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Immobilier saturé : la course aux logements des étudiants lillois

Immobilier saturé : la course aux logements des étudiants lillois

Grand Place de Lille © Pixabay

Rentrée immobilière singulière pour la deuxième ville étudiante de France. La capitale des Flandres n’arrive plus à répondre aux demandes de logement. Constructions insuffisantes dans les résidences, arnaques et crise sanitaire, 2020 augmente plus que jamais la difficulté de se loger à Lille.

Avec 121.613 étudiants sur plus d’un million d’habitants, Lille est l’une des villes universitaires les plus prisées. Mais selon le classement du site L’Etudiant, l’immobilier ne semble pas idéal pour les jeunes. L’étude donne un 88 sur 100 à la métropole pour le logement. Un score se basant sur le nombre de lits du Crous (près de 12.400) et le loyer moyen pour un studio dans l’agglomération urbaine (471 euros). La demande dépasse l’offre dans toutes les grandes villes cette année, c’est aussi la pandémie qui joue. Le taux exceptionnel de réussite au baccalauréat général (+ 7,2 points) a envoyé des jeunes supplémentaires dans le Nord. Tous cherchent à se loger.

Plus d’une centaine de réponses aux annonces sur Le Bon Coin

“Je ne compte même plus les mails envoyés et les refus reçus.” Esther, 24 ans, est en stage de fin d’études. Malgré un statut de jeune active, que des bailleurs privilégient, aucun ne lui a tendu la main. Une annonce d’appartement mise en ligne sur internet peut être instantanément supprimée tant les étudiants affluent. La stagiaire passe son temps sur Le Bon Coin au travail, “et quand je sors, c’est l’heure des visites, si je réussis à les avoir”. Seuls les premiers peuvent envoyer leur dossier, dans l’attente de visiter. Après deux mois de recherche et quelques espoirs, Esther, elle, devra se contenter d’un lit d’auberge pour sa première semaine de stage.

Si les propriétaires ne répondent pas, c’est aussi en raison du trop grand nombre de demandes. “J’ai reçu près de 300 et 400 messages et appels en l’espace de trois jours.” Submergée, Sarah supprime son annonce, “je ne peux contacter que les premiers, et je ne peux pas avertir les 300 autres que l’appartement est loué”. Une semaine après, elle s’excuse auprès d’un retardataire. Ce dernier pensait être en avance, il a suffit de deux heures de trop pour manquer une occasion. 

La crise sanitaire, première accusée face à celle de l’immobilier

Les mesures liées aux universités de plusieurs métropoles, assez floues jusqu’à la rentrée, ont retardé la recherche de logement chez les étudiants. Souvent habitués à signer pendant l’été, l’idée du distanciel et d’un loyer inutile a bousculé les plans des jeunes. À partir de septembre, leurs chances s’amenuisent déjà. Aujourd’hui, les groupes Facebook de location débordent de demandes sans réponse.

“J’ai reçu près de 300 et 400 messages et appels en l’espace de trois jours.” – Sarah, propriétaire ayant déposé une annonce sur Le Bon Coin.

Certains ont gardé leur chambre étudiante, suite aux reports des examens et des stages. D’autres s’empressent de renouveler leur bail, tels que les élèves étrangers qui ne peuvent pas encore rejoindre leur pays. D’après une enquête de Médiacités Lille, la résidence Le Belvédère, à Pont-de-Bois, ne proposait que 18 lits en début d’année. En moyenne, 122 dossiers ont été déposés pour chacun d’entre eux. Sans vraiment de solution, l’idée du “100% distanciel” pourrait en sauver quelques-un.

C’est le cas de Pierre*. En licence d’Histoire à l’université de Lille, le jeune homme voit que sa faculté fait des pieds et des mains pour s’organiser autour du Covid-19. Il ne peut qu’attendre les semaines en distanciel pour rentrer chez lui, à Paris. L’étudiant de 20 ans regrette de ne pas avoir pu chercher en juillet, comme d’habitude, mais il ne connaissait pas l’avancement de la crise. En automne, les seules colocations disponibles recherchent des actifs entre 25 et 30 ans, “je ne prends même pas le temps de demander une visite“.

Sa sous-location se termine bientôt. Maintenant, Pierre ne peut que compter sur les vacances pour retourner chez ses parents et attendre un logement disponible début novembre. “Sinon c’est soit l’auberge, soit le Airbnb. Sauf si la fac m’autorise à rester à distance.” Le même engrenage que cet été s’enclenche. Il n’est pas sûr de devoir chercher une chambre. Pourtant, sans certitude sur l’évolution de l’état d’urgence, cela semble nécessaire.

La recrudescence des arnaques

L’histoire d’une étudiante étrangère victime d’une arnaque a atteint les journaux. À Lille, son cas n’est pas isolé. Des propriétaires qui n’habitent pas sur place postent une offre attirante et planifient à distance la location d’un bien inexistant. Julie*, 21 ans, travaille tout le mois d’août et décide de chercher un logement à partir de septembre. Les annonces disparaissent en moins d’une demie-heure, encore. “Un jour je tombe sur un grand appartement, grandes fenêtres, non meublé : environ 500 euros pour 38m2 derrière le métro Gambetta.” L’étudiante en psychologie dort sur le canapé de ses amis depuis quelques semaines et rêve d’un “chez-elle”.

Problème, le propriétaire n’habite pas sur place mais à Troyes. “Il m’avait envoyé son RIB, ses coordonnées, sa pièce d’identité, toutes les informations nécessaires sur l’appartement. Il me demande de verser deux mois de loyer si possible, le premier paiement doit être fait par virement bancaire. J’accepte pour un mois de loyer, de toute façon nous devons nous voir dans quelques jours. Quand j’ai essayé de le contacter la veille pour confirmer notre rendez-vous, il m’a laissée sans réponse.”

Dans la précipitation, elle n’a pas réagi à la demande étrange du bailleur qui lui propose ce studio. Une fois devant l’appartement pour la visite, Julie tombe sur un inconnu. Étonné, il lui assure qu’aucune visite de sa maison n’est prévue. Au commissariat, on rapporte à l’étudiante que sa plainte est inutile, et qu’ils peuvent en recevoir “au moins six par jour à ce sujet”. Quant à l’homme sur la carte d’identité, la jeune femme a découvert qu’il continue de déposer plusieurs plaintes pour usurpation d’identité.

“Il me demande de verser deux mois de loyer si possible, le premier paiement doit être fait par virement bancaire. […] Quand j’ai essayé de le contacter la veille pour confirmer notre rendez-vous, il m’a laissée sans réponse.” – Julie, victime d’une arnaque sur Le Bon Coin.

Payer la caution ou un loyer avant de visiter un appartement constitue une pratique illégale. Mais les jeunes, désespérés, dans une des villes étudiantes les plus chères de France, sont des cibles faciles. Si cette crise n’est pas récente, 2020 accroît les difficultés de l’immobilier dans un contexte particulier.

*Les prénoms ont été modifiés

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