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Novembre de Cédric Jimenez, ou comment représenter le chaos

Novembre de Cédric Jimenez, ou comment représenter le chaos

En salles depuis le 5 octobre 2022 et présenté au festival de Cannes, Novembre de Cédric Jimenez retrace le travail de la sous-direction antiterroriste pendant les cinq jours qui suivirent les attentats du 13 novembre 2015. Un film nerveux, maîtrisé et puissant, qui est déjà annoncé comme un succès au box office.

Un pari réussi pour le cinéaste Cédric Jimenez

Après le succès de Bac Nord (2020), le réalisateur s’intéresse cette fois au travail et à l’enquête des services de la Sous-Direction Anti-Terroriste (SDAT) et de la Direction Générale de la Sécurité Intérieure (DGSI). Comment décrire le chaos, l’irreprésentable ? C’est la question que s’est posée Cédric Jimenez.

Le film commence avec des appels à répétition, avec des personnages qui s’arrêtent net suite à un coup de fil. On comprend alors qu’il se trame un événement dramatique, et qu’il s’agit du début d’une semaine de cauchemar. C’est le commencement de l’enquête et de la traque haletante des terroristes, l’ouverture d’une course contre la montre où l’on ressent la nécessité de faire vite, très vite.

Novembre fait partie de ces films qui vous tiennent en haleine jusqu’au bout, de ceux dans lesquels on rentre tout de suite dans l’ambiance, et desquels on sort éreinté. Sans aucune longueur, on suit cette enquête comme si on y était. Un film à la fois trépident et captivant, avec une tension constante. Novembre est un pur film d’action. Le montage est très dynamique, efficace, et brusque. Pendant 1h40, le spectateur est en apnée.

Évoquer la « soirée de l’horreur » avec justesse

Le réalisateur s’attaque à un sujet sensible. Il choisit de mettre en scène les attentats sans jamais les montrer, d’en parler sans vraiment les voir. Dès le début, les scènes d’horreur sont remplacées par des sonneries de téléphone ainsi qu’un bourdonnement incessant. La reconstitution de ces faits étant « irréalisable », Cédric Jimenez choisit cette méthode pour décrire la panique de cette « soirée de l’horreur ». La seule violence visible est celle de l’assaut de l’appartement de Saint-Denis où est caché le terroriste Abaaoud, qui est, selon l’auteur, la seule représentable.

Le film s’inscrit, par ailleurs, entre fiction et réalité. On voit des extraits du match France/Allemagne, le discours de François Hollande, les journaux télévisés, et les photos des terroristes. Pour autant, l’enquête est adaptée à la fiction et les personnages demeurent fictifs. L’enquête reste cependant très documentée, C. Jimenez s’est d’ailleurs appuyé sur les rapports de police de l’époque pour écrire Novembre. En revanche, le réalisateur n’établit pas un éloge des policiers dans son film. Il insiste en effet sur les erreurs commises, parfois lourdes de conséquences.

Ainsi, il est intéressant d’aller voir du côté de ceux qui étaient en première ligne lors du 13 novembre, de ceux pour qui cette soirée a marqué leur vie, a sonné le début d’années d’enquête. Jean Dujardin, qui joue l’acteur principal et le représentant de la sous-direction antiterroriste, affirme notamment à la fin du film que « pour les citoyens c’est une enquête bouclée, pour nous elle ne fait que commencer ».

Jean Dujardin s'adressant à ses collègues
Extrait du film Novembre © David Koskas

Le choix de réduire les personnages à leur fonction

Novembre dispose d’un casting prestigieux. Entre Jean Dujardin, Jérémie Renier, Sandrine Kiberlain, Anaïs Demoustier et Lyna Khoudri, le jeu d’acteur est de grande qualité. Les personnages restent cependant réduits à leur fonction. Jimenez fait le pari de ne donner aucune allusion à leur vie privée. On ne voit que les filatures, la fatigue, le bureau, les mises sous écoute, et le temps qui presse pour arrêter ces terroristes en fuite. On devine que Jean Dujardin et Sandrine Kiberlain sont des chefs de service, qu’ils sont importants, compétents, mais on ne sait rien d’eux. La caméra de Cédric Jimenez reste concentrée sur l’action des personnages, non sur leurs sentiments.

On peut quand même observer quelques rares moments de liens entre personnages, notamment entre Anaïs Demoustier et Lyna Khoudri. L’une est dans le service antiterroriste, l’autre est une source de renseignement. Se tisse alors un beau lien, émouvant, entre ces dernières, qui traduit la qualité d’interprétation des deux actrices. Ainsi, le thriller Novembre fait le choix d’une enquête qui prime sur les personnages. Si pour certains cela peut déranger, ce film s’empare du réel avec justesse.

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