Rénovation thermique, la demande principale de la grève étudiante pour le climat du 10 mars
« Les quatre saisons ce n’est pas que pour ma pizza », « les dinosaures pensaient aussi qu’ils avaient le temps », « les bronzés ne feront plus de ski », voilà ce que l’on pouvait voir sur les pancartes brandies à bout de bras par les jeunes lillois, le vendredi 10 mars. Cette grève étudiante pour le climat, prévue depuis quelques mois, s’est trouvée être par hasard en même temps qu’une semaine de manifestations contre la réforme des retraites. Cet événement était co-organisé par Fridays For Future France Lille et Youth for Climate.
Cette grève du 10 mars avait pour revendication une meilleure prise en charge gouvernementale de la rénovation thermique. Pour mieux comprendre cette demande, le Pépère News a rencontré Juliette Burzlaff, membre de Fridays For Future Lille.
La rénovation thermique, késako ?
Tous les logements, qu’ils soient plus ou moins bien isolés, sont notés de A à G sur le diagnostic de performance énergétique (DPE). Ce diagnostic évalue la consommation du logement en énergie et son impact en termes d’émissions de Gaz à Effets de Serre (GES). En 2022, plus de 17% des logements en France étaient notés F ou G sur le DPE. Ils sont appelés « passoires thermiques » car ils isolent mal, de sorte que l’hiver, il fait très froid et l’été, très chaud. Ceux notés A et B ne représentent, à contrario, que 5% des logements.
Mais la température n’est pas le principal problème, il y a aussi le coût et l’impact écologique. « Ces logements appelés passoires thermiques sont des catastrophes climatiques« , alerte Juliette. Ils ne représentent pas moins de 20% des émissions de GES en France.
Pour se donner une idée, 12 millions de français vivent dans des passoires thermiques, ils sont donc en situation de précarité énergétique. Et seulement un bâtiment sur cinq est isolé correctement.
La demande
La demande faite au gouvernement consiste à rénover et isoler les logements à hauteur d’un million de bâtiments par an, afin d’atteindre le 0% net d’émissions en 2050. Ce pourcentage nul ne veut pas dire qu’il n’y aura plus d’émissions de GES mais que toutes les émissions seront compensées. À la fin de l’année 2022, le gouvernement avait assuré avoir rénové 700.000 logements sur l’année. « Ce n’est pas vrai« , reprend Juliette. « Alors oui ils ont rénové, mais seulement 60.000 l’ont été entièrement, c’est-à-dire un changement total d’isolation de la maison« .
Cette demande a un coût estimé à 38 milliards d’euros par an. 18 milliards seront financés par le gouvernement et 20 milliards seront négociés auprès des banques pour que les ménages puissent emprunter à un taux de 0%. Cette demande de rénovation a une « deadline » : à partir de 2025, il ne sera plus possible d’acheter ou de louer un logement qui est une passoire thermique.
« On a plus le choix là, c’est tout de suite, c’est maintenant« , Juliette, membre de Fridays For Future Lille
« L’objectif c’est horizon 2050«
Pour que l’accord de Paris soit entièrement respecté, il faut qu’un million de bâtiments soient rénovés par an en France. L’accord de Paris est un traité international sur le changements climatique. Adopté lors de la COP21, cet accord est entré en vigueur début novembre 2016. Son objectif principal est de « maintenir l’augmentation de la température moyenne mondiale en dessous de 2°C« . Pour rénover autant de logements en si peu de temps, il faut répondre à un autre enjeu : la formation de 400.000 nouveaux artisans dans le secteur du Bâtiment et des Travaux Publics (BTP).
Malheureusement, c’est un domaine avec des salaires peu élevés et des conditions pénibles. C’est pourquoi, comme le dit Juliette, « il faut rendre ces milieux attractifs et arrêter d’y envoyer et d’y orienter les moins bons ou mauvais élèves« . Il est d’autant plus important de mettre en valeur ces métiers que la nouvelle génération pourrait s’y retrouver. « Les jeunes ont besoin de métiers qui ont du sens. Avec cette rénovation thermique, travailler dans le BTP signifie s’activer pleinement dans la lutte contre le réchauffement climatique », affirme Juliette.
Pour réussir l’objectif 2050 et la rénovation totale, la France a besoin d’un certain nombre d’artisans. Les organisations manifestantes demandent la création d’académies territoriales spécialisées qui donneraient le chiffre exact d’artisans à former selon les besoins dans le secteur.
Cette grève pour le climat visant la rénovation climatique n’a, vu de l’extérieur, pas de point commun avec les manifestations contre la réforme des retraites. Juliette Burzlaff explique pourtant que les deux sont liés puisque la réforme des retraites va obliger les artisans à travailler plus longtemps. Cela participe donc encore plus à baisser l’attractivité du métier. « Avoir un mauvais capital économique, un mauvais capital social et en plus de ça des conditions de travail pénibles, c’est invivable surtout si l’on doit travailler encore plus longtemps« , explique Juliette.
Ainsi, cette manifestation du vendredi 10 mars, date décidée il y a plusieurs mois, s’est retrouvée au milieu de la semaine de mobilisation contre les retraites. Un hasard de l’agenda bienvenu puisqu’il n’y a pas de justice sociale sans justice climatique, et inversement. « Travailler plus c’est consommer plus donc évidemment ce sont des causes qui sont liées« , insiste Juliette. Elle exhorte le gouvernement à prendre conscience que continuer dans l’idéal de la croissance infinie et la recherche perpétuelle du profit est incompatible avec la lutte contre le réchauffement climatique.