Pierre Cardin, le futur au bout des doigts
Alors que les femmes sortent à peine leurs pantalons et ne dévoilent que très peu leurs mollets, Pierre Cardin les imagine plus loin, quasiment dans l’espace. Ce grand styliste visionnaire est mort à 98 ans, fin 2020. Amoureux de la mode, il l’aura révolutionnée selon ses goûts. Retour sur un style bien spécial qui a bouleversé la haute couture.
La mini-jupe de Courrèges, le costume de Saint-Laurent et les inventions de Pierre Cardin, c’est ça la nouvelle mode ultramoderne des années 1960. Scandaleuses, ses idées étonnantes vues sur les podiums jusque très récemment permettent au maître de l’avant-gardisme d’entrer dans l’histoire.
Une mode pas comme les autres
Tout commence en 1949. Premier tailleur de Christian Dior, il imagine avec son employeur le “New Look“, cette mode d’après-guerre qui veut offrir une nouvelle silhouette aux femmes. Une veste blazer très cintrée à la taille et aux épaules arrondies, qui tombe sur une jupe arrivant sous les genoux. Cette forme glamour renverse les codes de la mode féminine et place le créateur, comme Paris, en précurseur de la haute couture.
C’est sûrement dans ce même esprit, de créer des “femmes fleurs”, que Pierre Cardin monte sa propre maison et présente en 1954 la robe bulle. Délicate et bombée sous la taille, voilà que ce nouveau design lui offre une première reconnaissance du public. Il étudie des formes plus décalées, sphériques, et ne s’attarde pas sur les codes de la mode actuelle. Une audace qui lui apporte un de ses plus grands succès lorsqu’en 1963 Les Beatles en personne portent le costume “Mao”, costume sans col aux inspirations chinoises.
Le visionnaire profite de la guerre des étoiles, dans les années 1960, pour envoyer ses modèles dans l’espace. En 1965, affublées de robes colorées aux formes géométriques et même de couvre-chefs aux allures de casques spatiaux, ses mannequins présentent la collection Cosmos. Structures du vêtement, formes et couleurs, diffèrent de ce à quoi la haute couture est habituée. Avec Pierre Cardin, le vinyle, le plastique et le caoutchouc habillent les podiums.
Son style sera soutenu jusqu’au bout par Jean-Paul Gaultier, admiré par Jeanne Moreau, et lui vaudra trois fois la plus grande distinction de la haute couture française, le Dé d’Or.
L’homme des défis et du prêt-à-porter
L’étiquette Pierre Cardin ne pouvait pas rester attachée aux prestigieux défilés parisiens. En 1959, le créateur lance sa première ligne de prêt-à-porter féminin. Selon lui, la mode devrait être accessible à toutes, et c’est au Printemps qu’il présentera sa collection. Il souhaitait pouvoir habiller “aussi bien la Duchesse de Windsor que les concierges”. Dans sa liberté Pierre Cardin est inspiré, il annonce l’avènement des pièces prêtes à être portées. Et même bientôt pour les hommes, qu’il fera défiler avant tous ses collègues.
Pour cet enfant d’immigrés italiens, la mode n’était pas suffisante. Encore à la tête de sa maison, il révolutionne aussi la manière d’être créateur de mode en combinant ce rôle à celui d’homme d’affaires. Fasciné par le pouvoir d’achat de la classe moyenne, il dérive ses produits à grande échelle. Pierre Cardin impose sa marque, son nom, sur tout ce qu’il peut : des cigarettes aux voitures, en passant par les bouteilles d’eau !
Homme d’affaires et de culture, sa fortune profite aux théâtres et autres établissements culturels. Commandeur de la Légion d’Honneur et ambassadeur honoraire de l’Unesco, il acquiert le fantastique Palais Bulle, chef d’œuvre architectural qui trône sur les côtes de Théoule-sur-Mer. Un nom et des formes qui ne sont pas sans rappeler celui de sa première robe “de rêve”. En 1992, il obtient également sa place à l’Académie française, devenant le premier couturier à y entrer. Il organisera un défilé en hommage à l’habit vert, bordé de rameaux vert et or.
Son imagination débordante l’aura accompagné pendant 70 ans. Le génie et l’impact de Pierre Cardin sur la mode resteront comme tous les Académiciens, immortels.