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Qui pour sauver les sans-abri lillois ?

Qui pour sauver les sans-abri lillois ?

Voilà plus d’une semaine que les Français sont confinés pour éviter la propagation du coronavirus. Tous, sauf les sans-abri, pour qui une prise en charge s’avère plus que nécessaire. Seuls dans les rues, sans protection, sans nourriture ni contact humain, la propagation du virus les rend encore plus vulnérables. Et le confinement est, pour des raisons évidentes, un protocole qu’ils ne peuvent appliquer. Quelles sont alors les alternatives pour leur assurer une protection sanitaire et sociale ? Entre mairie impuissante et associations démunies, qui peut relever ce défi ?

Les défis du confinement

“On se rend compte qu’on est très impuissants, qu’on a peu de moyens pour agir.” Juliette, membre de l’association lilloise Action Maraude, confesse que les associations d’aide envers les sans-abri sont désemparées. Le confinement ajoute une difficulté supplémentaire. En effet, au-delà d’une gestion sanitaire, les sans-abri ont également besoin de nourriture et de lien social. Seulement, la restriction de déplacement a drastiquement réduit la possibilité de les aider : les personnes sortent très peu, s’arrêtent encore moins qu’avant, et les associations se voient limitées dans leurs actions.

“On peut organiser des maraudes ; la police considère qu’il s’agit d’une activité professionnelle. Mais en nombre très restreint et avec peu de moyens. On ne peut distribuer que très peu de repas, préparés chez nous, ce qui implique qu’on doit nous-mêmes les transporter”, nous explique Juliette. Et quand bien même la ville de Lille a fourni des gants et du gel hydroalcoolique pour permettre d’assurer les maraudes, il reste un autre problème. “Je vis avec ma mère, je ne veux pas prendre de risques en me déplaçant, ainsi peut-être contaminer les autres et après contaminer ma mère.”

Lille est abandonnée, lugubre et à l’arrêt. Crédit photo : Alexandre Schmidt/Collectif Gerda

Là est la vraie difficulté : à leur échelle, les associations sont désemparées par le manque de moyens et d’actions. Soumises aux exigences du confinement, qui s’avère nécessaire pour limiter la propagation du virus, elles ne peuvent que contempler une situation révoltante d’abandon des plus précaires. Alors, que faire ? La réponse à ce dilemme cornélien : une prise en charge par les pouvoirs publics.

Mais alors, que fait le beffroi ?

La semaine dernière, la ville de Lille a réagi à cet impératif social et sanitaire en mettant gratuitement à disposition l’auberge de jeunesse Stéphane Essel, dont les 53 chambres doivent dès que possible accueillir des personnes qui sont encore à la rue. Elles constituent ainsi des chambres supplémentaires, qui viennent compléter celles réquisitionnées par l’État dans les hôtels. La mairie indique également que l’association La Deûle a rouvert l’accès à des douches gratuites et que Sauvegarde du Nord continue d’assurer la “distribution alimentaire à destination des personnes qui vivent dans les campements Roms”.  Le plan d’hébergement hivernal, en chambres collectives, a quant à lui été prolongé jusqu’au 31 mai. Malheureusement cela n’est pas suffisant et ne permet pas d’instaurer un confinement sécurisant et efficace. Les associations dénoncent un discours à deux vitesses, qui ne répond pas aux exigences de la situation.

Les sans-abri sont encore plus isolés, et les associations se sentent délaissées par l’État, responsable de tous ses citoyens. Bien que des discussions quant à leur gestion aient été ouvertes, on ne perçoit pour l’instant aucune réelle solution. Au lieu de cela, on a observé la semaine dernière des sans-abri verbalisés à Lyon faute d’avoir leur attestation de déplacement. Ou à l’opposé, on écoute, impuissants, le témoignage sur BRUT d’un sans-abri qui explique que les policiers ne l’interpellent pas alors qu’il erre dans les rues sans la précieuse autorisation. Sa présence est invisibilisée. Entre injustice et ignorance, l’État manifeste son inaction.

Face à l’inaction, les associations essaient de tenir le coup

Face à l’inefficacité de la mairie, les associations tentent de tenir la cadence comme elles peuvent. L’ABEJ solidarité reste donc ouverte pour les haltes de nuit. Les sans-abri peuvent bénéficier d’un repas chaud, d’un lieu où dormir et laver leurs vêtements. Le Point de Repère, qui reçoit environ 90 personnes par jour, gère aussi l’urgence avec les moyens du bord. Plusieurs autres structures suivent le pas, comme La Friche Saint Sauveur, ouverte pour accueillir ceux qui ont le plus besoin.

Une distribution de repas a également été mise en place dès le jeudi 19 mars au soir. Ainsi, les personnes vivant dans la rue peuvent en bénéficier chaque jour entre 19h30 et 21h à deux endroits de la ville : place de la République, dans le centre (grâce aux associations L’île de Solidarité et Humanit’Aide), et à Wazemmes, sur le site Sainte Colombe des Restos du Cœur.

L’altruisme comme dernier rempart

Mais une association ne marche pas toute seule. En effet, le besoin de bénévoles est flagrant, que ce soit pour la distribution de nourriture ou pour simplement instaurer un dialogue. Mais encore une fois, l’impasse est la même pour toutes les associations : comment concilier les exigences du confinement et le besoin de bénévolat ?

Des alternatives sont mises en place à l’initiative des habitants. Crédit photo : Chloé Lavoisard/Collectif Gerda

Sans collaboration et soutien, une prise en charge des sans-abri s’avère impossible. Aujourd’hui plus que jamais, l’appel à la générosité, au bénévolat et au bon sens sont de mise. Dans un contexte où un engagement sur le terrain est difficile à envisager, d’autres alternatives sont possibles. Plusieurs associations ont mis en place des cagnottes en ligne, à l’exemple de celle  de l’Auberge des Migrants, d’Action Maraude ou d’Utopia. Il est également possible de faire des dons de nourriture, notamment à l’arrêt Pont de Bois, au niveau du pont sous le métro, proposé par le collectif Fête la Friche. Des pétitions sont également mises en place pour interpeller les pouvoirs publics sur leur inaction. De plus, on peut faire des dons et appeler la Croix Rouge Lille ou bien La Fondation l’Abbé Pierre qui sont aussi en capacité de vous éclairer sur les différentes manières d’agir à notre échelle.

Dans cette situation inédite, ne laissons pas les plus démunis encore plus en danger qu’ils ne le sont déjà. L’entraide et la solidarité sont essentiels, et doivent résister face aux jours sombres qui s’annoncent.

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