Wölfli sont publiés… Paul Klee va s’inspirer des esquisses de patients internés pour composer plusieurs aquarelles, comme « Jeune fille possédée ». Cela vaudra à l’artiste d’être exposé lors d’Art dégénéré, l’exposition faite par les nazis pour dénigrer “l’anti art” (c’est-à-dire l’art moderne pour eux) au profil de l’art “classique” allemand. L’exposition présente quelques travaux de l’artiste directement inspirés des compositions de patients d’asiles.
La deuxième salle dévoile au public un autre aspect de son univers : l’intérêt pour les Arts du monde. Avec l’expansion des empires coloniaux, de nombreux artefacts provenant d’Afrique, d’Asie et d’Océanie arrivent en Europe. Les artistes de l’époque vont alors remettre en question le mode de représentation occidental. Mais ce “primitivisme” tel qu’il est nommé est rapidement critiqué pour son ambivalence : les artistes et collectionneurs exploitent pour leur propre compte les vestiges d’une culture menacée d’extinction.
Des esquisses de Paul Klee, arborant des motifs africains, sont exposées le long des murs de la salle.
Une troisième salle met en avant l’attrait du peintre pour l’art préhistorique. En effet, au début du XXème siècle, de nombreux objets préhistoriques gravés et sculptés sont retrouvés. Des sites préhistoriques comme celui de Carnac en Bretagne sont ouverts au public. L’artiste, qui l’a visité, va s’essayer au style des peintures rupestres, comme son œuvre « Paysage aux animaux préhistoriques », ou encore « Bastard »: représentation d’un animal dans le style pariétal, tous deux exposés au LaM.
La dernière salle de l’exposition traite d’une facette assez étonnante du travail de Klee : son intérêt pour les dessins d’enfants. Il s’agit d’un thème qui a souvent été traité par les avant-gardistes notamment, et dont le but était de retourner à l’origine de l’art, à un art qui s’exécute automatiquement au fil du crayon. L’exposition propose plusieurs croquis issus de l’enfance de l’artiste, mais aussi de son jeune fils, avec qui il tient le rôle d’observateur bienveillant. On y retrouve également les petites marionnettes, que Paul Klee confectionnait pour son fils.
Une exposition de grande envergure qui fait des heureux
L’exposition a été réalisée avec l’aide du Zentrum Paul Klee de Bern, qui a mis à disposition plus de 120 œuvres de l’artiste. Et l’on peut d’ores et déjà affirmer qu’il s’agit là d’un carton plein pour le musée. Dès l’ouverture, le public s’y presse. Groupe d’étudiants en art, familles avec enfants, couples…personne n’est mis de côté. Les raisons ? Une grosse campagne de communication, une exposition accessible à tous, et des ateliers proposés aux enfants pour s’essayer à l’art avant-gardiste.
À la sortie, Laurent confie avoir été agréablement surpris par l’exposition : “Il y avait beaucoup d’œuvres de Klee que je n’avais jamais vu. Surtout ses travaux sur le relief comme les marionnettes, les sculptures. […] J’y reviendrai pour revoir l’exposition, je l’ai vu trop vite… ”
Une exposition à voir, jusqu’au 27 février au LaM de Villeneuve d’Ascq.