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Rencontre avec Nils Handz, artiste en devenir

Rencontre avec Nils Handz, artiste en devenir

Nils Handz, de son vrai nom Nils Handtschoewercker, a sorti le 31 mai 2019 son premier EP solo : « Torturêve ». Membre du groupe en devenir “Le Renard et la Tortue”, il se considère compositeur de chambre d’une musique de tortue totalement “home-made”, classée alternative-hip/hop. Deux de nos rédactrices sont parties à sa rencontre…

C’est dans un bar parisien que Nils nous a donné rendez-vous. Il est arrivé bonnet sur la tête, lunettes sur le nez et Docs aux pieds. Sous ses allures de vingtenaire parisien, mi-timide, mi-téméraire, Nils nous a facilement livré sa relation avec la musique, son parcours et ses ambitions personnelles.

La musique comme destination

Nils Handz a commencé la musique au conservatoire dont l’ambiance scolaire l’a petit à petit dégoûté et amené à explorer d’autres horizons. Après 6 ans de violon, il s’essaie au piano, outil aujourd’hui indispensable au monde mystérieux de la prod, et se tourne vers cette “musique de chambre”, musique qu’il peut créer en toute indépendance sur son ordinateur. “Ce qui m’a donné le déclic, c’est les leçons de Stromae où il montre comment il compose un son… J’ai toujours été fan de Stromae. Il a un monde fou, il m’a vraiment donné envie. Je me suis dit, je peux faire ça moi aussi”. 

Parce que si Nils chante et rappe, il compose aussi lui-même sa musique, ou du moins en partie. Avant la musique, il y a eu la danse puis le théâtre. Et les trois en même temps. Sur les pas de son grand-frère (Léowalkinparis, créateur de la compagnie de danse La marche bleue), il commence le break-dance très jeune, multiplie les concours, gravit les podiums et voyage avec sa troupe.

S’il faut approfondir un de ces trois domaines artistiques, aboutir à un projet sérieux, c’est la musique qu’il choisit. Sans doute parce que pouvoir créer son propre son avec un simple clavier peut être extrêmement séduisant. “J’ai fait une école de danse mais quand je rentrais chez moi je faisais uniquement du son jusqu’à je-sais-pas quelle heure, c’est ça qui m’anime vraiment du matin au soir. C’est créer des morceaux”. 

Fils d’artiste, son enfance a été bercée par ce milieu, pour son plus grand bonheur. “Mes parents m’ont toujours poussé à aller vers cette voie là. Quand on était petits on allait voir pas mal de spectacles, mon père composait aussi. Il faisait des concerts ; le voir chanter, ça m’a attiré”. 

“Le Renard et la Tortue” : de la chambre à la scène

C’est dans la continuité de son évolution dans le monde de la musique que Nils a posé son premier pas de chanteur, au cœur de Jaurès, dans l’Abracadabar avec Loufox. Loufox, c’est Louis, l’autre membre de son groupe “Le Renard et la Tortue”, créé il y a deux ans. Il s’en souvient comme l’un de ses meilleurs concerts.  “Il y avait une ambiance… C’était notre tout premier, du coup tous nos potes sont venus, on avait foutu un bon feu. Mais c’était quand même super stressant, j’avais déjà fait de la scène avant à travers la danse et le théâtre mais jamais à travers la musique. Et chanter, surtout quand c’est tes propres compositions, c’est se mettre à nu.” 

Le Renard et la Tortue, c’est l’association de deux ados passionnés qui rappaient chacun dans leur chambre avant de se réunir. D’abord dans la rue avec des freestyles, puis plus sérieusement depuis deux ans avec deux concerts à Champigny et dans quelques bars.

Crédits : Champigny94

Le duo enregistre chez Nils, met en scène ses différents morceaux autour du théâtre et de la danse et s’octroie une liberté absolue de création, sans label sur son passage. Demandés en Suisse et à Bruxelles, Nils et Louis envisagent une tournée provinciale imminente pour répondre aux « c’est quand que vous venez ? » des quelques fans qu’ils accumulent déjà. “On est juste deux petits gars qui kiffent ce qu’ils font, qui font maison, naturel et sans filtre”. Si vous ne les connaissez pas déjà, on vous invite à écouter “C’est beau c’est bien c’est bio”, un titre à leur image.

Un style “old school” qui rejoint la scène indé française

Lorsqu’on lui demande qui l’inspire le plus aujourd’hui, Nils répond sans aucune hésitation James Blake. “Il est trop fort, les prods… Il a une voix… Je suis jaloux de lui en fait”. Puis de manière évidente Serge Gainsbourg, les Beatles – précurseurs de la pop actuelle selon lui –, et à ses yeux le futur de la chanson française : l’unique Flavien Berger.

Du côté des influences de son enfance, il y en a “des tonnes“. “Avec mon frère et mes proches, on a baigné dans le hip hop avec le breakdance. On écoutait beaucoup de rap américain des années 90. Mais ce que mes parents m’ont transmis, c’est à la fois de la musique classique, de la chanson française, du Jacques Brel ou du Brassens… J’écoute plein de styles différents, c’est ça qui fait que ma musique est un mélange.”

Mais les artistes sont loin d’être son unique source d’inspiration. “En fait ce n’est pas juste la musique qui m’inspire, c’est autant les films que je vais voir, que des pièces de théâtre. J’essaye de me nourrir de tout ce que je vois.” Il précise être “autant inspiré par ce qui se passe dans le métro que dans le monde de la musique” dont il essaye d’ailleurs de se détacher pour ne pas faire “par rapport à”.

Entre Paris et la banlieue

Nils a grandi à Champigny dans le 94, naviguant entre Paris et la banlieue. Il ne rejette pas cette dernière, bien au contraire. S’il est issu d’une famille de classe moyenne, il a avoisiné des quartiers difficiles, comme celui du Bois-l’Abbé où a été tourné “Banlieusards” de Kery James, sorti en 2019 sur Netflix.

La banlieue, il l’aime, il la considère comme son maître à penser, son jardin d’Épicure, sa palette de peinture encore blanche qui ne demande qu’à accueillir l’art sous toutes ses couleurs et ses formes. Sans être dans la revendication, il perçoit tout de même son origine banlieusarde comme une force au regard des Parisiens. Sûrement parce que, comme il le dit, “les gens de banlieues ont plus la dalle de réussir, déjà juste pour accéder à Paris”.

En deuxième année d’école de musique MAO (musique électronique par ordinateur) à Paris après un bac littéraire spécialité théâtre, Nils compte aujourd’hui sur son ordi plus de 110 morceaux prêts à éclore. Classé en Top Viral en début d’année scolaire sur Spotify, il est encore surpris qu’on l’ait reconnu dans la rue en Normandie, hors de sa ville natale : illustration de sa simplicité. 

Torturêve“, un premier EP qui n’a pas coulé

Nils a sorti cette année son premier EP « Torturêve » en indépendant, dont une version physique a vu le jour il y a quelques mois. “On a tout fait main, on a acheté les CD et fait les pochettes, avec des potes qui sont dans le milieu de l’art”. 

Dans ses morceaux et ses clips, Nils nous partage un univers rempli de références à l’enfance et à son désir de liberté. “La musique c’est un putain de moyen de m’exprimer, je suis un mec assez réservé, j’ai pas tendance à beaucoup parler de ce que je ressens, et la musique me permet de dire tout ce que je pense, donc j’essaye de mettre le moins de filtres possibles. 

Pochette de l’EP “Torturêve”

Le morceau “AQUABON”, 1er de son EP, est celui dont il est le plus fier. “Je trouve que c’est le plus recherché au niveau de l’univers. J’ai mis un an à le faire, y a eu plein de structures différentes, la prod a changé 10 fois et au final c’est celle qui a le moins marché. Mais oui c’est celle dont je suis le plus fier, parce que j’ai beaucoup bossé dessus, je dis peu de mots mais j’exprime beaucoup ce que je ressentais à l’époque.”

Originaire du Portugal, des Flandres, du Vietnam et de l’Inde, Nils s’associe lui-même aux tortues, pour sa lenteur et parce qu’il admire cet animal intriguant. Mais l’univers aquatique qui prédomine son premier EP, il ne le gardera pas à vie : “ça peut vite m’enfermer et être répétitif, j’ai encore la terre, le feu et tous les autres éléments à explorer !”.

L’univers des jouets, fil rouge de sa création

À en croire son compte Instagram, Nils est un amateur de jouets. Les vidéos qu’on y trouve sont pleines d’objets de notre enfance, de la peluche aux Playmobil en passant par les créatures farfelues avec lesquelles on s’amusait.

Lorsqu’on lui demande s’il est mélancolique de l’enfance, il répond : “Quand j’ai commencé à poster mes premières vidéos sur Insta avec des jouets, c’était vraiment pour déconner. Je fouillais dans mes jouets et je me suis dit que ça serait trop bien de faire une vidéo où je les mettrais en scène, où ce serait eux les personnages, les musiciens. Je trouve que les jouets dégagent beaucoup de trucs de notre vie à nous. Mais c’est vrai que je suis quelqu’un d’assez nostalgique de l’enfance, j’ai pas toujours envie de grandir. On me parle souvent des Playmobil mais en fait j’ai le seum parce que moi c’était plus les Lego, mais mes parents les ont tous revendus.”

Les réseaux sociaux comme tremplin

Instagram, comme pour un certain nombre d’artistes émergents de nos jours, c’est aussi ce qui l’a propulsé et l’a rapidement fait connaître. “Aujourd’hui c’est clairement une chance d’avoir des réseaux, ça te permet de passer de ta chambre au grand public. Personnellement ça m’a permis de m’exprimer, de montrer que je pouvais faire de la musique, que je pouvais faire le con avec mes jouets. Je vais pas dire que tout le monde “perce” comme ça, mais un petit peu quand même.

Il considère malgré tout ce réseau comme le reflet du narcissisme à son apogée, comme un “ besoin de retour et de positif, de montrer la vérité et d’être honnête. Ça grandit en même temps que les gens l’utilisent, les spectateurs recherchent de plus en plus des univers différents, et ils se lassent beaucoup plus vite avec les plateformes de streaming, alors c’est dur de faire la part des choses.” En conclusion, pour cet enfant de la génération Z, le bouche à oreille reste le meilleur moyen de “percer”.

Des ambitions à suivre de près

Quant à ses projets futurs, Nils se concentre sur son duo : “On arrive à se compléter sur scène, mais aussi lorsqu’on crée des morceaux. Mon rêve ça serait, avec Le Renard et la Tortue, de faire des plus grosses scènes, de faire des tours de France. D’élargir la bulle”. Soyez prêts à accueillir, courant 2020, un EP de ces deux “bêtes” de scène et de musique. 

Bref, un jeune créateur plein d’ambitions à la recherche de salles toujours plus grandes et remplies. “Avec Le Renard et la Tortue on a fait pas mal de bars dans Paris, c’était des petits bars. Mais c’était une putain d’expérience, tous ces petits bars. Je pense qu’ils vont beaucoup nous apporter pour plus tard, les plus grandes scènes, “inchallah”. Je touche du bois, ah y en a pas ! C’est du plastique… Bon bah c’est mort j’vais rester à Champigny toute ma vie…” On vous encourage à checker son nouveau son  Sur mon nuage (disponible sur toutes les plateformes) pour faire sortir la tortue de son bocal !

Tâchons de suivre de près Nils Handz, fruit de la nouvelle vague d’artistes indépendants que voit naître la France dans une société toujours en quête de nouveauté, avec qui il est bon de boire une pinte et d’échanger sur les péripéties de la vie. 

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