Interview. Hélène Hardy, future cheffe des Verts ?
Engagée depuis plus de 30 ans chez les Verts, Hélène Hardy brigue le poste de secrétaire nationale d’Europe Ecologie-Les-Verts suite à la démission de Julien Bayou en septembre dernier. Candidate sous la motion de l’ »ARCHE », elle souhaite incarner la nouveauté pour parvenir à une candidature commune des partis de gauche en 2027. Les 11,000 adhérents d’EELV sont appelés à voter ce 26 novembre pour élire l’une des six motions.
« Rassemblement », « Résistance » et « Réconciliation », voilà les mots choisis par Hélène Hardy pour décrire son engagement politique. Directrice de la mission locale de Villeneuve-d’Ascq durant une trentaine d’années, elle s’engage dès ses années lycée en politique auprès des « Amis de la terre » et au bureau local des Verts à Villeneuve-d’Ascq, dès l’âge adulte. Sur conseil de son amie Sandrine Rousseau, elle s’investit au Conseil Fédéral des Verts en 2015 et crée la démarche des « Assises de l’écologie et des solidarités » pour regrouper les partis de gauche, les syndicats et des associations. Elle est élue en 2019 lors du congrès d’EELV comme responsable des élections et des relations avec les partis politiques.
Pépère News : Qu’est-ce qui vous différencie, vous, des autres candidates, notamment de Mélissa Camara et de Marine Tondelier, grandes favorites de cette élection ?
Hélène Hardy : On est plusieurs centaines à avoir fait le constat suivant : on a un déficit d’implantation dans les territoires ruraux et les banlieues. Notre différence, c’est que pour nous, ce n’est pas une option. On a trois ans pour faire cette connexion mais surtout pour écouter ces populations, leur besoin d’avenir, les difficultés qu’ils rencontrent. Les alertes écologiques sont des préoccupations qui passent au second plan par rapport au coût de la vie et à la mobilité dans les territoires ruraux. On fait aussi l’état des lieux que nous n’approfondissons pas assez certains aspects dans nos programmes comme la sécurité, la défense nationale, la fiscalité… On ne prend pas assez en compte la manière dont vivent les populations de ces territoires, ni la manière dont on peut y répondre. La rencontre entre les populations des territoires et la pensée globale de l’écologie, c’est ça qu’on veut construire.
Donc c’est ce que je défends, notamment aux réunions hebdomadaires de la NUPES, il faut inclure l’écologie dans la lutte pour le pouvoir d’achat. C’est à ça qu’on est attaché à l’ARCHE, c’est au rassemblement de l’ensemble des problématiques, de l’ensemble des populations et de l’ensemble des partis qui portent le discours qui correspond à ces populations. Je suis persuadée que c’est par le développement de l’action locale que ça fonctionne. Pour conforter notre lien avec les populations, il faut proposer une réflexion de la part de tous.
Notre deuxième différence, c’est qu’on est déjà dès maintenant, dans une stratégie d’alliance. On doit être capable dans trois ans, au moment où on se demandera qui sera candidat à l’élection présidentielle, d’avoir travaillé un programme commun du mouvement écologique et des partis de gauche. On a bien vu qu’après les législatives, l’alliance n’a pas perduré. On a manqué de dynamisme, les électeurs des différents partis sont méfiants vis-à-vis des autres et en plus, les partis entre eux n’ont fait que s’interpeller au lieu de fraterniser. Il ne faut pas qu’on reste dans notre coin. Le but est de créer une dynamique de rassemblement pour que les électeurs des différents partis soient prêts à voter pour un candidat commun, car il y aura une crédibilité construite bien en amont.
Pépère News : Est-ce que vous pensez que cette candidature commune peut réellement se faire ? Que le bien commun puisse être atteint sans guerre d’égo ?
H.H. : Oui, car ça marche par génération. La dernière génération a vu qu’on a échoué sur la question de l’élection présidentielle, qu’on a manqué de cohérence et que la gauche s’est divisée en 5 candidats. On a besoin de travailler un programme commun. Et tout ça, on le propose dès maintenant. Lors du dernier congrès d’EELV, Julien Bayou a terminé son discours en disant qu’on aurait un candidat écologiste issu de nos rangs. J’ai alors pensé que ça fermait le jeu, qu’il faudrait avoir un candidat qui porte le plus d’orientations possibles.
Pépère News : Vous parlez de changer de système et justement il y a un terme qui est presque tabou chez EELV, c’est le terme de « décroissance ». Vous, vous prônez une décroissance juste. Concrètement qu’est-ce-que c’est ?
H.H. : La population est maintenant suffisamment alertée, avisée pour comprendre qu’on a atteint les limites de la planète et qu’il faut consommer moins, car à ce rythme-là, on met en danger l’ensemble du vivant. Oser porter le terme de décroissance, c’est un choix de discours. On ne veut pas éviter des sujets qui peuvent être plus difficiles à faire accepter. Il faut qu’on rentre dans le slogan que la décroissance c’est moins, mais mieux. Moins de consommation mais du mieux vivre, moins d’activité productive mais des biens plus durables. C’est une formule plus compréhensible, moins inquiétante que le terme de décroissance. Mais on utilise quand même ce terme car ça permet d’ouvrir le débat. La décroissance, elle est juste si elle est accompagnée d’une politique redistributive différente de celle qui existe aujourd’hui. C’est-à-dire que ceux qui sont dans des difficultés financières importantes, qui sont aux minimas sociaux, que la part dont ils disposent pour leur pouvoir d’achat, va augmenter.
Les classes supérieures et moyennes qui veulent aller deux à trois fois par an à l’autre bout de la planète pour y passer huit jours, ça n’existera plus. Il y a un certain nombre de mobilités qui n’existeront plus, ou ça se fera très exceptionnellement. Pour les classes populaires qui ont peur de perdre tout ça, ça ne changera rien puisque qu’ils n’y ont que très peu accès. À l’inverse, leur temps de travail pourrait être diminué et ils auraient plus de congés. Donc vivre mieux avec moins de consommation des ressources de la planète.
Pépère News : Samedi 19 novembre, il y a eu partout en France des rassemblements contre les violences sexistes et sexuelles (VSS) et pour la Journée du souvenir trans (TDOR). Vous y étiez, comme d’autres membres du parti. Que pensez-vous de la politique du parti sur ces sujets, notamment depuis l’affaire Bayou ?
H.H. : Nous, on a bien conscience qu’on a des personnalités politiques qui ont une appétence au pouvoir, qui ont des attitudes dominatrices. Dans leurs relations personnelles, ça se traduit et ça renvoie à toute la culture du patriarcat.
On a mis en place une cellule interne, qui se fait dans l’anonymat. Il y a trois phases d’instruction : l’investigation, la présentation des éléments de mise en cause à la personne concernée et les recommandations de la cellule sur ce qui doit être fait et mis en place. En théorie, si ça ne met pas des années à aboutir, ça fonctionne.
Il y a quand même des aménagements qui pourraient être fait, comme externaliser cette cellule avec les membres d’EELV, pour que certaines personnes puissent aider. La cellule peut aussi sanctionner, si elle considère que les faits dont elle a été alertée peuvent mettre en danger d’autres personnes dans le cadre du parti. On se remet souvent en question pour savoir comment perfectionner le système par rapport aux remarques des plaignantes et plaignants, notamment sur l’influence que certaines personnes du bureau exécutif pourraient avoir sur la cellule. Un bilan doit être tiré en février, pour que les gens élus lors du congrès [du 10 décembre] prennent les mesures adéquates.