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Sans papiers et Covid-19, à situation exceptionnelle mesures exceptionnelles ?

Sans papiers et Covid-19, à situation exceptionnelle mesures exceptionnelles ?

Un migrant nous montre les vêtements que lui ont donnés les bénévoles ©Chloé Lavoisard

Le 20 avril 2020, Génération.s Lille interpelle dans un communiqué le préfet du Nord, Michel Lalande, sur la situation que traversent les “éxilé.e.s”, sans-papiers et sans-abris, dans le contexte de la crise du Covid-19. Face à des enjeux d’ordres sociaux, sanitaires et administratifs, le mouvement appelle la préfecture à appliquer des mesures conséquentes, notamment sur la gestion des sans-papiers et leur régularisation. 

Tandis que la ville de Lille les et associations lilloises se penchent sur le cas des sans-abris, Génération.s Lille attire l’attention sur la situation des sans-papiers. Par définition, il est difficile d’avoir un nombre exact d’étrangers en situation irrégulière dans le Nord. Aux yeux de la loi française, un sans-papiers est une personne résidant en France dans une situation illégale, ce qui ne lui donne pas accès à tous les droits dispensés par le gouvernement. Certains lui sont accordés, comme l’aide médicale d’État (AME), mais il n’est, par exemple, pas autorisé à travailler. Dans la précarité, ces personnes attendent une régularisation de leur situation, par la préfecture. À l’heure exceptionnelle où la vie administrative française tourne au ralenti et que la crise sanitaire “touche sans distinction d’âge, de sexe, de provenance, de couleur de peau”, Génération.s Lille en appelle à une prise de conscience “humaniste et solidaire”.

Face au cas des sans papiers, une “mesure urgente et nécessaire”

Génération.s Lille insiste sur ce point : la régularisation des sans papiersparaît urgente et nécessaire afin que toutes les personnes présentes sur le territoire français puissent avoir accès aux mêmes droits, aux soins et aux aides financières pendant cette crise exceptionnelle.” Le comité lillois l’affirme, les enjeux sont tels que la régularisation est une alternative plus qu’envisageable.

Elle est “une mesure de salubrité publique”. Les sans-papiers retenus dans des Centres de Rétention Administrative ne peuvent appliquer la nécessaire distanciation sociale. Propos réaffirmés par L. Perin, co-coordinateur du comité Génération.s à Lille, contacté par le Pépère News : “La situation pour ces personnes est catastrophique car peu de moyens sont mis à leur disposition pour leur assurer des conditions de vie décentes. Nous demandons la fermeture de ces centres, mais nous ne sommes pas les seuls : le 18 avril, le défenseur des droits a également appelé à leur fermeture.”

Communiqués de presse de Génération.s Lille et des associations sur la situation d'urgence sanitaire des sans-papiers
Communiqués de presse de Génération.s Lille et des associations sur la situation d’urgence sanitaire des sans-papiers. © Sarah Khelifi

Leur vulnérabilité au virus est d’autant plus aggravée par leurs conditions de vie précaires. Sans autorisation d’exercer un travail, ils ne peuvent satisfaire leurs besoins primaires, se nourrir, se loger, et se retrouvent à vivre dans des campements précaires. Le comité souhaite, par la régularisation de leur statut, leur donner accès aux droits sociaux dispensés par l’État français. “L’enjeu est que le préfet fasse les démarches pour les régulariser, du moins pendant la période d’urgence. C’est une mesure de bon sens : on ne peut pas laisser ces personnes avoir des conditions de vie si précaires en période de confinement”.

Des situations et réponses divergentes

Régulariser les sans-papiers, mais dans quelle mesure ? “Il y a potentiel à totalement régulariser les sans-papiers, mais ce n’est pas notre revendication actuelle. Il faut agir progressivement, et pour l’instant, les régulariser seulement pendant la période de confinement”, spécifie L. Perin. Cette demande n’est pas isolée et s’inscrit dans la continuité de tribunes de collectifs ou de la lettre de 104 parlementaires à destination d’Édouard Philippe le 2 avril. Tous appellent à suivre la décision prise par le Portugal de régulariser ses sans-papiers pendant cette période exceptionnelle.

Ce n’est donc pas une régularisation totale que revendique le collectif dans l’immédiat, mais une telle mesure a déjà été effectuée par le passé, à l’image des régularisations collectives de sans-papiers en France en 1981 et 1997. D’autres pays européens l’avaient également instauré : la Belgique (1999, 2009), l’Espagne (2005) et l’Italie (2012). L’Histoire va-t-elle se répéter ? En Belgique, des associations ont lancé un appel demandant la régularisation définitive des étrangers présents dans les pays de l’Union européenne.

les associations (ici Migracion) sont présentes sur le terrain pour organiser la gestion des sans-papiers
Les associations (ici, Migraction) sont présentes sur le terrain pour apporter de l’aide aux sans-papiers. © Chloé Lavoisard / Collectif Gerda

En attendant une régularisation, quelles solutions pour les sans-papiers lillois ? “La gestion des sans-abris et sans-papiers revient de la responsabilité gouvernementale, préfectorale surtout. Mais ce sont surtout les associations, comme Utopia 56 présente à Lille et à Calais, qui font l’ensemble du travail” détaille L. Perin. Seulement, à Grande-Synthe et à Calais, les associations sont démunies. Déjà en difficulté pour agir avec les restrictions du confinement, celles-ci se sentent délaissées et témoignent de la situation d’urgence sanitaire face à laquelle elles se trouvent  : “Des milliers de personnes, des familles, des enfants ont des difficultés à accéder à un repas par jour, à accéder à de l’eau potable et subissent très clairement des violences policières”.

L’aspiration à des mesures pérennes pour le monde d’après

De son côté, le gouvernement français s’était déjà prononcé sur la situation des sans-papiers . La France a en effet prolongé pour 90 jours la validité de tous les titres de séjour expirant pendant l’épidémie. Mais cela ne donne pas droit à des aides sociales, droit du travail ou chômage, car les détenteurs des titres de séjour n’ont pas le statut de réfugiés. Mais Génération.s ne souhaite pas que la prise en charge des sans-papiers soit partielle et encore moins temporaire. Le déconfinement est également un enjeu crucial que l’État se doit d’appréhender. La prise en charge des “éxilé.e.s” doit s’inscrire dans la durée : “Nous avons vu que des solutions existent, comme la réquisition de logements vacants ou des bâtiments municipaux et des collectivités locales pour les sans-abris. Mais ces accompagnements ne doivent pas être temporaires. Tout ne doit pas redevenir comme avant le 11 mai” insiste L. Perin.

Interpellé par Génération.s Lille, le préfet n’as pas fait de retour sur leur communiqué. Pour autant, le mouvement déclare avoir également transféré le document aux parlementaires du Nord, et avoir reçu des réponses de la part d’Adrien Quatennens et de Martine Filleul. À l’heure où des solutions d’urgences ont dû être appliquées face à la situation inédite que nous traversons, l’enjeu est dorénavant de savoir si celles-ci sont adaptées à la situation et si, in extenso, une nouvelle prise en charge des sans-papiers et sans-abris émergera de cette crise.

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